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Après avoir passé sa vie à explorer celle des autres, Irvin Yalom, le psychiatre américain auteur de Et Nietszche a pleuré et Le problème Spinoza (prix des lecteurs du Livre de Poche), se penche sur son propre parcours. Son récit s'ouvre sur un l'évocation d'un rêve : âgé d'une dizaine d'années, il passe à vélo devant la maison d'une fille qu'il trouve séduisante malgré son acné, et lui adresse un tonitruant « salut Rougeole ! ». Le père de celle-ci, l'obligeant à s'arrêter, l'interpelle : « Qu'est-ce que tu crois que ça lui a fait ? ». Pour le futur thérapeute, c'est la rencontre avec l'empathie : il n'oubliera jamais la leçon.
Pour la première fois, en tissant des liens entre sa formation, les histoires de ses patients, les héros de ses romans, ses amours et ses regrets personnels, Irvin Yalom nous révèle le cheminement de sa pensée. Comment je suis devenu moi-même n'est pas seulement l'histoire d'un homme, c'est aussi une invite au lecteur à voyager au plus près de ce qu'il est, et à songer au sens de sa propre vie.
« Comment je suis devenu moi-même ». Nul besoin de lire la quatrième de couverture, le titre est on ne peut plus évocateur. « Comment, je suis devenu moi-même », vaste programme que cette question existentielle à laquelle nous serons tous confrontés un jour ou l'autre. À 85 ans, Irvin D. Yalom a vécu bien plus qu'une vie. Si on le connaît depuis une dizaine d'années en tant que romancier, l'homme est avant tout psychothérapeute. L'écriture de romans est venue après, bien plus tard et pour ceux qui s'interrogent sur les raisons qui l'ont poussé à se tourner vers la fiction, on y trouve nombre de réponses dans « Comment je suis devenu moi-même » de même que quelques anecdotes passionnantes.
Il a les allures d'une biographie, la construction d'une biographie, s'appuie sur des événements concrets, des souvenirs, comme dans une biographie, mais ce livre est bien plus que cela. Ce livre, c'est autant un bilan de vie qu'un rempart à la mort, une nécessité, celle d'essayer en vain de répondre à une question dont on sait pertinemment que l'on ne peut, scientifiquement, obtenir la réponse : que restera-t-il de mon passage sur Terre une fois que je ne serai plus là ? À 85 ans, Irvin Yalom a les craintes et les interrogations des hommes de son âge, mais, contrairement à la plupart d'entre eux, il sait comment les formuler, les coucher sur papier. La peur de la démence, la peur de cette grande inconnue qu'est la mort accompagnent sa vie, mais par intermittence seulement. L'écrivain a, heureusement, peu de regrets et, quand on contemple, en sa compagnie, ce qu'a été sa vie, le cheminement de sa pensée, on ne peut qu'abonder dans son sens.
L'homme a vécu bien plus qu'une vie. Psychothérapeute reconnu dans sa profession – il exerce encore aujourd'hui -, conférencier, écrivain à succès depuis une dizaine d'années, père, grand-père, époux, ami, autant de rôles à tenir, autant de rôles à alterner, autant de rôles sources de droits et de devoirs, autant d'expériences humaines, émotionnelles, professionnelles qui ont fomenté cette pensée unique qu'est la sienne. De son éveil à l'empathie, alors qu'il n'avait qu'une dizaine d'années à ses 85 ans dont il nous dresse une sorte de bilan – avec à la clef une information capitale pour ses lecteurs fidèles -, toute sa vie est passée en revue sous le couvert de cette thématique ô combien philosophique. En compagnie d'Irvin Yalom, nous partageons donc ses succès, ses échecs, ses joies, ses peines, mais en spectateur privilégié, il nous invite également à revivre l'évolution de la psychothérapie durant près d'un demi-siècle. Rassurez-vous, sans être un spécialiste de Jung ou de Freud, les nombreuses pages qu'il consacre à sa profession sont seulement passionnantes. Parmi les sujets récurrents abordés : le lien entre le patient et le thérapeute, les différentes approches et méthodes, mais également son apport personnel à la profession qu'il aborde avec sérénité sans auto-satisfaction ni fausse-modestie. À 85 ans, il a suffisamment de recul pour comprendre le rôle qu'il a joué, mais également le rôle qu'ont joué différents « mentors » dans l'élaboration de sa pensée.
