"On n'est pas dans le futurisme, mais dans un drame bourgeois ou un thriller atmosphérique"
L'histoire commence de manière plutôt ordinaire : une jeune fille s'apprête à vivre quelques mois au Brésil pendant ses études supérieures. Ses parents l'accompagnent pour découvrir le pays. Ce qui pourrait être le récit d'un voyage rythmé par les rencontres, la musique et la découverte d'un peuple va rapidement prendre une autre tournure...
C'est pas trop dangereux?? avaient-ils demandé à la patronne de l'auberge. Elle avait répondu, un peu vexée : Non, ici c'est pas comme à la ville, vous ne risquez rien, c'est tranquille. Je vais souvent me promener seule sur la plage le matin et je marche plusieurs kilomètres sans rencontrer personne. Nobody ! No risks !
Ils ne savaient pas s'ils devaient la croire car, dans son regard soudain oblique, ils avaient lu une hésitation affolée. Mais ils avaient décidé de lui faire confiance car ils en avaient envie, et ils avaient relâché leur vigilance.
La promenade tourne au drame lorsque le trio se retrouve face à deux bandits armés. Le temps s'accélère et semble pourtant s'arrêter, dans un double mouvement paradoxal propre aux instants décisifs. Ce qui se joue dans ces secondes est impalpable. Les pensées de chacun se déroulent : contradictions, peurs, désirs, instinct de survie sont convoqués.
Leur compréhension du monde et de ce qui se joue là, dans ce petit théâtre de fortune, va être mis à mal.
Elle se dit aussi, en pensant à mille autres choses à la fois, que c'est étrange de se faire agresser par ceux qu'on a toujours défendu, c'est vraiment trop con. Ces gamins se trompent de cibles, ils ne nous reconnaissent pas. Ils se fichent de notre compassion, de nos bonnes intentions et de nos grandes idées humanistes, ils n'y croient pas ; ils veulent du concret, tout de suite. On dirait que toutes les strates de la violence de l'histoire de ce pays, qui se répète à l'infini, se condensent en eux et s'inscrivent dans leurs corps, dans leurs gestes.
Le texte de Dominique Loreau est éminemment cinématographique : ambiance, sons, couleurs, regards... son écriture entraîne le lecteur au plus près de l'action. Le ton légèrement inquiétant de l'intrigue, la narration palpitante et le rythme du texte donnent à ce court roman des allures de thriller. Dominique Loreau nous entraîne avec elle et ne nous lâche plus jusqu'à la dernière page. Il est finalement question de rencontre, d'altérité, d'humanité, d'humilité, de vulnérabilité, de désespoir, d'injustice sociale...
Sous le voile translucide, la réalité d’une immersion dans l’étrange (er) au Brésil. À haut potentiel cinématographique, cette fiction, au ralenti, en noir et blanc est une détonation. Le vertige de notre contemporanéité. Une déflagration.
Une jeune fille ouvre la porte de son avenir. À l’autre bout du monde au Brésil pour accomplir ses études supérieures.
Confiante, l’expression même de l’universalité, elle est de discernement et d’élégance. Elle visite son lieu des Savoirs avec ses parents. Elle a appris la cartographie, les senteurs et les couleurs, les changements de ton dans le ciel, comme une promesse de renouveau pour elle. Elle est jeune et vaste. Libre et réceptive à la terre qui va opter pour son changement de vie. Ses parents veulent apprendre eux aussi. Respirer le pays , comprendre les habitus et les diktats d’un méconnu pour eux encore. La fenêtre grande ouverte, ils pénètrent dans le souffle d’un pays immense et musical, pétri de sensualité. Empreint de mouvements et de coutumes. Telle la pavlovienne parade du carnaval de Rio. La sociologie qui défile, la figuration d’un peuple dans toute son expression. Ils sont tous les trois happés par l’idiosyncrasie, étape après étape, « ils sont seuls dans cette forêt tropicale exubérante qui grouille de vrombissements d’insectes et de cris d’oiseaux ». « On m’avait pourtant dit que ce pays, c’était celui du métissage réussi, répond-elle. Je l’ai lu dans des livres, c’est ça qui m’a attirée. C’est pour ça que je suis venue, parce que j’avais ce rêve-là et que je voulais le vivre. Oui, depuis l’enfance, elle a ce rêve-là, dit la mère. Un mythe, auquel on a toujours voulu faire croire, dit-il »... « Aller à la rencontre des mythes. C’est risqué, dit l’homme ; on ne trouve jamais ce qu’on cherche ».
Ils déambulent, ils cherchent des preuves, touristes affamés de tout comprendre. Seule, la fille est à l’aise. Elle s’échappe de l’ubiquité, heureuse et attentive à l’accueil qui prononce le langage à apprendre. Les parents sont altruistes et convaincus. Ils sont humanistes et sensibles à l’humain. Ils accordent leurs regards au métissage rencontré. Regards doux et paroles qui refluent les misères comme des fardeaux. Ils sont en apogée avec leurs idéaux. On ressent le magnétisme chaleureux de la découverte du Brésil. Celui de leur fille en advenir. Sauf, qu’ils font une mauvaise rencontre. « Chercher l’aventure et tenter le destin ; jusqu’à le provoquer ? Elle frissonne ».
Deux jeunes brésiliens sortent de terre. Revolvers noirs, des gosses, caricatures des brigands. Des petites hyènes criardes et assoiffées d’argent. Ils sont là, le père, la mère et la fille, qui elle, jette sa carte d’as de cœur au sol. Le symbole de l’insouciance enfoui dans le sol, entremêlé des ordures et de la faim aux abois. Elle comprend ce qui se passe. Le danger immense et incommensurable d’un dérapage. L’arme pointé vers le ventre de la mère. Ils sont dans la sidération de l’instant. Dans l’immuable bouleversement. Yeux assassins, ongles sales et masque de haine. Un face à face qui foudroie l’espace de villégiature. Le réel d’un monde violent. L’agression est vive, froide, rapide et paroxystique. « Détonation » vol d’oiseaux noirs, le bras du père en pâture. Le sang en raison, les gamins sont des tueurs. « On dirait que toutes les strates de la violence de l’histoire de ce pays, qui se répète à l’infini, se condensent en eux et s’inscrivent dans leurs corps, dans leurs gestes ». Le père, la cible, sa pochette trop visible. La détonation comme la chute d’Icare. L’envers d’un décor. La frontale vérité d’un pays ravagé par les inégalités, la drogue et la faim. Les bidonvilles comme des châteaux de cartes postales gorgés d’eau non potable. Comment cette jeune fille pourra-t-elle vivre en ce lieu de détonation ? Laissez du temps au temps. Les épreuves vont œuvrer. La prodigieuse adaptation, apprendre d’un peuple. « Elle retrouve une sorte de conscience, de lucidité, de vivacité, d’unité, de liberté de mouvement ».
Engagé, stupéfiant de justesse, « Détonation » est le microcosme qui révèle la cruauté humaine. Les tragédies d’une jeunesse ployée sous les affres. Le choc frontal des inestimables diversités. Le contre-poids : dépasser les épreuves, le sésame du vivre-ensemble. Un livre inestimable. Les photographies lianes et souveraines de l’autrice sont une double-lecture vivante et spéculative. La littérature ici, acte son pouvoir humaniste et d’urgence. L’écriture de Dominique Loreau est bercée de compassion et d’observation. Rien n’est laissé au hasard . Tout est inscrit en noir et blanc et prêt à être archivé dans nos consciences. C’est un livre qui fait grandir. Publié par les majeures Éditions Esperluète
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