"On n'est pas dans le futurisme, mais dans un drame bourgeois ou un thriller atmosphérique"
"Nous sommes des mutants génétiques new-yorkais. Nous n'avons d'autre choix que de devenir des super-héros." Héros secondaires est une satire sociale sur les super-héros et l'industrie pharmaceutique ; une comédie noire à prescrire d'urgence pour nos sociétés sur-médicamentées.
Convulsions. Nausées. Migraines. Gain de poids soudain. Pour les fantassins de l'industrie pharmaceutique présents sur la ligne de front de la science médicale - un petit groupe de volontaires qui testent des molécules expérimentales contre rémunération - ces effets secondaires courants sont un petit prix à payer pour défendre leur droit à la vie, à la liberté et à la recherche des antidépresseurs.
Lloyd Prescott, trente ans, gentil loser qui gagne sa vie en enchaînant les essais cliniques quand il ne pratique pas une forme de mendicité créative, est le premier du groupe à remarquer les conséquences très étranges (voire paranormales...) de l'exposition pendant des années à des molécules pas tout à fait certifiées. Ses lèvres s'engourdissent, il est balayé par une vague d'épuisement, et à l'instant même, un inconnu s'écroule devant lui dans la rue, victime d'une narcolepsie foudroyante...
Ses potes cobayes et lui se découvrent ainsi de drôles de superpouvoirs, soudain capables de projeter sur autrui toute une panoplie d'effets secondaires handicapants !
Au coeur de la nuit, un nouveau comité de justiciers fait régner la terreur chez les pseudos caïds - ceux qui visent toujours les plus faibles - à coup de convulsions, de vomissements, d'eczéma fulgurant... Les mendiants de New York ont trouvé leurs défenseurs. Mais les superpouvoirs (et les capes colorées) suffisent-ils à faire des superhéros ? Et quand la menace devient sérieuse, Lloyd et ses amis héros malgré eux seront-ils à la hauteur ?
La Destinée, la Mort et moi, comment j'ai conjuré le sort, gagnant du prix Libr'àNous dans la catégorie Imaginaire
Après Les cobayes, je file le thème des essais pharmaceutiques, cette fois-ci aux Etats-Unis, c'est une coïncidence absolue, un effet secondaire des lectures, mais celui-ci n'est pas indésirable, bien au contraire. Si vous ne connaissez pas S. G. Browne, sachez que c'est le deuxième livre de lui que je lis, après l'excellent coup de cœur La Destiné, la Mort et moi, comment j'ai conjuré le sort et qu'encore une fois, il me ravit. Ce roman débute assez lentement avec un trentenaire un peu désabusé, un peu velléitaire voire un peu fainéant, pas vraiment investi dans sa vie, qui la subit plus qu'il ne la vit ; Lloyd vit avec Sophie depuis cinq ans qui lui demande d'arrêter son job de cobaye pour trouver un boulot plus sérieux et moins risqué, mais sans jamais vraiment s'opposer à elle il persiste à tester des médicaments et à faire la manche pour les à-côtés. Puis, lorsque les garçons s'aperçoivent qu'ils changent, le roman change également et d'un roman assez réaliste et classique, on passe à de la science fiction, un roman de super héros. Oui, mais comme c'est SG Browne qui écrit, évidemment, vous n'aurez pas droit à Superman ou Batman voire Spiderman, mais plutôt à des super héros aux talents assez étonnants que je vous laisse découvrir. C'est à la fois drôle, cynique, ironique et satirique. A travers ce délire romanesque, l'auteur dénonce notre société de consommation et particulièrement celle des laboratoires pharmaceutiques, des médecins qui prescrivent à tour de bras et notre rôle à nous patients qui acceptons tout et n'importe quoi pour aller mieux. Si la France est championne du monde de la consommation d’anxiolytique, les Etats-Unis doivent suivre de près et sans doute beaucoup d'autres pays riches, malheureux et envieux que nous sommes malgré toutes nos possessions.
Je ne suis pas très connaisseur de la littérature étasunienne, ni même amateur d'icelle, mais lorsqu'elle se présente sous cet angle, je prends et en redemande. SG Browne est direct, il ne ménage pas ses propos, la critique est rude et tellement bien amenée que je ne peux qu'applaudir. Son thème favori étant celui qu'il a longuement déployé dans l'autre roman chroniqué sur le blog, à savoir, le sort, la destinée, le but de toute existence, la raison d'être, enfin toute la réflexion sur l'utilité de notre passage sur terre, le sens de la vie quoi, il en remet une couche cette fois-ci et Lloyd n'échappera pas à ces questionnements existentiels. SG Browne pousse parfois le bouchon, mais c'est bien, ça incite à la réflexion et il le fait tellement bien qu'on lui pardonne. En outre, lorsqu'au détour d'une phrase d'apparence sibylline, il place une banderille utile et réaliste telle que la suivante, que voulez-vous lui reprocher -la situation : une agression a lieu dans la rue, en pleine foule- : "Un des clients compose le numéro de la police tandis qu'un autre remplit son devoir de citoyen en filmant la scène avec son téléphone portable." (p.173) ? Tout est comme cela dans ce roman, pas un mot n'est ratable au risque de passer à côté d'un bon mot ou d'une pirouette à la fois drôle et profonde. Excellent, excellent, excellent.
Roman traduit, comme le précédent, par Morgane Saysana, et cette couverture d'un rose bonbon qu'on dirait un médicament, au dessin sobre et explicite, avec le bandeau maintenant célèbre des éditions Agullo, qui, contrairement aux autres, sert la couverture, en est une partie importante, pas juste une accroche marketing. Un très beau travail.
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