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Poète visionnaire, Seyhmus Dagtekin impressionne les auditeurs dans ses lectures publiques. Il imagine se faire un monde, une maison avec des mots qui ne seraient même pas les siens. Il croit au verbe, à la force instituante de la parole. Il est en quête permanente du lien fondateur entre le mot et les êtres. Élégies pour ma mère marque le lien profond qu'il entretient entre sa langue maternelle, le kurde, et sa langue d'adoption, le français. Il renoue ainsi avec le Kurdistan à travers la langue française et les sonorités du kurde. Il impose ainsi une musique unique qui défie le temps et l'espace pour défier les agresseurs et les commandeurs éternels. Ces élégies bouleversantes aux différentes figures de la mère marquent une étape capitale dans son quête d'identité qui dépasse les frontières.
Ce recueil est un hommage à la langue de ma mère, une tentative de revisiter les formes élégiaques de mes montagnes du Kurdistan à travers le français, dans un va-et-vient constant entre souvenirs et sonorités du kurde, ma langue d'origine, et formes et empreintes du français, ma langue d'écriture aujourd'hui.
Dans ces montagnes, on sait, et maintenant depuis des millénaires, qu'il faut endurer et s'endurcir dans la parole en attendant que l'autre, l'agresseur, se fatigue, ne pouvant malheureusement pas compter sur une conscience retrouvée de l'assaillant, de ceux qui éternellement veulent rester dans la vaine gloire de commander.
En attendant alors l'épuisement des commandeurs, Élégies pour ma mère se propose de dire la vanité de tout commandement et de donner à entendre quelques couleurs qui peuvent trouver échos au-delà des querelles du présent.
Seyhmus Dagtekin
Entre deux cultures et deux langues, le kurde et le français, le poète Seyhmus Dagtekin tisse ces chants funèbres qui évoquent le pays quitté et la langue maternelle.
Né dans les montagnes Kurdes, Seyhmus Dagtekin embrasse la langue française à l’âge de 22 ans, sa langue d’adoption devient sa langue d’écriture.
« Les couleurs des vivants sur ma langue
Ma blessure aveugle
Que ce jour sonnerait la fin de cette nuit
Avec une eau fraîche, un œil déchiqueté. »
Son regard se tourne vers les montagnes de son pays, vers ces puits que gardent les vieilles, comme on garde les souvenirs. « Que les puits ne se perdent pas dans les profondeurs de la mémoire »
Pour nous lecteur, le poète évoque des sensations, réveille de vieilles peurs, et la mort se glisse entre ses vers, tout le temps.
« Les enfants sont là. Les enfants sont dans l’attente de leur mort
Dans un va-et-vient
Ils se croisent avec les glapissements de nos bouches sèches
Et contemplent notre mort à chacun de leur passage. »
Que peut la parole face au malheur ?
« Il est dit que la parole est limitée, le malheur illimité
Nous chargeons le nôtre sur la parole consumée des autres. »
Le poète questionne aussi bien les mots que la vie. Dans sa plainte douloureuse, la mémoire cueille ici est là des souvenirs sensibles et mélancoliques.
Il y a un travail profond, troublant sur la langue qui se mêle aux trois éléments : l’eau, le feu et la terre.
« mais qu’allons-nous faire de ce bois en flammes sur notre langue ? »
Le lecteur doit se frayer son chemin dans l’épaisseur du poème qui garde sa part d’énigme.
C’est un kaléidoscope d’impressions et d’émotions éclatées avec des images étonnantes.
« Au gosier de la nuit, à l’amertume de tes yeux
Aux blessures de l’orteil
Ö porte malheur
Viens et vide ton ventre dans notre désert. »
La langue n’est ni apaisée, ni apaisante, elle défaille et nous malmène et il faudra être attentif afin de débusquer un motif d’espoir, une lueur ténue au débord d’un ver qui résiste malgré tout.
Malgré son côté sombre, la poésie de Seyhmus Dagtekin nous touche et nous emporte.
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