"On n'est pas dans le futurisme, mais dans un drame bourgeois ou un thriller atmosphérique"
Edgard Whitman, jeune architecte prometteur, est engagé par le richissime homme d'affaires Kosmo Vassilian pour achever la construction de l'Empire Falls Building, son célèbre et monumental hôtel new-yorkais, pourtant flambant neuf. L'architecte est alors loin d'imaginer que cette entreprise va le conduire au-delà de ce qu'il pensait réalisable, au-delà de ses propres limites...
Cette bande dessinée s’ouvre sur une rêverie tragique. Un homme en costume cravate se prépare avec nonchalance à sauter du haut d’un immeuble, dont on ne connaîtra le nom et la réputation que plus tard, et se retrouve happé par le ciel. En quelques images, des couleurs sombres et nuancées, les auteurs se jouent de la pesanteur et d’une certaine tragédie. Il y a une pesanteur qui est déjà là et servira de fil rouge sensible à l’histoire. Edgard se retrouve dans cet immeuble qui le lieu, le territoire et, d’une certaine manière, le temps de toute la narration. On voyage complètement dans ce bâtiment dont les frontières restent floues et fascinantes, d’autant plus que le point de vue est celui d’un artiste en herbe, peu confiant, porté par ses émotions et ses rêves. Edgard n’a pas conscience de la réalité et une fois dans l’immeuble, il perd pied entièrement.
La bande dessinée se déploie au coeur d’un lieu clos tout en poussant les murs. La narration colle bien à la puissante ambition de l’homme d’affaires et aux espoirs de l’architecte. Les calques reprenant les dessins de l’artiste viennent se coller aux pages de la bd, apportant un niveau supérieur de projection. Et c’est l’une des forces du récit, laisser de l’espace à ce que les personnages imaginent. Rien n’est jamais vraiment dit, vraiment fait. Tout est rêvé, ça donne autant d’espoir que de déceptions. Les personnages avancent donc sur le fil de cet équilibre émotionnel, la chute n’étant jamais bien loin.
Pour éviter d’entretenir trop de flou et ainsi perdre le·la lecteur·rice, les dessins donnent de la matière faisant des personnages et surtout leurs visages des territoires marqués par le temps et les émotions. Edgard nous apparaît d’abord comme un enfant, un visage lisse sur lequel tout glisse. Au fur et à mesure, il est plus à l’épreuve, se perdant dans ce projet architectural. La fatigue se fait sentir, ses nuits sont troublées par divers bruits et il vieillit. Le temps passe et alourdit chacun. L’épouse de l’homme d’affaires présente un visage figé dans le temps et un regard très inquiet. Elle est autant une source de joie que de peur. Elle est mise en scène comme une figure antique distillant une certaine magie. Les autres personnages, l’homme d’affaires et le régisseur, ont des visages marqués, dont la chair prend le dessus sur la vie. Ce sont des statues de viande. Ils en imposent tout en étant effrayant. Ce travail graphique marque chaque apparition et donne l’impression d’une vitalité sanguine qui se serait évanouie. A contrario, un client de l’hôtel aux cheveux longs est plus souriant, encore animé par une vie, moins absorbé par l’immeuble. Il y a une véritable relation charnelle entre certains personnages et le bâtiment. Celui-ci, oeuvre de plusieurs vies d’architectes, semble avoir vampirisé ses créateurs, captant leur énergie pour mieux atteindre le sommet et les cieux.
Le premier m’a conquise avec Céleste, le 2ème avec Maryline, leur association en bulles fut un appel immédiat.
JC Deveney nous plonge dans une intrigue où l’art et l’architecture se mêlent, se séparent , se brouillent, tentent une cohabitation bien difficile quand les désirs d’un homme ne sont pas en osmose avec la créativité d’un autre.
Un lieu sublime qui attise et qui pourtant suscite un malaise où des protagonistes caractérisés et quelques peu étranges se croisent.
Si les éléments se mettent en place peu à peu, j’ai été happée dès le départ, puis intriguée avant d’être déroutée… réel ou irréel ? Fantasme ou hallucination ?
L’atmosphère tantôt nette, tantôt brouillée comme calquée aux émotions des personnages ou de l’hôtel qui semble aussi vivant que vide.
De nombreuses ambivalences relevées par le crayon singulier de Tommy Redolfi qui est en osmose avec le récit.
Un style original d’une beauté atypique qui frappe et me charme !
Je n’oublie pas la mise en page superbe agrémentée de calques qui font la différence.
Une lecture troublante et fascinante qui interpelle sur l’art et la création qui finalement s’apprécient et vivent par le regard de chacun…
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