Parmi ses mentors, ses principaux soutiens figure en tête de liste sa femme Marilyn. Auteure également, celle-ci est omniprésente dans le récit et, s'il évoque quelques coups de cœur, quelques coups de foudre impulsifs, quelques problèmes de couple, on sent à chaque étape de sa vie combien la présence de sa femme a été déterminante sur sa carrière, sur son succès ainsi que sur ses choix de vie. Si les enfants quittent le nid, que sa pensée fluctue, que la philosophie bouscule son approche de la psychothérapie, qu'il change de profession, de service ou de pays, Marilyn demeure le point d'ancrage, l'oxygène dont il a besoin. Elle traverse le récit comme un guide, une présence rassurante, une étoile polaire vers laquelle il sait qu'il peut lever les yeux lorsqu'il peine à avancer. Tout au long du récit, Irvin Yalom dresse un portrait plus qu'élogieux de son épouse, mais, en filigrane, on sent que cet éloge dépasse le simple cadre marital. À plusieurs reprises, il évoque la féminité, les causes féministes et regrette de ne pas avoir fait plus, d'avoir cédé aux idées de son temps notamment lorsqu'il évoque la carrière de son épouse qui se voit refuser un poste à Stanford parce qu'il y est lui-même enseignant. Sa réaction ou son absence de réaction semble encore le travailler aujourd'hui.
Si Marilyn tient le haut du pavé – de sa pensée ? - Irvin Yalom est un homme très entouré, qui a construit seul sa pensée, mais qui a passé l'ensemble de sa vie à rechercher des mentors. Lorsqu'il évoque ses proches, ses amis, souvent plus âgés que lui, transparaît ce besoin d'être guidé, ce besoin d'être nourri, d'être amené vers des ailleurs qu'il juge inaccessibles, un paradoxal sentiment d'infériorité au regard de son parcours même s'il apporte plusieurs réponses à cette question lorsqu'il évoque ses souvenirs d'enfance.
Plus on avance dans le récit, plus on se rend compte que « Comment je suis devenu moi-même » n'est ni plus ni moins qu'une psychothérapie et, qu'en quelque sorte, le lecteur joue le rôle du thérapeute. Comment ne pas apprécier cette position ? Comment ne pas apprécier de recevoir ces confidences, d'autant plus qu'en y réfléchissant bien, toutes ces phrases, tous ces mots interpellent, car on finit inévitablement par faire des parallèles avec sa propre vie même si elle est forcément différente de la sienne. J'ai mis beaucoup de temps à lire ce roman, plus que d'habitude, mais ce n'était pas à cause de la plume de l'auteur, ni du contenu ou d'éventuelles longueurs, mais parce qu'immanquablement, toutes les trois ou quatre pages, une réflexion, une conclusion, un ressenti résonnait en moi si fort qu'il me poussait à m'interroger à mon tour sur cet aspect de ma vie. Et c'est peut-être de là vient que vient la force de ce récit. Je ne suis pas Irvin D. Yalom, Irvin D. Yalom n'est pas moi, mais quelque part, une fois le vernis ôté, toutes les vies ne se ressemblent-elles pas ?
Je terminerai ce billet en remerciant les éditions Albin Michel ainsi que Babelio pour m'avoir permis de lire en avant-première le dernier (?) Irvin Yalom, un auteur que j'ai découvert en 2014 alors que j'étais juré du Prix des Lecteurs Livre de Poche. Inutile de vous dire que lorsque l'écrivain évoque brièvement ce prix, je me suis senti fier – malgré la minceur de mon rôle dans cette affaire - d'avoir contribué à cette distinction.
