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Surgi au coeur de l'Afrique, Ebola a mis les hommes et le monde face au danger de l'extinction. Dans le silence après la tourmente, trois voix s'élèvent : Baobab, confident et mémoire essentielle des êtres, Ebola, qui n'est pas le mal mais un organisme luttant pour sa survie, et Chauve-souris, porteur sain du virus et initiatrice du dialogue. Témoins ou acteurs de la tragédie, ils devisent sur la place de l'Homme, son rôle et ses responsabilités à l'égard du Monde dont il est le gardien. Sur le prix de sa vie aussi.
Le palabre est ouvert....
Baobab, arbre-premier, arbre éternel, arbre symbole. Ses racines plongent loin au coeur du monde, pour le protéger de la fureur du soleil et des intempéries. Il va chercher la lumière douce, porteuse de vie, afin qu'elle éclaire l'humanité, illumine la pénombre et apaise les coeurs. Par la voix de l'arbre s'expriment tous ceux qui ont lutté contre les ravages d'Ebola. Hommes, femmes, enfants pris dans la tourmente mais combattants farouches pour la survie des autres et pour leur propre survie : le docteur en combinaison d'astronaute qui, jour après jour, soignait les malades sous une tente ; l'infirmière sage-femme dont les gestes et l'attention ramenaient un peu d'humanité, les creuseurs de tombes qui, face à l'hécatombe, enterraient les corps dans le sol rouge ; les villageois renonçant à leurs coutumes ancestrales pour ne pas favoriser la propagation de l'épidémie...
Cependant, la voix d'Ebola claque de dureté dans le matin naissant. Il défend sa cause avec sévérité : il n'est pas une force du Mal, juste un organisme qui ne peut subsister sans un hôte. Il ne cherche que sa survie, et n'est coupable d'aucune mauvaise intention. L'Homme peut-il en dire autant, lui qui massacre et détruit même chez son prochain, qui anéantit parfois massivement les autres occupants de la Terre dont le seul tort est d'exister ?
Entre les deux, la chauve-souris sert de médiateur, elle qui fut le porteur sain du virus avant que les hommes ne viennent déranger le cycle de la forêt. Messagère d'Ebola, elle se veut l'initiatrice d'une réconciliation entre les choses et les êtres.
«Pars, va-t’en»...
Voici commence ce livre de Véronique Tadjo, née d’une mère française et d’un père ivoirien, professeure à l’université en Afrique du Sud, présidente du jury du Prix du livre Orange d’Afrique. Dans ce livre, à l’écriture poétique et sensible, à l’économie de mots et non d’émotions, ce sont les nombreux personnages qui m’ont le plus marqués. Ils m’ont touché à vif, directement dans le cœur. Chaque personnage est, en effet, inoubliable par sa grande capacité à donner à voir au lecteur une humanité profonde mais aussi les enjeux du pouvoir de la solidarité et de la résilience face aux catastrophes.
Se saisissant de l’épidémie de la fièvre Ebola, en tant qu’historienne de la littérature en l’occurrence avec ses écrits passés dont Voyage au bout du Rwanda : dans l’ombre d’Imana et Reine Pokou : concerto pour un sacrifice, Véronique Tadjo se rapproche de la douleur de ces peuples africains qui ont souffert de cette épidémie. Elle nous raconte, sans pathos, avec la magie des mots et le recul de l’historien, les faits ayant accouché de cette épidémie. Page après page, personnage après personnage, le lecteur se sent emporter par sa plume tendre et formidable. Chaque personnage lutte avec ses armes pour conjurer le sort. Pour preuve, ce jeune homme qui écrit des poèmes à sa fiancée pour l’aider à guérir et pour tenir bon sous l’orage :
«Il y a longtemps déjà
Que j’aime chanter tes pas
Et écouter ton souffle
Au milieu de la nuit...»
Ce texte qui donne la parole au baobab, arbre ancien, arbre à paroles, à la chauve-souris et aussi à Ebola, est atypique. Il en appelle à la responsabilité de chacun dans la protection de l’environnement, mais aussi à la solidarité des pays du Nord et des organisations internationales envers les pays du Sud dans la bonne santé de l’humanité. En compagnie des hommes est une véritable ode à la vie, à travers la littérature. Un livre, facile d’accès, à lire absolument.
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