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Alerte ! Enid et Becky, les enfants terribles de Daniel Clowes, sont de retour ! Et elles n'ont pas perdu une once de cynisme.
Enfin ! Le temps est venu pour Ghost world de rejoindre le catalogue Cornélius, auprès du reste de la progéniture de Daniel Clowes (David Boring, Wilson, Mister wonderful), le grand peintre de la cruelle banalité de la vie quotidienne.
Près de vingt ans après sa première parution chez Fantagraphics Books, Ghost world, dont les héroïnes ont toujours la peau grasse, est LE roman graphique emblématique de l'adolescence désabusée. Clowes s'immisce dans la vie d'Enid et Becky, à cet âge ingrat qu'elles sont prêtes à quitter, non sans regrets inavoués.
En retraçant l'été des deux amies jusqu'ici inséparables - mais cela ne saurait durer - Ghost world évoque leur petite existence minable, dans un bled tout aussi minable du fin fond des États-Unis.
Enid Coleslaw (mais ?! c'est l'anagramme de Daniel Clowes !) et Rebecca Doppelmeyer posent un regard glacial sur le monde et les adultes qui le peuplent, à commencer par leurs parents, qui ne sont pour elles que des enveloppes charnelles sans convictions à qui elles désespèrent de ressembler un jour. Va pourtant se poser la question, à l'issue du récit, de savoir ce qu'il adviendra de leur vie désormais.
Une fois encore, Daniel Clowes crache au visage de l'Amérique conformiste et propose sa vision d'un « monde de fantômes » vide de sens, où des étincelles de beauté peuvent naître là où on ne les attend pas.
Cette BD fait partie de ces oeuvres qui ont rompu avec la tradition des comics de super héros. Ici, les personnages sont deux jeunes filles, bientôt femmes, qui tentent de faire leur place dans la société, de vivre malgré un monde des adultes qui leur reste incompréhensible. Par le dessin où ces adolescentes sont disséquées avec minutie, Daniel Clowes compose la chronique intime et sentimentale d’Enid et Rebecca.
La chromie retenue (noir, blanc et vert passé) créé une ambiance constamment étrange. On ne sait pas dans quelle réalité nous sommes. La précision du trait se confronte à des situations étranges. On observe cela avec curiosité. Il n’y a pas de joie ni de bonheur dans la vie de ces deux jeunes femmes. Elles ont des parcours parallèles. L’une dans la vie, l’autre plongée dans la solitude sans prise sur le réel. Le décalage entre les deux est une fissure qui s’installe progressivement dans leur complicité. La mélancolie est présente de bout en bout.
Par des cadrages, on retrouve les images de la société idéale américaine. Les visages expressifs des personnages, la couleur glaciale accentuent la fausseté de ce rêve. Les années 90 ont révélé un monde en crise et cette description s’amplifie par le choix de jeunes personnages. Leur présent est fade, leur avenir ne semble pas beaucoup plus prometteur.
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