Inspirée d’une histoire vraie, cette BD apporte des conseils et des solutions pour sortir de l'isolement
Du début des années 1970 à la fin des années 1980, Narval travaille aux Chantiers navals de La Seyne-sur-Mer. Ce temps restera celui de sa jeunesse et de la construction de son identité ouvrière. Quand se répand le bruit de la fermeture des Chantiers pour des raisons économiques, ses camarades et lui entrent en lutte, sans cesser de pratiquer leur métier avec la même application, tandis que l'amiante empoisonne lentement leur corps.
Dans un subtil mélange de lyrisme et de sobriété, Christian Astolfi compose la chronique d'une existence qui traverse l'évolution politique et sociale de la France de l'époque, tout en révélant les désirs et les peines d'un homme habité par les rêves d'un père qui aura voué sa vie à ce monde emporté.
J’aime à imaginer que nous ne choisissons pas toujours nos lectures, mais que parfois ce sont les livres qui nous choisissent. Ils arrivent à nous par des chemins détournés, souvent loin de tous choix conscients, et leur lecture alors est une évidence. J’aime à penser que c’est le cas de celui-ci, peut être poussé vers moi par Rose et Farida, les belles héroïnes de « l’œil de la perdrix », peut-être inspirée par mon père, où qu’il soit, tant le sujet de ce roman m’a fait penser à lui.
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A l’orée des années 70, à la Seyne sur mer, on y suit un jeune homme qui rentre aux Chantiers, comme on rentre en religion, dans les pas de son père. C’est d’abord un surnom qu’il y gagne, car ici chacun est rebaptisé. Devenu Narval, il apprendra le métier, sa rudesse, ses codes, mais il se forgera surtout des amitiés solides. Plus que des collègues Cochise, Mangefer ou Barbe deviendront des camarades de galères, de joies et de luttes. Des amis pour la vie. Nous suivrons sa trajectoire sur près de 40 ans, de l’insouciance de sa jeunesse à l’euphorie de l’arrivée de la gauche au pouvoir, des désillusions aux désenchantements, jusqu’à la fermeture des chantiers dans les annees 2000, qui précédera de peu le scandale de l’amiante et ses terribles procès. Chronique d’une vie ouvrière. Chant funeste d’une génération sacrifiée.
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Il m’est difficile de trouver les mots pour parler de ce roman tant il a emporté mon cœur. « La dignité c’est la seule chose qu’on ne doit jamais leur céder », cette phrase forte résume l’état d’esprit de Narval et de ses camarades. Des hommes entiers, des hommes dignes. Des gars simples, humbles, sans histoires, fiers de leur métier, admiratifs de ces monstres des mers. Des hommes plein de force et de fougue prêts à dévorer la vie, dévoués à leur entreprise et bouillonnants de vie. Mais des hommes qui seront blessés, trahis, meurtris autant dans leurs convictions que dans leur être, et c’est poignant de les voir ainsi fracassés sur l’autel du cynisme et de la rentabilité.
Ce qui m’a le plus marquée je crois, c’est l’immense tendresse de Christian Astolfi pour ces hommes. On sent qu’une fraternité profonde l’unît à eux et c’est avec une écriture simple, sans lyrisme excessif, mais pleine d’émotion qu’il leur rend hommage. Un des plus beaux romans sur ce milieu ouvrier si souvent caricaturé. Il m’a ramenée en enfance et sur mon épaule, j’ai senti la présence de mon père dans son bleu de travail. Il aurait forcément aimé Narval autant que moi.
Les chantiers navals de la Seyne sur Mer qui font vivre toute une ville, comptent parmi les fleurons industriels du pays. Embauché comme graisseur, le narrateur va rejoindre toute une lignée d’ouvriers qui œuvrent dans les entrailles de » La Machine »
« À l’image de mes camarades, chaque fois qu’on me posera la question, je ne dirai jamais que je travaille aux Chantiers, mais que j’en suis. Comme on est d’un pays, d’une région, avec sa frontière. »
En pénétrant cet univers d’acier, de graisse et de bruits, on troque son nom contre un surnom. Il y a l’Horloger, Cochise, Mangefer, Filoche, Barbe et pour le petit nouveau ce sera Nerval.
