"On n'est pas dans le futurisme, mais dans un drame bourgeois ou un thriller atmosphérique"
La silhouette libre et rebelle de Marion du Faouët, « Robin des bois » bretonne qui, dans les premières années du XVIII e siècle, prenait aux riches pour redistribuer aux pauvres, n'a cessé d'accompagner Michèle Lesbre, traversant comme un feu follet certains de ses précédents livres (notamment Le Canapé rouge, voir citation infra).
Parce qu'une femme aux cheveux roux prénommée Marion, qui avait élu domicile dans une boutique désaffectée en bas de chez elle, a soudain disparu après quelques mois de vie miséreuse, les traits de l'autre Marion, la « chère brigande », se superposent à ceux de la SDF parisienne, sorte de contrepoint au désarroi de n'avoir pu lui porter secours. Michèle Lesbre, comme pour conjurer le désenchantement et la pesanteur du monde d'aujourd'hui, décide de partir sur les traces de la Bretonne.
Si la longue lettre qu'elle lui adresse va donner chair et corps à la voleuse au grand coeur, elle sera également pour l'écrivain l'occasion d'un texte très personnel - le « je » narrateur, cette fois, est bien celui de l'auteur -, où ses propres désirs, ses utopies et ses révoltes se confondent avec ceux de Marion.
Dans le train qui conduit Michèle Lesbre à Quimper, les souvenirs de la vie de Marion reviennent par bribes, qui tendent un miroir à la jeune femme qu'elle a été et dont la conscience politique s'est éveillée avec les tragédies de l'histoire : à dix-huit ans, alors qu'elle découvrait la cruauté des hommes lors des premières manifestations contre la guerre d'Algérie, Marion, elle, créait sa bande de brigands. Avec ses comparses recrutés parmi ses proches, elle allait écumer les bois, redresser les torts, forcer les riches fermiers à partager leur blé avec ceux qui, dans une Bretagne exsangue, n'avaient rien. Le Faouët, les monts d'Arrée, Quimper :
Tous ces lieux où Marion a grandi et que Michèle Lesbre arpente, évoquent chez la narratrice la fougue et la générosité de son indomptable héroïne. Et même s'il lui arrivait d'administrer quelques coups de bâton, la « chère brigande » se contentait de frotter à l'ortie les réfractaires. La vraie violence, celle des soldats qui ravageaient la campagne, violaient les femmes, pillaient les paysans, a fini par s'exercer contre elle et ses complices, vite jetés en prison, torturés, puis exécutés.
Michèle Lesbre, dans ce texte lumineux - qui nous parle aussi d'elle, de nous, du monde dans lequel nous vivons - nous donne à entendre le rire d'une gamine formée à l'école de la vie, d'une grande amoureuse et d'une femme insoumise que l'injustice a mise en marche.
Sa belle lettre s'achève ainsi :
« Dors tranquille, chère brigande, tu m'as sauvée pendant quelques jours de notre démocratie malade, des grands voleurs qui, eux, ne sont presque jamais punis parce qu'ils sont puissants, de ce monde en péril. Tu n'étais pas un ange, mais les anges n'existent pas. »
De l’auteure, je gardai un souvenir ému du Canapé rouge. Une lecture toute en sensibilité.
Je n’ai pas été déçue avec ce dernier livre, qui est une lettre à Marion du Faoüet, une jeune brigande du 18e siècle.
La narratrice part sur ses traces, mais c’est surtout l’occasion pour elle de nous parler de notre monde moderne, notre vie si connectée qui a perdu tout goût de la révolte.
Marion, elle, incarne cette jeunesse illettrée mais insoumise, qui vole aux riches pour donner aux pauvres, même après avoir été torturée avec le feu et exposée à moitié nue en place publique.
J’ai aimé découvrir cette rebelle qui a brûlé sa vie pour un peu de justice.
L’écriture de Michèle Lesbre est toujours un enchantement, qui fait naître des images fortes à partir de peu de mots.
L’image que je retiendrai :
Celle de la narratrice devant la mer bretonne, une retrouvaille riche en émotion.
http://alexmotamots.fr/chere-brigande-michele-lesbre/
Marion du Faouët, une brigande au grand coeur.
Des siècles traversent notre histoire et celle de Marion du Faouët mais la misère est toujours là, écrasante et démultipliée par la mondialisation.
Marion du Faouët au18ième siècle était une jeune paysanne bretonne qui à l’âge de 18 ans se tenait à la tête d’une compagnie d’hommes pour détroussait les riches et rendre aux démunis avec pour règle de ne pas faire couler de sang . Pour ce crime de générosité, elle sera pendue en 1755 sur la Place de Quimper, encore jeune et innocente même si elle n’était pas un ange.
Dans cet opus cristallin et intimiste, Michèle Lesbre va à la rencontre de Marion la révoltée, à la belle chevelure flamboyante qui lui rappelle le visage d’une autre femme, une sans domicile fixe qui refusait obstinément son aide et qui campait sur une rue de Paris avant de disparaître définitivement. Au rythme du train qui l’emmène à Quimper, à la recherche de la présence muette de Marion, l’auteure nous parle de sa jeunesse engagée, de son métier d’enseignante et de ses convictions.
Chère brigande me fait rappeler avec le même serrement au coeur la nostalgie des souvenirs, la solidarité féminine par délà les générations mais aussi l’espoir fou d’un idéal et ses désillusions dans le cercle du temps qui passe que j’ai tant aimé dans « le canapé rouge » .
Dans le train qu’elle prend dans les deux récits et des paysages changeants qui défilent sous ses yeux, Michèle Lesbre confie avec pudeur et sans ostentation ses incertitudes et ses questionnements sur notre société mêlant des bribes de son histoire personnelle.
L’auteure nous fait partager aussi sa fébrilité à mêler ses pas à celle de Marion , dans les rues et les maisons de Quimper, pour retrouver l’âme d’une insoumise et l’aider à résister par la force de l’écriture.
C’est vraiment un très beau coup de coeur, une impression fugace de liberté.
Un récit intime et épistolaire qui conte la vie de Marion du Faouët, femme libre et rebelle.
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