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E un Americano ! En 1959, année de parution du premier volet des aventures de Roméo Tarchinini, cette circonstance atténuante signifiait, grossièrement, que la personne désignée possédait beaucoup plus de dollars que d’humanités. Le pauvre Cyrus A. William Leacok se voit, tout au long de son séjour à Vérone, affublé par moult Véronais et Véronaises de ce qualificatif où la commisération le dispute à un très net sentiment de supériorité. Choc des cultures entre le diplômé en droit de Boston, descendant en ligne directe des pionniers du Mayflower, rigide comme l’Inquisition, coincé comme un ballon dans une mêlée de rugby et face à lui, ou à ses côtés, car il est venu pour coopérer, Roméo Tarchinini, rond comme une boule de glace et souple comme une portion de tiramisu. On le sait bien, les contrastes font les bons films (La Chèvre), les bonnes séries (Amicalement Vôtre) ou les bons romans, comme celui-ci.
L’enquête, on l’aura déjà compris, n’est pas le plus grand intérêt du roman même si le coupable nous échappe jusqu’à la toute fin de l’histoire. Tout le sel se trouve dans les aventures de notre juriste bostonien mâchonnant son chewing-gum avec la même assurance qui lui permet de vanter les mérites de la police scientifique à l’américaine tout en vilipendant les méthodes du commissaire italien qui ne débute son enquête qu’après avoir terminé son assiette de spaghetti et prétendu que « les crimes ont presque toujours l’amour pour mobile…Pourquoi ? Mais parce que nous sommes à Vérone. » De scampis en torta di mandole, de quelques verres d’Acqua di Firenze à beaucoup d’autres de Maraschino ; de Guiletta à Lydia sans oublier une Mica très en forme, le puritanisme bostonien de notre Ulysse aux petits pieds, saura-t-il traverser les tempêtes sans souffrir la moindre corrosion ni succomber aux charmes de la Vénétie ? Accablé, à longueur d’incompréhensions, du sempiternel et irritant : « E un Americano », soumis à de nombreuses tentations, le risque semble grand de le voir jeter dans l’Adige, non pas les caisses de thé de ses ancêtres, mais plutôt sa gourme.
L’inquiétude gagne les bords de la Charles River et le futur beau-père s’en mêle :
«_ Qu’avez-vous fait à Valérie ?
_ Moi, rien.
_ Elle est chez moi en train de sangloter et ne s’interrompt que pour vous injurier et me maudire. C’est beaucoup pour un homme qui souhaitait se reposer. Elle vous a rendu votre parole ?
_ Pas que je sache !
_ Tant mieux ! Je craignais le pire…Comprenez-moi Cyrus, il y a vingt-cinq ans que je supporte Valérie. Je crois avoir fait ma part, à un autre maintenant !
_ Vous avez une manière bien à vous de m’encourager ».
Tout est joyeux, cocasse, drôle et souvent hilarant. Si vous souhaitez sourire et passer un excellent moment, Charles Exbrayat est à redécouvrir. L’humour et la bonne humeur imprègne son œuvre, ce qui n’a rien d’étonnant lorsqu’on sait qu’il fut, quelques mois durant, étudiant en médecine avant de se faire exclure de la faculté de Marseille pour « chahut notoire ».
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