Le récit de Nerval nous plonge au cœur même de cette vie ouvrière avec ses codes. Mais, si le travail est pénible, on est fier de bien l’accomplir. La ville respire au même rythme que les chantiers, on fait la fête sur les quais, et, lors des défilés du 1e mai, on sait lever le poing. Aussi, l’espoir est grand lorsque Mitterrand est élu en mai 1981.
Les désillusions viendront très vite. Déboussolé par l’arrêt des chantiers après le dépôt de bilan, Nerval traine son mal de vivre et s’éloigne peu à peu de Louise sa compagne. A cette difficulté viendra se rajouter, sept ans après l’arrêt des chantiers, le scandale de l’amiante. Ces fibres, respirées tous les jours pendant des années de labeur, font leur travail de sape dans les poumons des anciens ouvriers.
« Des substances, dans la Machine, il y en avait à la pelle. Elles flottaient devant nos narines, suintaient sur les parquets, graissaient les blocs-moteur, vaselinaient les collecteurs, les gaines et les câbles. »
Avant d’être écrivain, Christian Astolfi a débuté sa vie professionnelle aux chantiers navals et, s’inspirant de son vécu, il nous immerge dans cette vie ouvrière agitée par les luttes sociales et minée par le scandale de la crise sanitaire de l’amiante. Après les années glorieuses viennent celles du dégoût, de la tristesse et des morts.
L’auteur évoque aussi les familles, il esquisse quelques portraits touchants comme celui du disquaire mélomane. La solidarité du monde ouvrier est bien rendue ainsi que cette camaraderie pudique et sans concessions. Les pages que le narrateur consacre à son père dont il est fier sont touchantes de vérité.
« Tout-à-coup, une phrase que mon père vient de prononcer me sort de ma rêverie. La dignité, c’est la seule chose qu’on ne doit jamais leur céder. »
Évitant l’écueil d’un lyrisme débridé, l’écriture sobre est vibrante de sincérité et de véracité. L’émotion est palpable et on sort un peu sonné de ce roman puissant. Pour mou, la découverte d’un auteur et un coup de cœur.
Gros coup de ❤️ Une pépite !
Alors sincèrement, quand j’ai lu la quatrième de couverture, je me suis dit Ah !…pour être honnête, le thème ne m’attirait pas vraiment. Et puis la magie de la lecture ! Les surprises littéraires !
Ce roman se déroule entre le début des années 70 jusqu’à la fin des années 80 sur les chantiers navals de la Seyne-sur-Mer. Il nous mène au sein d’un combat pour la sauvegarde des emplois, dans un monde de travailleurs si solidaires qui rêvent de politique pour changer le monde.
À travers la lutte, le lecteur découvre tout un univers de chantier, le travail manuel, les hommes, la solidarité, les journées de labeur si bien décrites.
Ce roman, ce sont aussi des hommes (Narval, Cochise, Barbe, Filoche, Mangefer) forts et attachants, une vraie équipe !
Et puis ces travailleurs qui se battent pour leurs emplois sans savoir que l’amiante les ronge et les tue progressivement… Comment savoir si le gouvernement était au courant et s’il a sacrifié la vie des travailleurs au détriment d’aspect économique et de profit ? comment savoir pourquoi on a mis la vie en danger de tant d’hommes…
Sans patho, magnifique roman social où la solidarité des hommes est bouleversante et qui raconte très justement l’évolution politique et sociale de la France à une époque où les hommes avaient tant d’espoir en la politique, et plein de rêves de justice…..
Un magnifique voyage dans les années 80.
À lire !!!!!!!
Un gros gros coup de cœur
Les Chantiers Navals de La Seyne/Mer étaient une véritable institution pour cette petite ville dont le port fait face à la rade de Toulon.
Nombreux étaient les fils qui y été embauchés comme leurs pères avant eux.
C’est le cas du narrateur de ce roman, Narval. Il nous raconte les années fastes où le travail ne manquait pas pour tous les corps de métiers, les journées passées dans le ventre des bateaux, la camaraderie parmi les ouvriers, le sentiment d’appartenir à un groupe,
Sans oublier la liesse au moment de l’élection de François Mitterrand en 1981, les espoirs placés dans le programme commun signé avec le Parti Communiste.
