"On n'est pas dans le futurisme, mais dans un drame bourgeois ou un thriller atmosphérique"
À travers l'amitié de deux adolescents confrontés à l'exclusion, Heaven est un roman puissant sur la question de l'identité et du rapport de soi au monde extérieur. Thèmes d'une grande richesse portés ici par des valeurs japonaises qui déplacent fortement l'interprétation intellectuelle occidentale.
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Heaven de Mieko KAWAKAMI
Ses tortionnaires, élèves dans sa classe au lycée, l’appelle “Paris Londres” : “quand tu as un oeil sur Paris, l’autre est à Londres et ça, ça nous donne le mal de mer, alors on va te mettre à l'amende, a déclaré Ninoniya, en me tapant sur la tête avec sa règle.”
Le décor est planté !
Elle, elle s’appelle Kojima. Elle se fait brutaliser aussi pour son hygiène douteuse, mais par une bande de filles de la même classe que le narrateur. Chacun voit et subit la violence, dont est victime l’autre. Un lien se tisse, et ils s’envoient des lettres pour se soutenir.
C’est une histoire effroyable et insoutenable sur le harcèlement scolaire ou les victimes sont soumises aux brimades et à la violence des autres. Cela se passe au Japon, mais pourrait tout aussi bien se passer en France.
C’est un roman d’amitié qui permet aux deux souffre - douleur de s’unir pour surmonter leur solitude.
Certaines scènes sont très violentes et humiliantes.
Écrit à la première personne, ce roman est à la fois saisissant de violence, mais aussi de tendresse et de courage, car il en faut pour retourner tous les jours au lycée en sachant que les autres vont surement faire preuve d’imagination pour inventer de nouvelles brimades ou tortures.
Extraits :
Mes mains, que je serrais l’une dans l’autre et mes genoux tremblaient si fort que j’entendais le bruit qu’ils faisaient. De toutes mes forces, et de toutes les forces de mes paupières, j’ai fermé les yeux, j’ai serré les dents. Dans ma tête tordue, je sentais que mes lèvres étaient retroussées, que mon souffle passait à travers mes dents. Mon coeur battait plus vite que ça n’était jamais arrivé. Une pulsation bizarre sonnait dans mes oreilles, compacte, si j’avais pu me mettre les doigts dans les oreilles, j’aurais pu le toucher, pour la première fois de ma vie j'entendais les bruit du frisson.
Moi aussi, ça m’est arrivé de me faire frapper dans les toilettes, elle me dit d’une voix encore plus petite. Je n’ai pas saigné, mais la douleur était atroce. Ils se débrouillent toujours pour que rien ne se remarque de l’extérieur. Ils sont très forts pour ça. Où ils ont appris ça, d’après toi ? elle m’a demandé.
A la maison, être obligé de parler m’était pénible, même pour dire bonsoir. Dans ma chambre, je ne lisais plus, je ne touchais plus un livre. Je restais tout le temps couché sur mon lit, sans bouger, les rideaux tirés. J’avais de moins en moins faim, comme pour éliminer quelque chose, j’avais en permanence l’impression que quelque choses était coincé dans tête. Quand je me lavais, je ne savais plus par quelle partie commencer, alors je m’arrosais d’eau chaude sans me savonner.
En payant, je pouvais me faire opérer et corriger mes yeux … Je n’avais jamais imaginé cela possible, ni même réfléchi de cette façon. J'avais admis une fois pour toutes que, puisque l’opération avait raté une fois, je garderais ces yeux - là toute ma vie. MAis avoir des yeux normaux … C’était comme un choc, une énorme surprise. Je restais planté là, en proie à une étrange agitation, la main à la bouche. Sans m’en rendre compte j’étais en train de me ronger les ongles. Je ne savais pas quoi penser ensuite.
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