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L'agonie du christianisme : quand il jeta ce brûlot d'Es- pagne dans les méditations heureuses d'un monde encore égal, Unamuno savait et voulait être provocant. Il ne pouvait en douter, rares seraient ceux qui gardaient assez de grec pour entendre qu'il évoquait un combat et non pas une fin, ou assez de dogme pour se souvenir que le Christ et son Église sont en agonie jusqu'à la fin des temps. Mais les for- mules bienséantes, les vérités ajustées n'éveillent plus rien ni personne. Il faut que les mots prennent tournure de paradoxe et visage de scandale pour se faire écouter. Unamuno n'eût pas accepté qu'on rendît sa formule rassurante par des consolations étymologiques. De fait, sous l'agonie perpétuelle du christianisme, la menace se lève aujourd'hui d'une agonie plus précise et plus inquiétante. Les chrétiens en ont à peine conscience dans l'ensemble. Ils se reposent dans l'illusion de leur force comme la France se reposait en 1939 sur l'illusion de son armée et de ses grandeurs passées. Ils ne voient pas que le monde, massivement, se fait en dehors d'eux et contre eux. Ils se distraient en oeuvres, mouvements, partis, spectacles de bon et de mauvais goût. Jusqu'à ce que quelque Sedan spirituel leur ouvre enfin les yeux. Jusqu'à ce qu'une agonie, cette fois sans métaphore ni échappatoire de la chrétienté sur laquelle nous vivons de- puis dix siècles, les décide à ne plus masquer l'ampleur de la crise, et à préparer dans les gémissements une résurrection dont ils n'ont pas su reconnaître l'urgence au temps des sécurités trompeuses. Le gonflement subit, dans l'Europe entière, des partis démocrates chrétiens, dont quelques-uns se réjouisse com- me d'un renouveau, ne nous y trompons pas, il n'est qu'un oedème sur ce corps malade de la chrétienté. La qualité individuelle de beaucoup de leurs militants, leurs intentions et leur utilité ne sont pas en cause. Dans la situation sociologique où se trouvent les milieux chrétiens d'Europe, si ces partis n'existaient pas, il faudrait les inventer. Ils sont indispensables pour maintenir au contact ces masses à la tête généreuse et aux habitudes craintives, qui se trouvent si bien installées dans le révolu, mais gardent une inquiète conscience de leur sérénité. On souhaiterait seulement qu'ils prennent ces masses où elles sont et ne mêlent pas des dé- limitations professionnelles aux délimitations politiques. S'ils se contentaient ainsi de tenir un rôle qui, tout limité qu'il soit, leur vaudrait, dans l'état actuel des choses, une confortable clientèle, nous ne songerions pas un instant à les contester, nous défendrions même la fonction qu'ils assurent, parmi d'autres.
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