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Vous êtes-vous parfois demandé comment vivaient nos aïeux ? Les voyez-vous confinés dans leurs villes ou leurs villages, que joignaient - je devrais dire : que séparaient - des routes à peine tracées, ou l'on enfonçait dans la poussière en été, dans la boue en hiver, que des bandes de malandrins infestaient. Croyez bien qu'ils n'étaient pas tentés de voyager, sauf dans des cas extraordinaires. Il y avait des Parisiens qui n'étaient jamais allés à Saint-Cloud. Tous ces gens-là vivaient, cependant, et n'étaient pas aussi malheureux que certains le prétendent. Certes, ils ne connaissaient ni journaux, ni revues. Ils ne recevaient pas, à leur lever, l'instantané des événements de la veille. Ils s'en passaient, voilà tout. Il n'y a pas si longtemps que nous nous en passions - et nous ne nous en portions pas plus mal. J'ajoute, concession dernière aux détracteurs du passé, qu'ils n'avaient pas, nos chers aïeux, beaucoup de livres à leur disposition et que même un grand nombre d'entre eux avaient oublié d'apprendre à lire... Quand arrivait le soir, quand on ne pouvait plus s'occuper de la boutique, du jardin ou des champs et qu'on avait mangé la soupe, ce mets national de la vieille France, vieux et jeunes, garçons et filles, maîtres et valets, se réunissaient pour la veillée ; chacun offrait l'hospitalité à son tour et fournissait le feu et la chandelle fumeuse. On se serrait autour de l'âtre, les femmes filaient, les hommes se reposaient, tous écoutaient et racontaient tour à tour les histoires, contes, légendes, fables, récits de voleurs et de revenants, aventures de chevalerie qu'ils avaient entendu raconter à leurs aïeux et dont ils n'étaient jamais rassasiés. Chacun y ajoutait un détail, une variante. On riait, on frissonnait aux mêmes endroits. Et le temps passait sans ennui, et l'on se séparait avec le désir de se réunir le lendemain.
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