Puis vient le désenchantement deux ans plus tard avec la diminution des commandes, la raréfaction des bateaux à quai et la rumeur de la possible fermeture des Chantiers.
Les ouvriers décident alors d’engager la lutte pour sauver les Chantiers qui sont le poumon économique de La Seyne/Mer :
» Le mot d’ordre initial de tenir autant de temps qu’il le faudrait, comme on tient un siège, se perdait dans le bruit et la fureur. Nous ne suivions plus que notre instinct grégaire. Un jour nous improvisions des meetings avec les habitants des villes avoisinantes. Le lendemain, nous défilions en masse dans les rues, nos slogans en porte-voix. Le surlendemain, nous investissions les sous-préfectures, foulards relevés sur nos visages, à la façon d’apaches défendant un territoire. Puis nous reprenions le cycle de blocage des routes, celui des voies ferrées, et de l’affrontement avec les forces de l’ordre. (…) Tout cela était dans le droit-fil de cette pièce à laquelle nous rajoutions notre propre scène. La plus spectaculaire sans doute. Celle de l’expression incontrôlée de notre colère. Car c’était bien de cela qu’il s’agissait : nous liquidions notre colère. Pendant ce temps, en coulisse, eux liquidaient les Chantiers. »
Après le traumatisme de cette fermeture qui a laissé nombre de familles sur le carreau, des ouvriers en dépression dont ils mettront pour certains des années à sortir, une ville qui mettra des décennies à sortir du marasme économique, un scandale va éclater : celui de l’amiante à laquelle des centaines d’ouvriers ont été exposés pendant des années sans aucune protection.
Christian Astolfi raconte de façon touchante et poignante parfois les vies de ces ouvriers, leurs combats, la façon dont ils ont été exploités. On ne peut s’empêcher à la lecture de ce roman de penser à « Germinal » de Zola.
» De notre monde emporté » m’a permis de mieux comprendre ce moment de l’histoire de la région toulonnaise qui a été un énorme traumatisme pour les Seynois.
« De notre monde emporté » livre socle, l’exemplarité et la rectitude.
Il suffit de lire les premières pages pour comprendre l’heure cruciale. Être d’emblée en transmutation aux Chantiers navals de La Seyne-sur-Mer. L’écriture cède la place au vaste de ce récit éperdument sociétal et engagé.
La douceur du ton est un arrêt sur le mot et son symbole. Figer ce qui fût de ces hommes aguerris à l’effort, à la beauté même du travail bien fait, la glorification du travail. Sueur perlée sur le front, mains gercées, les heures longues d’un travail opératif.
Le narrateur est un jeune homme surnommé Narval par ses pairs, passeur des existences blessées et meurtries dans leur chair. Son père avant lui, ses collègues et amis, les Chantiers navals, le pictural du monde ouvrier. Bataille rangée dans l’action même, « je ne dirai jamais que je travaille aux Chantiers, mais que j’en suis. Comme on dit d’un pays, d’une région, avec sa frontière. » Des centaines d’hommes, fourmis en file indienne, vaillants et tenaces, régler, démonter, polir, subir, se serrer les coudes, la concorde et la connivence pour alliées. Un navire, des milliers d’heures de travail, sans même savoir le risque, l’amiante à cris et à flots, à mains et à souffles. Poumons pris en otage, ils ne devinent pas, pas encore, le flux de ce poison lent.
Puisque le temps est à la grève, à la reconversion, au lâcher-prise, au vaisseau fantôme. Les Chantiers navals agonisent. « Comment imaginer à cet instant que tout cela , un jour, puisse disparaître. »
Narval pressent sa vie basculer. Les aiguilles s’affolent. Tout change, Louise, sa compagne, le quitte. Ce serait s’affranchir, couper le cordon qui le retient encore un peu, dans cette ville où son cœur bat en diapason de celui de ses collègues et amis.
