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Tirant enseignement de son expérience clinique, Jean-Claude Maleval montre que la psychanalyse avec des sujets psychotiques gagne à s'orienter sur une conversation qui vise l'apaisement de la jouissance dérégulée plus que le déchiffrage de l'inconscient.
En quelques décennies, l'accroissement des demandes effectuées par des sujets de structure psychotique auprès de psychanalystes s'avère spectaculaire. Dans les années 1970, elles étaient rares, et l'analyste souvent les redoutait, ne sachant pas trop comment les accueillir. Tirant enseignement de son expérience clinique, Jean-Claude Maleval montre que la psychanalyse avec des sujets psychotiques gagne à s'orienter sur une conversation qui vise l'apaisement de la jouissance dérégulée plus que le déchiffrage de l'inconscient. Ces conversations psychanalytiques s'inspirent de stratégies spontanément utilisées par les sujets psychotiques pour tempérer leur angoisse : productions d'écrits, de phénomènes psychosomatiques, de passages à l'acte, voire recours à l'absence de désir aussi bien qu'à des fantasmes ou des symptômes originaux.
En effet, bien des cures de sujets psychotiques ont basculé suite à une interprétation ambiguë qui érige l'analyste en Maître possesseur d'un savoir insu du patient. Une simple question laissant entendre que derrière ce que dit le sujet une signification lui échappe, mais que l'analyste la détiendrait, pose ce dernier comme celui qui peut deviner l'intimité. Le psychotique se demande alors ce que l'analyste lui veut. Or quand la question se lève, la réponse penche régulièrement vers la malveillance. L'interprétation doit se garder d'être ambiguë, de poser l'analyste en maître, de même il n'est pas approprié de confier la règle d'association libre au psychotique. Il convient plutôt d'initier avec lui une conversation dirigée, inspirée des échanges « à bâtons rompus », pour reprendre une expression utilisée par Lacan lors de ses entretiens avec Aimée, une conversation cependant orientée par le souci de protéger le sujet de la jouissance menaçante de l'Autre. Pour cela, il s'agit non de chercher une vérité cachée, mais de préserver les soutiens imaginaires, et d'encourager les inventions sinthomatiques.
Certains psychotiques ne viennent que quelques séances, de temps à autre, pour échanger à propos d'un problème temporaire ; ils repartent souvent rassurés quand l'analyste est parvenu à appréhender celui-ci à partir de la singularité de leur fonctionnement, et à saisir où se trouve pour eux le danger. D'autres ne maintiennent une adaptation sociale, parfois précaire, qu'à la faveur de suivis très longs, de plusieurs années, voire de plusieurs dizaines d'années. Il s'agit quelquefois de rendre tolérable un délire à bas bruit, en prenant au sérieux son écoute, et en aidant le sujet à en minimiser les incidences dans sa vie familiale et professionnelle. Pour d'autres encore, le suivi analytique constitue une forme d'étayage qui leur suffit pour poursuivre leur chemin en dépassant leurs angoisses.
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