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La romancière Assia Djebar, en collaborant à la traduction, a voulu rendre sensible le plus possible dans des mots français, la révolte haletante des mots arabes de cette voix : celle de l'écrivaine, et à travers elle, de Ferdaous-en-Enfer.
« Ferdaous, en langue arabe signifie « paradis » et c'est donc une femme prénommée « Paradis » qui, la veille d'être pendue pour avoir tué un homme, interpelle d'« une voix en enfer », toutes les autres femmes d'une société où l'oppression sexuelle séculaire commence à peine à être dite de l'intérieur. Étapes successives de la vie de Ferdaous, devenue prostituée par révolte, après avoir traversé les cercles d'une exploitation implacable et qui, au bout de multiples fuites désespérées, devient meurtrière par défi. Est-ce un roman « populaire », cette histoire écrite par Naoual El Saadaoui, célèbre essayiste au Moyen-Orient dont les études sur la sexualité sont basées sur son expérience de médecin, et dont les romans sont lus par une importante jeunesse féminine, mais contestés par une culture officielle ?... « Populaire », ce livre l'est avec une chaleur véhémente, car la fiction ici est ancrée dans les drames sociaux et sexuels de la réalité arabe actuelle. » A.D.
Écrit en 1977, traduit et paru en France aux éditions Des femmes-Antoinette Fouque en 1981, c'est une idée lumineuse que de le rééditer en poche en ce moment. Nawal El Saadawi (1931-2021) fut sage-femme puis psychiatre et autrice d'une œuvre dénonçant les violences faites aux femmes. Elle fut censurée, menacée de mort, recueillit le témoignage de Ferdaous juste avant sa pendaison et publia son livre juste après ce qui lui valut pas mal d'embêtements.
C'est un texte court et d'une force incroyable. Il alterne les passages difficiles, violents que subit Ferdaous "Il m'a frappée une fois avec le talon d'une chaussure, jusqu'à me faire enfler le visage et le corps. J'ai quitté sa maison, j'ai fui chez mon oncle. Mais mon oncle m'a dit que tous les maris battent leurs épouses." (p.64) avec des envolées plus lyriques sur les couleurs, les paysages, les rencontres amoureuses de Ferdaous lorsque les regards se croisent "J'ai vu devant moi deux cercles d'un blanc vif au milieu desquels deux cercles d'un noir intense me regardaient. Et à chaque fois que je les fixais, leur blanc s'intensifiait, leur noir s'avivait comme si la lumière les inondait, jaillie d'une source magique inconnue qui ne se trouverait ni sur terre, ni dans le ciel." (p.102)
Le récit est tellement stupéfiant qu'on peine à croire qu'une femme ait pu traverser toutes ces épreuves, qu'on peine surtout à comprendre comment des hommes peuvent faire subir tout cela à une femme. Et ils sont solidaires entre eux, pas un ne défendra Ferdaous. Pas un ne dira ou ne fera le contraire d'un autre homme. C'est absolument terrible et l'on avance dans la lecture en sidération, ne voulant pour Ferdaous que la sortie de l'enfer, elle qui préfère la prostitution à toutes les vies qu'elle a menées : "La vérité était que je préférais être une prostituée plutôt qu'une femme vertueuse mais dupe. Toutes les femmes sont dupes. Les hommes t'infligent la trahison, puis ils te punissent parce que tu es trahie. Les hommes te forcent à descendre aux abîmes, puis ils te punissent parce que tu te trouves au fond des abîmes. Les hommes te contraignent au mariage, puis ils te punissent par des coups, des insultes et la corvée quotidienne." (p.111)
Cette sortie en poche est une occasion formidable de lire et/ou relire ce livre, de l'offrir, de le diffuser aux femmes, aux hommes. On dit parfois facilement qu'on ne sort pas d'une lecture indemne, j'avoue que je trouve cette formule souvent exagérée et n'en use jamais, mais une fois n'est pas coutume et c'est ici la formule idoine à ce récit
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