Quel plaisir de retrouver l’excellent Irving D.Yalom, dont j’avais apprécié les précédents romans et tout particulièrement Et Nietszch a pleuré. Dans son dernier livre, ce n’est plus la vie des autres qu’il explore, en tant que psychiatre renommé, mais bien la sienne. Sa vie d’homme, de mari, d’étudiant, de docteur, de romancier, de professeur… il en a tellement et elles sont toutes si intéressantes, surtout racontées avec toute la sensibilité et l’intelligence de cet auteur.
Enfant, Irvin descend à vélo la rue et passe devant une petite fille assise sur son perron. Il la trouve très jolie et lui lance « Salut rougeole ! ». Devenu adulte, il est encore hanté par ce cauchemar, qu’il mélange un peu entre rêve et réalité. C’est le point de départ de Comment je suis devenu moi-même. L’auteur déroule, tout au long de ce livre, le fil de sa vie illustrée de quelques belles photos intimes qui rendent le récit vraiment familier. En effet, j’ai retrouvé l’homme juste, libre, honnête, sensible, bienveillant, généreux, que l’on devine dans ces romans et reconnait dans ses interviews.
Une autobiographie qui se lit comme un roman, une vie comme un ruban qui se déroule, du début à la fin, lisse parfois, qui s’emmêle toujours et qui poursuit son chemin. L’auteur cherche, analyse, comprend, raconte ce qui l’a amené là aujourd’hui, au crépuscule de la vie d’un homme de 87 ans. Un très beau livre !
Irvin D. Yalom nous a offert plusieurs romans incroyables, notamment Le problème Spinoza, chef d’oeuvre mêlant psychologie, philosophie et histoire. Ici, ce n’est pas un roman qu’il nous propose de découvrir, mais sa propre vie, son cheminement à lui vers la thérapie existentialiste et le bonheur de vivre. De l’enfance à l’apprentissage de la vieillesse, comme il le dit si bien, il se raconte, partage ses pensées intimes, ses réflexions professionnelles, ses difficultés et ses succès. On découvre un homme extrêmement cultivé, d’une intelligence rare et d’une formidable lucidité sur lui-même et sur ceux qui l’entourent. Un homme bienveillant, tolérant et avide d’apprendre de chacun.
Irvin D. Yalom dit recevoir beaucoup de courriers de lecteurs cherchant à le connaître avant qu’il ne soit trop tard. J’ai du me faire violence pour ne pas être de ceux-là après avoir refermé ce livre. Non, il n’y a pas d’intrigue qui nous tienne en haleine, pas de suspense ni de crime à résoudre. Juste la confession humble d’un homme sage, racontée avec beaucoup d’introspection et d’autodérision. D’une jeunesse compliquée, de ses rapports conflictuels avec sa mère, il a gravi les échelons pour devenir un psychiatre renommé, précurseur de la thérapie de groupe et initiateur de la thérapie existentielle. Il a travaillé avec des populations très touchées, des malades en phase terminale, pour comprendre et combattre la peur de la mort, sa propre peur latente dans tout le récit. Il a voyagé à travers le monde, il a épousé une femme formidable et a réussi à fonder une famille malgré son travail très prenant. Il s’est lancé dans la création littéraire par envie et par passion, et a rencontré un franc succès en Europe. Comment ne pas admirer un tel homme ? Comment ne pas tirer de leçons de son parcours et de ses choix de vie ?
A travers le récit de sa vie, il revient sur ses recherches, sur les cas qu’il a rencontré, sur ses conclusions et le travail effectué, il nous explique les bases de la psychanalyse, les différentes écoles, leurs travers et ce qu’elles peuvent nous apporter. En nous faisant partager sa sensation d’accomplissement, il nous fait réfléchir nous aussi sur le sens de notre vie, sur ce que nous souhaitons vraiment, sur ce que nous voulons bâtir. Il nous amène à réfléchir sur nous-mêmes et à accepter nos failles comme il accepte les siennes en les couchant sur le papier. C’est un dialogue avec Irvin D. Yalom autant qu’une confession à sens unique, c’est sa façon à lui de s’ouvrir à nous tous, qui l’admirons depuis longtemps et qui aurions aimé pouvoir bénéficier de ses lumières. C’est sa façon à lui aussi de nous dire « Au revoir« , dans un dernier livre, le plus personnel.
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