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« Je suis née en 1977 dans une centrale nucléaire, au sud de la Corée du Sud » : Rinny Gremaud n'aurait sans doute pas eu l'idée de ce livre si le président de son pays d'origine n'avait pas annoncé, quarante ans plus tard, la fermeture de Kori 1, « sa » centrale.
Installée en Suisse depuis son plus jeune âge, elle ne s'était jamais préoccupée de son père biologique, un ingénieur britannique avec qui sa mère avait eu une liaison alors qu'elle-même travaillait sur le chantier du réacteur.
Mais la dépêche marquant la fin d'un cycle, celui de l'utopie nucléaire, ébranle la narratrice au point qu'elle décide d'en savoir plus sur son géniteur. La voici à Holyhead, au pays de Galles, où il a vu le jour. La chance lui fait obtenir une adresse dans le Michigan. La lettre qu'elle écrit restant sans réponse, elle s'autorise à inventer une vie à cet homme qu'elle ne connaît pas et qui ne l'a jamais reconnue.
Les quelques jalons dont elle dispose déterminent les étapes de sa recherche : elle se retrouve à visiter les centrales où a travaillé l'ingénieur mécanicien reconverti dans le nucléaire, sur l'île d'Anglesey d'abord, puis à Taïwan et enfin, après la parenthèse coréenne, à Monroe, au bord du lac Érié.
Partie sur les traces d'un père, Rinny Gremaud va trouver des centrales atomiques.
Sans se départir de la distance et de l'ironie qui font le sel de ce livre, mais aussi sa grande pudeur, elle va magnifiquement entrelacer enquête journalistique et quête intime, faisant de ce generator un personnage de papier qui s'enrichit du silence de son modèle.
Generator, un titre énigmatique mais qui donne toute sa signification à ce beau récit.
J'ai lu ce texte comme une bouleversante lettre envoyée en poste restante à un vieil homme, le père biologique de la narratrice devenue une femme de 40 ans et qui ne se sont pas connus.
Ingénieur britannique, il a aimé sa mère sud-coréenne le temps de la construction de la centrale nucléaire de Kori 1 en 1977 en Corée du Sud avant de repartir pour son autre vie.
L’annonce de l’arrêt du réacteur de cette centrale nucléaire en 2017 allume dans le cœur de la narratrice la flamme éméchée du besoin de savoir, la nécessité vitale de se mettre en quête du père enfui 40 ans après.
Rinny Gremaud entreprend alors un long voyage sur les chemins empruntés par celui qu’elle cherche d’un bout à l’autre du monde, de l’Asie jusqu’à la pointe la plus escarpée du Pays de Galles, Holyhead, les Etats-Unis, la mer et l’océan, berceaux de ses pensées.
La narratrice voyage et consigne par écrit ses émotions, ses réflexions sur les lieux et les paysages traversés, elle récolte des indices, des vieux témoignages. Elle mène une enquête d’investigation jamais loin des centrales nucléaires parce qu’elles font le lien avec celui qui a disparu et l’autrice en sait beaucoup sur cette industrie.
Mais cette quête intime n'est pas qu’une affaire de biologie ou de chimie. Dans une langue poétique sensible, l’écrivaine se nourrit de l’horizon des paysages, de la mer, des lieux et des maisons, de toutes ses bribes d’indices pour imaginer l'existence menée par son père, lui donner une présence, une forme créatrice au-delà de l’absence et de l’indifférence.
Rinny Grimaud esquisse à la manière d’un peintre et avec un imaginaire flamboyant et lumineux les rêves et désirs, les sentiments et les désillusions d’un être de papier façonné à sa manière. C'est son histoire, l'histoire de son père.
Un texte très beau et très fort.
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