"On n'est pas dans le futurisme, mais dans un drame bourgeois ou un thriller atmosphérique"
Par analogie avec la notion de « négritude », Simone de Beauvoir pose celle de « féminitude » : elle veut désigner par là un ensemble de qualités acquises dans l'oppression (Encyclopaedia Universalis).
Daniel LAURET nous livre ici un conte : NOTRE DRAME DES LAVES et un roman : L'ÉPREUVE DE L'AMOUR, des textes qui racontent l'histoire de quatre femmes, de quatre grossesses indésirées. Angèle, Man Toinette, Charlotte, peuvent-elles faire autrement que de les subir ? Sylviane fera, pour sa part, le choix d'une IVG.
Extrait :
Il m'est doux de penser, aujourd'hui, que mon hôte en aura profité pour filer. Comme une étoile. Je ne lui en veux pas. Je ne pouvais pas prendre la responsabilité d'un Petit Prince. L'avion était en panne et le pilote n'était pas là pour lui dessiner un mouton. Il valait mieux, pour nous deux, qu'il retrouve sa planète, son baobab, sa fleur.
Composé d'un conte et d'un roman, Féminitude interpelle comme hypnotise. Le sujet ? Les femmes évidemment, mais surtout le rapport au corps, la grossesse non désirée et la reproduction de carcans, réminiscences de vieilles mentalités. Est-on prisonnier d'une moralité imposée, est-ce la peur du regard des autres qui nous nous empêche, nous les femmes, d'assumer nos idéaux, de briser les chaînes d'un cercle vicieux ? Avec minutie, Daniel Lauret utilise quatre personnages féminins afin d'expliquer, mais surtout briser les chaînes de productions d'une société patriarcale. Tout en brossant un portrait de la société réunionnaise, l'auteure offre un roman littéraire riche d'idées, doté d'une force lyrique indiscutable. Ecrire sur le viol, l'inceste ou encore sur l'avortement sans jugement, tout en gardant une totale maîtrise des émotions n'est pas chose aisée. C'est pourquoi les histoires d'Angèle, Man Toinette, Charlotte et Sylviane, première femme de la famille à oser avorter, et ce, dans les années 80, sont aussi uniques que ces femmes. Soufflée par les réflexions pertinentes de l'auteur, je vous invite sans plus tarder à découvrir ce livre aussi affûté que délicat. Coup de cœur !
En débutant avec le conte Notre drame des laves, Daniel Lauret invite le lecteur à plonger au cœur de la Réunion lontan, où les mentalités encore dominées par une religion trop présente régissent la vie de ses habitants. Un nouveau prêtre fait son apparition, et Madame Robert compte bien en faire son invité d'honneur tous les premiers dimanches du mois. A sa table se trouve également son neveu Mickaël, et bien évidemment sa fille, Angèle. D'ailleurs, Mickaël a bien remarqué comment "mon père" regardait sa cousine... Angèle grandit, s'épanouit, et la petite fille devient jeune-fille. Le trouble s'installe.
Un volcan intérieur gronde, déversant son magma, révélant la puissance d'un drame qui se joue.
Dans la continuité du conte, le roman L'épreuve de l'amour dresse les portraits croisés d'Antoinette, Charlotte et Sylviane, trois femmes meurtries dans leurs cœurs et dans leurs corps. Que ce soit à travers une grossesse imposée, des violences sexuelles ou une interruption volontaire de grossesse, notre conteur lève le voile des féminitudes. Antoinette révèle alors à Sylviane, sa petite fille, un secret de cœur et de corps, influent sans le savoir sur sa future prise de décision. Car Sylviane, étudiante à l'école d'infirmière est enceinte et depuis quelques années, l'avortement est enfin légal en France. Une volonté de fer dans ses bagages, Sylviane part en métropole. Mais si son choix est fait, il n'est reste pas moins douloureux. Avec lucidité et force de caractère, Sylviane explique son choix, ses doutes et le cheminement intérieur qui la pousse à avorter. Mélancolique et lumineuse, Sylviane pense à ces femmes qui elles, n'avaient pas le choix, engluées par la morale d'une société puritaine ou d'une famille repliée sur des valeurs religieuses et patriarcales. Et l'amour dans tout ça ?
Partie au Salon du livre Réyoné (Réunionnais) en novembre dernier, je me suis laissé tenter par le livre de Daniel Lauret. Il faut dire que ma copine Gaëlle en avait dit et écrit beaucoup de bien, alors pourquoi pas ? Sorti de ma PAL pour ce mois "féminibooks", je ne m'attendais pas à être aussi emportée, non seulement par la trame narrative, mais aussi par l'écriture de son auteur. Avec une élégance rare, Daniel Lauret écrit les femmes, pour les femmes.
Douce et violente à la fois, la sincérité de l'écriture contrecarre la violence des faits qu'il détaille. Du rapport des hommes et des femmes à la féminité, au corps, à la maternité, et tant de choses encore, le romancier ose, bouscule les mentalités, interroge. Enfin un roman où le processus d'avortement va jusqu'au bout ! Et c'est aussi ça qui m'a tellement plu chez lui, aller jusqu'au bout du raisonnement. Car depuis quelques années, j'ai remarqué que très souvent lorsque le sujet est abordé, que ce soit en films ou en lecture, le processus étaient rarement mené à son terme. Comme si l'idée de l'avortement était dans un premier temps acceptable, mais finalement, l'acte non. Alors, dans une illumination céleste conduite avec force morale, les jeunes-femmes décident que la vie est tellement plus précieuse que leur propre désir. Alors merci Monsieur Lauret, merci d'avoir su décrire avec beaucoup de justesse ce choix difficile et les souffrances qui en résultent, sans tomber dans un mélodrame révulsant.
Des personnages travaillés avec soin, des sujets aussi forts qu'actuels font de ce livre une pépite d'une rare puissance. Tout simplement brillant.
http://bookncook.over-blog.com/2020/03/feminitude-daniel-lauret-87.html
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