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Nine ne connait de son enfance que la rencontre de ses parents en Algérie, leur amour trop bref, et la mort du père fauché par la guerre. Madame Plume, sa mère, évoque à peine la vie d'avant et la fuite du village de Kabylie s'installer dans le nord de la France, où elles ont vécu à l'écart du monde. Au mutisme maternel, la petite oppose une soif de savoir, de comprendre et de se libérer qui passera par l'apprentissage du piano, du langage, et aussi par un retour sur la terre des origines.
Ce court récit de l'exil épouse le rythme et la poésie du conte pour nous évoquer la qu ête identitaire d'une femme éblouie par les lumières de son enfance.
Tellement beau ! Tellement émouvant !
« Je suis née au creux des montagnes, là où le ciel change de couleur dans la courbure du vent. Derrière le vent, en contrebas de la colline, se dressait le minaret du village. À heures régulières, la voix du muezzin annonçait le nom des dernières victimes tombées sous les bombes. Étrangers à eux-mêmes, au milieu d’un champ de ruines, les cœurs trop lourds s’efforçaient de se décharger de l’horreur. Hier, des enfants étaient nés sans mère, d’autres tiraient désespérément sur le cordon, à contretemps des projectiles. Voilà qui aurait dû suffire à nous rendre fous ! »
Nine et sa mère Madame Plume ont fui la guerre, qu’en Algérie on nomme pudiquement les évènements. La femme et la petite fille partent très loin, dans le nord de la France pour construire une autre vie, pour oublier. Au chaud soleil de Kabylie a succédé le ciel gris et pluvieux.
Il faut réapprendre à vivre ou à survivre, dans le souvenir pour l’une, dans les interrogations pour l’autre.
Ce livre est un petit bijou de tendresse et de poésie. Un roman poignant, qui évoque avec subtilité et pudeur les destins brisés par l'exil.
L’écriture de Marie-Aimée Lebreton est splendide, pleine d’émotion. J’ai passé avec ce texte deux heures de pur bonheur littéraire.
Ainsi commence le livre :
« Je suis née au creux des montagnes, là où le ciel change de couleur dans la courbure du vent. Derrière le vent, en contrebas de la colline, se dressait le minaret du village. A heures régulières, la voix du muezzin annonçait le nom des dernières victimes tombées sous les bombes.
Ce petit extrait donne le ton. Poésie, beauté, noirceur et douleur. On sait.
« C’était le début de l’été. Le père avait vingt ans, il riait parce qu’il était vivant… Il était algérien, Madame Plume était française, de cela ils ne parlaient pas. » L’amour et la guerre, pardon, « les évènements » ne font pas bon ménage. Le père sera exécuté et laissé mort sur le bord d’une route. Madame Plume donnera naissance à Nine qui ne connaîtra jamais son père. Vint le temps de l’exil vers cette France, territoire inconnu, vers le nord froid et noir. Commence le temps des manques. Celui du père, celui du soleil, celui de Fatma, indissociable de la Kabylie, celui de l’isolement pour cette petite mauricaude (à l’époque on ne disait pas beur), celui de l’obéissance à la mère pour ne pas aggraver son chagrin. Les mots ne peuvent sortir pour expliquer la disparition, le corps dans la cabane en bois là-bas à Bouïra.
Puis, après la mort de la mère des suites d’un cancer, Nine repart en Kabylie pour renouer le fil de sa vie, pour repartir sur des bases plus solides.
Il y a opposition entre l’univers masculin de la guerre, de la violence et celui de ces deux femmes qui ont l’air de marcher sur la pointe des pieds pour ne pas déranger le père.
Nul besoin de grandes phrases, de pages noircies pour nous faire ressentir le mal être de Madame Plume : «elle percevait l’assurance des autres mères comme un lieu dans lequel elle n’avait pas sa place»,
Un livre que m’a posée sur un nuage. Les phrases ciselées comme un bijou kabyle sont emplies de poésie et de beauté. Tout est dit en peu de mots et si bien dit. Un enchantement, un coup de cœur pour moi.
Marie-Aimée Lebreton, n’attendez pas cent sept ans et encore moins les calendes grecques pour nous ravir avec un autre ouvrage. Je vous remercie pour cette belle lecture.
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