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Convoyeur de la mort

Couverture du livre « Convoyeur de la mort » de Etty Mansour aux éditions Des Equateurs
Résumé:

« Je vais accoucher au milieu d'un désastre. Me perpétuer en pleine mort. Donner la vie quand la nuit nous pétrifie. La vie va sortir de moi dans une ville meurtrie. Dans la nuit du 13 novembre 2015, un attentat a tué à Paris cent trente et une personnes et en a blessé près de cinq cents autres.... Voir plus

« Je vais accoucher au milieu d'un désastre. Me perpétuer en pleine mort. Donner la vie quand la nuit nous pétrifie. La vie va sortir de moi dans une ville meurtrie. Dans la nuit du 13 novembre 2015, un attentat a tué à Paris cent trente et une personnes et en a blessé près de cinq cents autres. La vie tape dans mon ventre pendant qu'on entasse les corps. Je nage à contre-courant. Je porte une fille quand des mères pleurent leur enfant. Je me régénère alors que Paris est à sang. Aucune trace en moi d'un esprit de révolte : je n'ai pas décidé d'enfanter pour m'épargner la mort ni créer du renouveau. Être fertile pour faire peau neuve, non. Je ne me demande pas pour quel monde mettre au monde. La vie est déjà en moi. Elle bat obstinément depuis huit mois. Que reste-t-il en nous quand, au plus intime, la vie et la mort se sont livré bataille ? ».

Ce livre est le fruit de plus de quatre ans d'enquête, d'une cinquantaine d'entretiens menés entre Bruxelles et Paris, et d'une quête personnelle. Dans ce « roman vérité » selon l'expression de Truman Capote, Etty Mansour a exploré la dimension psychologique de Salah Abdeslam, seul survivant parmi les terroristes du 13 novembre, en s'entretenant avec ses proches, notamment sa fiancée, son avocat belge, une sociologue molenbeekoise et une psychanalyste clinicienne qui exerce en prison auprès de détenus pour terrorisme islamiste. Au-delà de l'itinéraire biographique de Salah Abdeslam, elle a cherché des clés de compréhension sociale, historique, idéologique et religieuse en se rapprochant d'éducateurs sociaux, d'un historien, d'un juge et d'une policière de l'antiterrorisme, d'un imam et d'un rabbin.
Si l'exercice du droit est indispensable à une société meurtrie par des attaques terroristes de cette ampleur - depuis la Seconde Guerre Mondiale, l'Europe n'avait pas eu à faire face à un tel niveau de violence - la littérature peut, à sa manière, aider à transformer la terreur dont nous avons été la cible. Elle peut permettre de comprendre, de l'intérieur, ce qui nous est collectivement arrivé. Cette conviction a guidé le travail d'Etty Mansour et lui permet d'éclairer la trajectoire du seul terroriste encore en vie, à mettre des mots sur son silence qui est, à ses yeux, le nouveau piège qu'il nous tend.
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Avis (1)

