"On n'est pas dans le futurisme, mais dans un drame bourgeois ou un thriller atmosphérique"
Il faudrait que notre coeur nous survive, non comme celui de Louis XVII dans un globe de verre, mais continuant sans fin ses battements. Chacun de nous doit se préparer à la mort et nous devons dès aujourd´hui l´enregistrer, conserver ses précieux battements, les dupliquer en de nombreux exemplaires, les offrir à nos proches pour que plus tard pendant les longues soirées ils puissent nous faire revivre, nous écouter encore une fois.
Christian Boltanski D´où naît aujourd´hui la littérature ? Et qu´emporte-t-elle dans la démarche silencieuse du texte, de la totalité de l´expérience qui nous constitue ?
Ainsi, le cahier avec ses dessins sur le motif, les marches dans la ville avec ce cahier dans le sac, l´atelier de l´artiste plasticienne, et tout aussi bien son blog sont, pour celles et ceux qui arrivent aujourd´hui à la littérature, un tout organique.
J´ai rencontré d´abord Béatrice Rilos à l´école des Beaux-Arts de Paris : elle y présentait, dans les journées portes ouvertes, des performances, où la rencontre des dessins et des objets était liée à la séance d´écoute individuelle proposée.
Elle a aussi construit, en 2007, une performance complexe à partir du code de l´esclavage, texte souvent sous-jacent dans les morts qui hantent son livre publié au Seuil quand j´ai contribué à lancer la collection Déplacements. Quatre jours à recopier lentement au stylo noir les 60 articles du code noir, qu´elle lisait à mesure au même rythme : Et il versait des larmes en regardant son nègre., inclut téléchargement pdf texte et images.
Dans ce déplacement du mode d´exercer la littérature, et ce que nous demandons à l´inscription radicale, réflexive, silencieuse et autonome du texte (parce qu´on ne triche pas avec les lectures, avec la discipline, avec la totalité écriture), les formats et les modes de narration changent : le texte est intervention. Béatrice Rilos n´est certes pas la première à se risquer là, voir le catalogue Al Dante pour d´autres...
Mais il y a toujours, en amont, l´énigme : ce qui vous pousse à ce travail. Ce qui vous contraint à écrire là.
Ainsi, peu après la parution de Enfin. on fera silence, Béatrice Rilos m´avait montré un ensemble de textes et dessins qui étaient le chemin, dans la ville contemporaine, puis dans le dédale hospitalier, de son lieu de vie actuel jusqu´à l´hôpital où elle était née. Cet ensemble, peut-être qu´elle nous accordera de le présenter ici... Mais il me semble faire lien avec Coeurs mis à nus.
Le pluriel, d´abord : distance prise à Baudelaire, en son lieu même. L´impératif du travail sur soi, mais rejeté dans la foule plurielle, anonyme. Puis la beauté même de l´objet, définissant la vie par excellence. Muscle battant, lieu d´organisation du souffle, de l´énergie et du mouvement.
C´est pour cela que nous tenons à présenter l´objet virtuel de Béatrice Rilos dans sa complexité : il inclut une brève préface de Christian Boltanski. Il inclut des documents historiques de l´hôptial Dupuytren, qui accueille l´exposition. Et le texte, dans sa double existence poétique et narrative, reste associé au travail graphique de l´auteur.
C´est une nouvelle expérience pour publie.net, et merci à Béatrice Rilos de nous la permettre. On peut voir l´exposition jusqu´au 27 juin au Musée Dupuytren, 15, rue de l´Ecole de Médecine, Paris Odéon.
Visiter erratique, le site de Béatrice Rilos.
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