"On n'est pas dans le futurisme, mais dans un drame bourgeois ou un thriller atmosphérique"
Un petit appartement à Paris. Une femme n'en peut plus de ses tocs - ses tics obsessionnels compulsifs. Elle fixe la fenêtre de son salon, attirée vers le vide. Puis elle réagit, va vers son téléphone et compose un numéro : Allô, docteur Rossi ? Une discussion s'engage dans la nuit avec ce psychiatre dont elle a seulement entendu la voix à la radio. Il saisit sa détresse, lui maintient la tête hors de l'eau.
Mais elle est libanaise, et lui s'avère être israélien. Or son pays interdit tout contact avec un citoyen israélien. Peuvent-ils même se parler ? Les guerres, les murs virtuels et réels peuvent-ils séparer deux êtres qui se rencontrent ? De ce huis-clos impossible surgit une bulle d'humanité et de douceur.
Le sujet est assez étonnant. Une femme, la cinquantaine, clouée dans son appartement parisien par des tocs envahissant qui l'empêchent d'en sortir. Au bord du suicide, un sursaut la raccroche à la vie et elle téléphone à un psychiatre dont la voix l'a mise en confiance dans une émission de radio. S'en suit un dialogue construit comme un huis-clos entre cette femme au bord du gouffre et cet homme qui pourrait porter un espoir de résilience.
Si le récit en lui-même est quelque peu répétitif, il est porté par quelques pages d'une fulgurante poésie pour dire le désespoir et le retour vers la vie grâce à la relation virtuelle mais symbiotique entre les deux personnages. C'est beau de voir la femme se rendre compte qu'elle porte en elle sa capacité à guérir de ses blessures, à commencer par l'enlèvement et la disparition de son frère pendant la guerre civile libanaise.
Ce qui m'a le plus intéressée dans ce roman singulier, c'est justement son arrière-plan géopolitique. J'ai découvert, stupéfaite, l'interdiction officielle pour tout libanais de parler et d'être en contact avec un citoyen israélien. La femme est libanaise, exilée à Paris, le docteur est israélien. Leur conversation, même téléphonique, est donc interdite par l'article 285 du code pénal libanais. En 2017, le réalisateur franco-libanais Ziad Doueiri a été entendu par un tribunal militaire au Liban, en raison d'un déplacement en Israël contrevenant à la législation du pays ( lors du tournage du film L'Attentat ) !
Forcément, ce dialogue interdit, pacifiste et guérisseur, prend une dimension symbolique. La Libanaise et l'Israélien se reconnaissent, dépassent ce mur virtuel absurdement imposé, sublimant la possibilité d'une réconciliation au Proche-Orient. L'idée est superbe et donne au titre une grande force.
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