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Ce roman ambitieux, inscrit dans notre époque, s’avère très exigeant tant les niveaux de lecture sont multiples, tant la coexistence de sens et d’interprétations habite ses phrases. Cela se traduit par un langage qui oscille entre l’informel et le littéraire, des changements de perspective au sein d’une même phrase et d’une présentation originale. En effet, chaque page est séparée en deux : la partie du haut est dévolue aux aventures de Darius et celle du bas au journal de Flora. Au-dessus, Darius, en mouvement, essaie de surmonter le deuil de sa femme et d’une façon générale l’échec de sa vie ; en-dessous, Flora lutte contre le monstre de la dépression que Darius n’avait pas remarqué de son vivant. Une ligne sépare le monde du vivant et celui de la morte. Alors que Darius passe plusieurs frontières territoriales pendant son voyage, celle-ci est infranchissable :
« Entre les vivants et les morts passe une frontière. […] Un vivant ne peut pas vivre avec un mort, c’est aussi simple que cela. » lui rappellera la femme d’un ami.
Le rythme est très lent car la narration s’arrête sur quantité de détails qui « tuent » l’action. Mais cela correspond bien au chaos intérieur de Darius qui fuit sans plan véritable, qui ne sait pas que faire de lui. Si la violence, tant physique que psychique, est partie intégrante du périple de Darius, c’est aussi ce qui lui permet d’avancer, voire de dénouer sa quête.
Les informations s’empilent et forment un millefeuille dont il est parfois difficile de s’extraire. Pourtant, cela confère aussi une richesse remarquable au roman. Si son inventivité est parfois déstabilisante, c’est aussi ce qui le rend attractif. Il mériterait d’être lu plusieurs fois pour en saisir toute la substance.
La partie dévolue à Flora est la plus ardue. On a le sentiment d’être dans la tête de cette femme à l’existence chaotique et instable. Son journal est un voyage au cœur de la dépression où des pensées disparates s’emmêlent dans des fragments de textes juxtaposés. Son combat contre le monstre ébranle et déroute ; c’est poignant et plombant.
Le travail sur la forme réalisé par Terézia Mora est remarquable. Tour à tour à la place de Darius et de Flora, on finit par trouver une unité dans ces parties parallèles, ces quêtes d’un sens.
De rage et de douleur le monstre est un roman étonnant, qui demande une bonne disponibilité du lecteur, mais qui le récompense aussi par sa qualité narrative et sa profondeur.
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