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Ville princière, puis résidence des Habsbourg, Vienne s'affirme dès la Contre-Réforme comme l'un des grands pôles européens. Le péril turc repoussé, elle devient un foyer de l'art baroque: églises somptueuses, imposants palais de l'aristocratie, Chancellerie de Bohême manifestent avec éclat la puissance de la dynastie. Bientôt, le château de Schonbrunn est aménagé afin de permettre à la monarchie d'y déployer ses fastes.Après les conquêtes napoléoniennes, Vienne retrouve la gloire en accueillant les congrès qui réorganisent l'Europe. Commence alors l'époque Biedermeier, qui accompagne les débuts de l'ère industrielle et l'essor de la grande bourgeoisie. Un nouvel art de vivre apparaît, plus sobre, à l'image de ces intérieurs où les Viennois recherchent le bien-être ; c'est le triomphe de la valse, des guinguettes du Prater et du Theater an der Wien. En 1848, la ville s'embrase, contraignant Ferdinand Ier à abdiquer en faveur de François-Joseph. Le jeune empereur, qui prend la tête d'un empire réunissant cinquante millions de sujets de onze nationalités, veut donner à sa capitale un visage conforme à son rang. En quelques années, le prestigieux Ring s'élève à la place des anciens remparts tandis que d'innombrables bâtiments officiels en font la vitrine de la monarchie habsbourgeoise.Musiciens et écrivains en ont fait depuis longtemps la capitale des arts; à la fin du siècle, Klimt, Otto Wagner et bien d'autres artistes fulminent contre les artifices de la Vienne libérale et lancent le mouvement de la Sécession. La culture viennoise entre dans la modernité. Elle est inséparable des cafés: Schnitzler, Hofmannsthal et Karl Kraus se retrouvent au Griensteidl; au café de l'hôtel Impérial, on croise Rilke, Freud et Mahler; Berg, Kokoschka, Schiele comptent parmi les familiers du Museum...Au crépuscule du siècle, les affrontements entre les déçus du libéralisme et la montée de l'antisémitisme annoncent les heures sombres. Le cortège funéraire du vieil empereur qui s'éteint en 1916 préfigure l'enterrement de la monarchie. Au lendemain de la Première Guerre, Vienne n'est plus que la capitale d'un petit Etat en quête de son identité. Première victime des Nazis, il lui faudra bien des années pour se relever de ses ruines, immortalisées par Le Troisième Homme.Jean-Paul Bled est directeur du Centre d'études germaniques de Strasbourg et professeur à l'université de Paris-IV Sorbonne. Il est l'auteur, entre autres, de François-Joseph (Fayard, 1987).
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