"On n'est pas dans le futurisme, mais dans un drame bourgeois ou un thriller atmosphérique"
«Je m'appelle Clémence Picot. Je viens d'avoir trente ans. Je suis infirmière de nuit. À la clinique, je croise parfois dans le hall ma collègue qui assure la garde du rez-de-chaussée. Nous nous saluons d'un hochement de tête. Je m'occupe du premier étage. En début de soirée, je distribue des hypnotiques aux insomniaques. Ma tournée terminée, je m'assois dans l'infirmerie et j'attends. Certaines nuits les lumières du tableau d'appel ne cessent de clignoter. Mais souvent les malades m'oublient, je peux même somnoler sur un lit de camp ou écouter la radio. La musique m'ennuie, je n'aime que les confidences des auditeurs. Au matin, l'infirmière major vient me remplacer. Elle voudrait entamer une conversation, mais je préfère m'en aller.»
Jauffret s’amuse, le lecteur trinque !
Un peu comme essayer les montagnes russes ou le saut à l’élastique, lire le roman Clémence Picot paru initialement en 1999 chez Verticales est une expérience à faire une fois dans sa vie. On est assuré de s’en rappeler, et de ne jamais y revenir. Dans près de 600 pages, pour l’édition poche, Régis Jauffret se joue du lecteur, l’emporte dans un tourbillon d’éventualités qui n’en finissent jamais. Il faut subir les lubies et scenarii d’une héroïne malsaine, malade et dangereuse, derrière laquelle on n’ose imaginer que ce soit Jauffret qui se cache. Pourtant, y a-t-il vraiment un doute ? Le romancier ne fait ici qu’expérimenter ces futures Microfictions (2007 puis 2018), dans lesquelles il semble bien là aussi se mettre dans la peau de personnages systématiquement infâmes.
Reste l’écriture, tout à fait magistrale, et unique. Des colloques ont déjà eu lieu sur l’écriture du romancier. Tout a déjà été dit : le flottement des repères temporels qui génère l’inconfort du lecteur, les fameuses intrusions de tirets cadratins pour ponctuer le récit, le conditionnel poussé ici à son paroxysme, etc…
Vous aurez envie de jeter le livre une bonne cinquantaine de fois, mais vous le reprendrez toujours, car la nausée ne supprime pas l’envie de découvrir le fin mot de l’histoire.
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