Le récit est olympien, calme, maîtrisé, malgré les turbulences de ce qui va advenir subrepticement. On ressent Narval attentif aux siens, à l’image de son père, mort car malade d’un trop plein de travail et d’amiante. « Je gardais les Chantiers en point de mire… Je me demande juste si après tant d’années passées aux Chantiers, on vaut quelque chose dehors. Je veux dire sur le marché du travail. »
Questionnements, l’impression d’un gâchis immense. Il est un symbole, « il n’y avait de notre part aucun défi, seulement le besoin d’ajuster le geste au métier. »
un double drame qui a pris son temps pour abattre ses victimes : la fibre. « La fibre s’élevait et retombait en pluie fine sur leurs vêtements, saupoudrait leurs mains nues, pailletant leurs chevelures. On tournait autour du mal sans le savoir. »
Asbestose. Tous, vont être malades, voire mourir à petits feux. Le tourbillon, trou noir, d’aucuns sont ici au tribunal emblématique. Entendre les responsables, craquer ses doigts, serrer les poings, larmes sur les bateaux invisibles. Veuves à milliers, fils et pères en fauteuil roulant, l’amiante, « l’héritage empoisonné ».
« Ce soir-là, j’ai écrit sur mon carnet .Il n’y aura pas de reconnaissance définitive de notre condition tant que notre parole ne sera pas jetée à la face de ce scandale. »
Christian Astolfi est un passeur, un lanceur d’alerte, car l’heure est toujours pavlovienne. Un homme-écrivain qui rend hommage à ses frères des Chantiers. Il pointe du doigt là où ça fait mal. Il dévoile une période qui s’étire en vie entière, celle du monde ouvrier et de ses plus grands malheurs. La Cause du siècle. Sociologique, la fraternité révélée, les souffrances et les lâchetés des puissants, tout ici est mémoire et urgence sociétale. Ce serait à l’instar du Rocher de Sisyphe, mais voilà Christian Astolfi prend parole et acte le combat de « Notre monde emporté ». Livre d’utilité publique, pétri d’humanité. Une chronique sociale, politique, sans colère froide. Juste dire les faits et bousculer les diktats qui perturbent le café du matin avant de franchir les Chantiers navals de La Seyne-sur-Mer. Un hymne au monde d’en bas, alors que c’est celui d’en haut pour ceux qui savent. Ce récit est un livre blanc résolument bâti. Un hommage bouleversant car humble. Publié par les majeures Éditions Le bruit du monde.
Le roman s’ouvre sur la notion de justice, sur la fin de combat qui aura laissé beaucoup de personnes et d’idées sur le carreau. À travers le regard imbibé de mélancolie de Narval, nous découvrons d’abord le décor de ces chantiers, leur fonctionnement, les personnalités des ouvriers. Ensuite, c’est la confrontation avec la réalité, avec ce capitalisme des années 80 qui s’exprime et se déploie. Le narrateur tente de garder une certaine distance avec tout cela. Il observe surtout. À ses débuts, il ne cesse de regarder son père qui a fait toute sa carrière ici. Narval admire, respecte et semble indécis face aux affirmations des autres, à leur positionnement. C’est donc un monde admirable qui nous est présenté, d’autant plus qu’il sera émietté progressivement et douloureusement. On assiste à la disparition des chantiers, à la fin d’un monde oublié par les politiques. C’est depuis le monde ouvrier que le narrateur nous raconte les actions politiques.
Christian Astolfi mène un récit où les illusions n’ont pas vraiment leur place. L’histoire est un long flash back alors le narrateur, Narval en l’occurence, sait que les attentes seront déçues. Cette déception est renforcée par les allers-retours entre le présent et le passé, entre Mais il faut parfois mettre de côté les menaces si prévisibles. Nous sommes ainsi au coeur d’un monde qui lutte pour sa survie, garde l’espoir chevillé au corps et c’est très beau. L’auteur emporte son histoire par la puissance de ces personnages, par la détermination de leur conviction. Ces envolées ne cachent pas l’amertume grandissante et cette sensibilité au monde, tentant de s’accrocher au présent et de rêver un futur, renforce la portée citoyenne de ce roman. En filigrane de l’agonie d’un monde industriel, on observe la maladie ronger, petit à petit pour certains et brutalement pour d’autres, les ouvriers. Alors les personnages disparaissent progressivement et le roman s’enrichit d’une foule de fantômes dont Narval devient le porte-parole, le héraut.
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