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H. Leivick décide à 71 ans de revenir, dans un récit, sur ses années de cachot et de bagne vécues plus de cinquante ans auparavant.
Dans une première partie, il se souvient d'abord des six années passées dans un cachot obscur, de ses camarades de détention, révolutionnaires, juifs et non juifs. Il se souvient également des prisonniers de droit commun, dont certains ont assassiné des Juifs. Des flash-back sur son enfance, son éducation traditionnelle puis son engagement politique parsèment le récit, alimentés par des dialogues intérieurs émouvants avec son père.
Dans la deuxième partie, H. Leivick raconte le voyage à pied, puis en bateau-prison vers la Sibérie, traversé par une galerie de portraits et de réflexions sur l'existence et la résistance à l'oppression.
« La littérature comme religion séculière. Rachel Ertel exprime ainsi le genre lyrique, intimiste, élégiaque que dans l’épopée, la pensée métaphysique, puisant dans l’histoire juive de l’antiquité à nos jours. Refusant toute chronologie pour dire la souffrance... ».
Ainsi s’ouvre ce livre poignant, d’ombre et de lumière, entre le feu et l’enclume, l’incommensurable et le souffle inouïe de la survivance.
H. Leivick, de son vrai nom Leivick Halpern est né en 1888 à Ihoumen « dans une misérable bourgade juive de Biélorussie ». Il conte. Pas une fable ou une fiction, mais le réel, le toit enneigé d’un exil forcé en terres sibériennes. Six ans, loin du monde habité, entre les souffrances indélébiles, les déchirures de l’effacement de sa propre vie. Les jours arrachés à coup de dent. Ne jamais faillir. La traversée de la Russie, chaîne aux pieds, la parole endormie, subversif aux yeux du tsar.
Penser et réagir face aux inégalités. La liberté de pensée se paie en oppression et en heures et minutes dans un goulag de l’horreur. Il lui faut taire ses convictions. Le plus grand poète yiddish rassemble ce temps de meurtrissures entre espoir et désespérance . Le sombre d’un cachot, l’isolement où seul, un verrou à raison de vie ou de mort.
Entre 1906 et 1912 dans les bagnes, le périple qui broie ses propres enfants pétris d’humanité et des poésies spéculatives. Bandeau noir sur les yeux, le camp dont les draps n’ont de blanc que la chimérique lumière. Cinquante ans de distance avant de retranscrire les évènements sombres, irrévocables, le contre-exemple de la bonté et du pain blanc offert aux petites mains affamées. H. Leivick trace la voie mémorielle. Somme la remontée des images si mouvantes encore. Cet ouvrage crucial, riche d’intériorité, la religion souveraine et altière, et ses larmes qui s’écoulent sont celles de tous ces hommes et femmes, relégués, réprimés. Perdre des yeux le moindre de leurs battements de cil, le moindre souffle de résistance. Emmurer leurs idéaux, effacer le pouvoir et la force de leurs combats pour une plus noble justice. Marcher, marcher, périple qui brise le cœur des mères, des fils et des pères, l’humanité étranglée, fer aux pieds. « Seulement marcher et garder le rang ! Pas à pas ni à gauche ni à droite ! Le regard fixé sur la nuque de devant ! Marcher et garder le rang ! Oui, frères, fils de chienne, former un rang, une ligne parfaite ! ».Détenus politiques, forçats des lumières, la solitude muselière, la cohabitation dans une cellule où les diktats remontent telles des moisissures sur les murs gris et tracés de sang.
Écrire des vers, réinventer le premier verbe, réenchanter la faiblesse des possibles. Étreindre son frère de cellule et deviner en lui, la même part d’utopie. Tout dans cette terre sibérienne est torture mentale et volonté d’anéantissement. Mais la nuit, ils parlent. Rémanence et la force des idéaux. Telle la voix éteinte, se souvenir du son, du rythme même qui fait vibrer ce pour quoi ils sont d’exil et d’oubli. « Moi aussi j’y pense souvent. Est-ce qu’un individu a le droit moral de mettre en péril la vie d ‘autrui, même s’il s’agit de sauver le monde ? ». Les rencontres ne sont pas hasardeuses. La fraternité ne vacille pas. Les résistances sont le pain pour la faim et l’eau pour la soif. « Épluchez-la moi, s’il vous plaît, et nous y goûterons tous les deux ».
Six ans dans ce bagne aux Butyrki, forçat, pas après pas, résidence assignée, ailes de papillon brisées, baraquement où seule la respiration des prisonniers (ières) est source de chaleur. Tenir la main à l’infini des jours, les pavloviennes saisons sont l’éphéméride où l’on raye d’un crayon de bois l’amitié et la solidarité, les petits riens, grandes noblesses, les prières étouffées sous l’oreiller.
« Et moi, j’ai vu et Sodome est un miracle.
-Un miracle ?
-Oui, j’ai vu le prophète Elie. Sans lui, je serai mort… »
« Ne te hâte pas. Ces villages sont trop près pour être ton lieu d’exil ».
« Si on voit des miracles, on ne crie pas ».
« Le destin de chacun est un mystère, une énigme ».
Ce témoignage mémoriel, universel et intensément personnel est la tragédie humaine. Le goulag, l’horizon où se perd l’écho de sa propre dignité. Superbe et triste, lumineux et sombre, sa beauté est la langue d’amour qui ne vacille jamais. L’obsession cardinale de la littérature. Que ce livre soit lu par tous et toutes et étudié dans les lieux où gravite la jeunesse. Traduit du yiddish et préfacé par Rachel Ertel. Publié par les Éditions de l’Antilope dans une collection judicieuse : L’Antilopoche au doux prix de 13 €.
Une longue nuit
Le poète yiddish, H. Leivick, est né en 1888 en Biélorussie. Il épousa la cause révolutionnaire et fut condamné par la justice tsariste, alors qu’il n’avait que 17 ans, à 6 années de bagne et à la relégation à vie en Sibérie à l’issue de sa détention.
Il réussit à s’échapper de son exil sibérien et partit aux États-Unis.
Ce n’est qu’une cinquantaine d’années plus tard, qu’il se décidera à raconter les épreuves de sa jeunesse.
Ce récit se découpe en deux parties : la première se concentre sur l’expérience du bagne et la deuxième relate la marche des forçats vers leur lieu de relégation perpétuel en Sibérie.
Après tant d’années, si le poète a pu se souvenir des événements, il a dû recomposer les dialogues. Il offre ainsi une œuvre hybride : un témoignage sur la prison tsariste mais également un roman, permettant à l’auteur de développer des thèmes qui lui tenaient à cœur.
C’est ainsi que le déroulé de la vie des bagnards se fait par le biais d’instantanés, de moments choisis, entrecoupés de réflexions religieuses ou politiques.
Notamment, ressort à travers les pages une condamnation des révolutions qui condamnent forcément des innocents. L’auteur s’étant, ainsi, détourné de ses convictions de jeunesse pour un pacifisme affirmé.
Ce livre est différent de ce à quoi je m’attendais mais, j’ai beaucoup apprécié cette lecture dans cette approche hybride permettant de mieux comprendre le bagne russe mais aussi le cheminement intellectuel de l’auteur.
Une première lecture pour moi aux éditions de l’Antilope mais certainement pas la dernière.
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