  • Cet essai ou ce « roman-vérité » selon l'expression crée par Truman Capote, tente de comprendre et de donner un sens aux attentats de Paris en novembre 2015 qui ont coûté la vie à 137 personnes et en ont blessé 413 autres ainsi qu'à ceux de Bruxelles en mars 2016 qui ont fait 32 morts et 340...
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    Cet essai ou ce « roman-vérité » selon l'expression crée par Truman Capote, tente de comprendre et de donner un sens aux attentats de Paris en novembre 2015 qui ont coûté la vie à 137 personnes et en ont blessé 413 autres ainsi qu'à ceux de Bruxelles en mars 2016 qui ont fait 32 morts et 340 blessés, afin de continuer à vivre. L'auteure le fait à travers une enquête approfondie et fouillée, qui a duré quatre ans, sur Salah Abdeslam, le seul terroriste encore vivant des attentats de Paris, qui ne s'est pas fait sauter au Stade de France et s'est sauvé. Etty Mansour a interviewé ceux qui l'ont connu à Molenbeek, ses avocats, une sociologue, une psychologue spécialisée dans le terrorisme islamiste, un juge, une policière…
    Elle retrace la vie de Salah Abdeslam, un des cinq enfants, quatre frères et une soeur, d'une famille musulmane sans rigorisme, dont le père a travaillé toute sa vie à la STIB, l'équivalent de la RATP belge. Salah, sans être un bon élève, réussit son bac, ce qui est assez exceptionnel et est engagé comme mécanicien à la STIB. Mais un peu moins de deux ans après, il est licencié pour absences répétées ; il cambriole un garage, se livre à des trafics et fait de la prison. Il est fiancé à Nour depuis neuf ans mais les parents de la jeune fille ne veulent pas de Salah comme gendre tant qu'il n'a pas un travail et est capable de faire vivre sa famille. le mariage civil n'aura pas lieu.
    Etty Mansour montre que Salah n'était pas mu par la religion mais par le besoin d'argent facile qu'il craquait pour se faire mousser dans des boîtes de nuit où il buvait, se droguait, passait de fille en fille. Il avait soif de briller, d'être quelqu'un et ses échecs successifs le rendent aigri, haineux contre ceux qui ont ce qu'il n'a pas. Il souffre d'un complexe d'infériorité propice à toutes les dérives. Ce seront les moteurs initiaux de son engagement dans la préparation des attentats avec l'amitié qu'il porte à un des responsables de l'État Islamiste, copain d'enfance.
    Une fois arrêté en Belgique en mars 2016 et incarcéré en France à Fleury-Mérogis, après une cavale de 127 jours, il se murera dans le silence, refusant de parler, se plongeant dans le Coran qu'il n'avait pas lu jusque-là et devenant fondamentaliste comme pour justifier son acte, se donner une excuse religieuse et combler le vide de sa vie. Il ne s'exprime que lorsque cela lui offre une tribune pour faire l'apologie du djihadisme et du salafisme; il rejette la justice des hommes.
    Il sera jugé en septembre 2021 pour les attentats de Paris et l'a déjà été en Belgique pour la volonté délibérée de tuer des policiers venus fouiller une planque possible, rue du Dries, dans laquelle il se trouvait avec deux complices. Il a écopé de vingt ans de réclusion, la peine la plus élevée. Enfin, il sera jugé en septembre 2022 pour la préparation des attentats de Bruxelles.
    Etty Mansour ne supporte pas ce silence, insulte aux victimes et à leurs proches et son livre tente de conjurer le mutisme du dernier témoin. Elle s'interroge à plusieurs reprises au cours de cet essai car elle se sent coupable de donner une consistance à Salah Abdeslam, de banaliser l'horreur et elle insiste sur le fait qu'en aucun cas, elle ne cherche à trouver une quelconque excuse au terroriste par une sorte de déterminisme social. L'auteure s'insurge contre les discours de déresponsabilisation qui tendent à faire croire que les conditions de vie à Molenbeek sont responsables du terrorisme même si elle reconnaît que Molenbeek réunissait toutes les conditions de ghettoisation. Cependant, elle accuse clairement la classe politique belge de ne pas avoir combattu, dès le début, ce qui était contraire aux lois démocratiques dans cette commune et pour avoir laissé le champ libre à l'Arabie Saoudite.
    Etty Mansour établit de très nombreux parallèles entre le nazisme et le djihadisme comme l'ont fait d'autres auteurs avant elle, les deux idéologies étant totalitaires. La mécréance est l'objectif ultime de la haine des djihadistes comme l'étaient les juifs pour les nazis avec cette même volonté d'extermination. Les victimes sont déshumanisées dans les deux cas. Elle compare l'instauration du califat à la prise de pouvoir d'Hitler en Allemagne en 1933.
    Ce livre essaye de comprendre l'incompréhensible et la sincérité de la démarche d'Etty Mansour transparaît au fil des pages. C'est un manifeste de combat contre le silence que nous oppose Salah Abdeslam et cet essai vaut d'être lu. Je regrette que la force du propos ait été souvent noyée par de très nombreuses répétitions des mêmes faits et par la retranscription pratiquement in extenso du procès de la rue du Dries, là où un résumé aurait largement suffi. Il n'en reste pas moins que la démarche courageuse de l'auteure mérite d'être saluée.
    Mon évaluation : 3,5/5

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