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Une Russie qui, après avoir fait espérer à ses citoyens un avenir dans lequel l'amour deviendrait enfin libre, et les gays prides permises, a fini par rejeter ce qui est considéré comme néfaste à la préservation de ses richesses traditionnelles et de son orthodoxie.
Récit poignant, sur la réalité de l'évolution politique avec jeunesse broyée par les contradictions. Une société qui oscille entre tolérance et brutalité. Comment s'accepter soi-même alors que la société Russe accepte l'homosexualité puis revient en arrière. Une plume percutante et sans langue de bois.
Honte, Culpabilité, Violence, Espoir, communauté LGBT, Désir.
"Et si c’était notre faute ? Si tout s’était écroulé parce que l’on n’avait pas fait assez? Si tout s’était écroulé parce qu’on les avait laissés nous museler, parce que l’on n’avait jamais contesté notre rôle de citoyens dociles, des citoyens fiables, des citoyens qui ne l’ouvrent pas , de "meilleurs" citoyens ?"
"Mais les affiches soviétiques nous apprenaient que le virus pouvait s'infiltrer à travers les gencives si celles-ci saignaient un peu. Et elles saignaient. Comme tout le reste en nous."
Né en 1989 et installé en France depuis 2016, c'est dans sa langue d'adoption que Sergueï Shikalov a écrit son premier roman qui évoque ce qu'était être homosexuel en Russie, son pays natal.
En 2022, la Douma adoptait une loi interdisant la « propagande » des « relations sexuelles non traditionnelles », à savoir « les relations homosexuelles » et la « pédophilie », mettant dans le même sac des pratiques entre adultes et l'abus de mineurs ! En 2013, une loi avait déjà proscrit tout prosélytisme en faveur de l'homosexualité.
Ces règles aux accents poutiniens, qui entérinent un durcissement du pouvoir à l'encontre d'une « communauté déviante », met fin (définitivement ?) à la parenthèse quasi enchantée que Sergueï Shikalov et ses semblables ont vécue pendant une décennie, celle des années 1990.
En 1993, « les élus du peuple » affirmaient en effet que les homos n'étaient plus ni des malades mentaux ni des criminels.
Cette liberté soudaine, qui rendit les LGBT presque groggy, leur autorisa une certaine visibilité et, surtout, leur donna la sensation de faire partie d'un groupe vivant avec ses gadgets venus des US, ses codes vestimentaires, ses looks de métrosexuel, ses lieux de rencontre et ses références, celles d'une pop culture dont l'une des égéries n'était autre que Mylène Farmer.
Exit la honte, place à l'affirmation de soi et de sa différence.
Pourtant, le regard de leurs compatriotes n'était pas toujours bienveillant...
Malgré une législation qui ne les discrimine plus, ils continuent à se faire traiter de pédés et à être molestés par les garants des valeurs traditionnelles haineux de l'Occident. Pour éviter les ennuis, il vaut mieux faire profil bas.
Même s'il ne néglige pas les aspects les plus intimes sans jamais verser ni dans la vulgarité ni dans le pathos, l'auteur entend porter la voix d'un collectif en recourant au « on » qui lui permet de toucher à l'universel.
« Espèces dangereuses », ode à l'altérité et à la tolérance,
est un livre salutaire pour saisir l'état des libertés individuelles en Russie.
EXTRAITS
Pendant une dizaine d'années, on a existé.
L'Amérique était le pays de la liberté, sauf les libertés interdites.
Aimer sans culpabiliser, sans s'arracher les ongles, sans enfouir nos doigts dans un mouchoir pour cacher le sang.
http://papivore.net/litterature-francophone/critique-especes-dangereuses-serguei-shikalov-seuil/
Excellent ouvrage écrit avec audace et courage. ce roman porte à réflexion….
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