"On n'est pas dans le futurisme, mais dans un drame bourgeois ou un thriller atmosphérique"
Cet écrit reconstitue toutes sortes de déplacements individuels en train, entre 1963 et 1967. La toile de fond en est le passage des frontières malgré la guerre froide, car pour se déplacer de Trieste à Sofia ou Istanbul, ou de Trieste à Athènes, passeports et visas étaient encore necessaires. L'idée de traverser un pays dit communiste, telle la Yougoslavie pour aller en Grèce, ou encore la Bulgarie pour voir la Mer Noire, effrayait beaucoup de personnes, on nous prédisait que nous ne reviendrions pas... Et les lignes ferroviaires, qui s'étiraient d'un bout à l'autre de cette immense région, étaient pleines de surprises, certains secteurs netaient pas encore électrifiés, on empruntait les trains à vapeur et on était content quand on arrivait à destination.
Mais pourquoi donc étions-nous fascinés par ces pays peu sûrs tandis qu'en Suisse on avait de bien meilleurs trains qui tous fonctionnaient à l'électricité, d'une ponctualité et d'une propreté irréprochables, nous demandait-on?
Malgré la méfiance envers ces contrées, les gens commençaient à gagner suffisamment bien leur vie pour se permettre des rêves, cctaicnt les Trente Glorieuses, les chemins de fer ouvraient les portes de l'ailleurs et acheminaient les voyageurs vers des lieux où la mer les attendait. Uavion, encore très coûteux, n'était accessible qu'aux classes aisées.
Alors, pour voir le monde à un prix raisonnable, on acceptait de se laisser bercer par les takataka du train, quarante-huit heures pour aller de Lausanne à Athènes ou Sofia, en passant par la Yougoslavie, avec des visas bien sûr. Toute une population se déplaçait de la sorte: des étudiants, des Arabes avec leur tapis de prière sur l'épaule, une dame d'un certain âge sortie pour la première fois de son ile yougoslave et qui doit absolument rejoindre son fils malade à Helsinki... un musicien soviétique qui. son violon à la main, veut entrer en Italie, cela s'appelait choisir la liberté.
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