"On n'est pas dans le futurisme, mais dans un drame bourgeois ou un thriller atmosphérique"
Ainsi, sans bruit, sans éclat, entend-on le chant de ceux qui n'ont pas de voix, ou qu'on ne voudrait pas entendre, parce qu'ils naissent, vivent et meurent trop humbles pour qu'on y prête attention. Et eux-mêmes finissent par croire qu'ils ne sont rien. Que ce rien n'a rien à dire. Ainsi entendrait-on peut-être le chant de ceux qui, après être nés, après avoir vécu, restent encore trop humbles dans la mort. Et ce chant couché - sans monter vers le ciel comme font les chants ? sans se dresser comme font les humbles quand on les écrase, et quand ils ont encore un peu de force pour se dresser ? -, ce chant couché sur la terre latino-américaine, sur la terre colombienne, posé comme une brume qui ne pourrait que se défaire, se disperser dans l'air sans y laisser de trace, ce chant presque muet se fait ici entendre.
Ma deuxième incursion dans l’univers poétique de Philippe Pratx avec Humble chant.
J’ai virtuellement rencontré l’auteur sur Babelio… Je ne le connaissais pas avant ; pourtant, nous sommes nés au même endroit et sommes pratiquement du même âge. En outre, nous avons un pays lointain en commun : la Colombie…
Une référence au Chant général de Pablo Neruda… Quelques accents à la manière de François Villon, aussi…
Une lecture que l’auteur nous propose de prolonger par un album de photos accessible avec un lien Internet. Un recueil de poèmes en hommage à ceux qui, en Colombie comme ailleurs, sont les plus humbles. Évidemment, j’embarque pour le voyage. Lecture volontairement fractionnée pour m’approprier les poèmes.
Pas de ponctuation, pas de majuscules… Même le texte se fait métaphore d’humilité. Vers libres.
Pour un recueil de poèmes, n’attendez pas de moi une véritable chronique. En matière de poésie, je suis touchée (ou pas) et il est question de ressenti. Certains poèmes me parlent et se répondent, d’autres sont restés, pour moi, incompris.
J’ai lu dans ce recueil des accents épiques, une volonté de rendre la Colombie à ses premiers habitants, de révéler une mémoire tellurique mise à mal par l’Histoire (avec ce grand H destructeur) de la colonisation, de l’esclavage, des guerres civiles… L’auteur parle d’ « histoire assassinée »…
La tonalité d’ensemble du recueil m’a semblée résignée, au sens de capacité à constater sans illusion, de poser des mots sans vraiment croire à leur possible valeur de résilience. Philippe Pratx nous montre un monde qui meurt et se regarde mourir.
L’auteur a aussi ancré ses vers dans des faits d’actualité récents, comme la violente répression policière lors de la grève nationale de 2021, quand les escadrons mobiles anti-émeute ont délibérément visé les yeux des manifestants et même tiré sur eux à balles réelles…
J’y ai trouvé aussi une grande humilité, celle annoncée dans le titre… Et puis, il y a cette quête, pas identitaire, mais personnelle. Moi aussi, j’ai un peu de Colombie au fond du cœur, j’ai laissé un peu de moi, là-bas, dans ce magnifique pays)… Alors, à ma manière, je me suis approprié ces poèmes.
Mes mots sur ceux de Philippe Pratx, pour vous donner envie d’y mettre aussi les vôtres :
Les humains réduits à leur peau et à ce qu’elle nous dit…
La vie dans les villages reculés…
La vie précaire…
La vie des habitants des plaines, à cheval. La nostalgie, une danse…
Des chaussures (Moi aussi, j’ai des images de la Colombie au fond du cœur et j’ai pensé au monument de Carthagène, une sculpture géante représentant de vieilles bottes)…
Une montagne qui brule…
La Violencia, cette période ambiguë et troublée de l’Histoire colombienne…
Légendes amérindiennes, fondatrices…
La vraie vie sous la couleur locale…
Une ballade des victimes de L’ESMAD (Escuadrón Móvil AntiDisturbios)…
Les « Autres chansons » sont davantage en lien avec l’imaginaire, avec des références à Alice au pays des merveilles de Lewis Carroll, une mélancolie romantique, des airs de blues, des paroles féminines sur le consentement, sur la violence, la jalousie… Les textes sont plus académiques, plus structurés avec ponctuation et majuscules, refrains ; j’ai ressenti un besoin de musique pour les accompagner, une envie de fredonner : « Tchou tchou bidou wa… ».
Vous aviez raison, cher Philippe Pratx, ce recueil a beaucoup parlé à ma sensibilité, plus que Carmina Vltima.
J’ai savouré chaque poème et je sais que j’y reviendrai. Les documents sonores sur http://www.philippepratx.net/chindex.htm, en espagnol, sont vraiment superbes.
Un magnifique recueil !
Pour moi, un poème est réussi quand j'oublie que je tiens un livre dans les mains, quand je quitte le moment présent pour partir loin, ou que le poète me fait voir le monde différemment.
Avec ce recueil, je suis bien parti à presque 9 000 km de chez moi (je sais où se situe la Colombie maintenant), j'ai bien oublié que je tenais ma liseuse dans mes mains.
Certes, pas tout de suite, Il m'a fallut le temps d'entrer dans l'univers de Philippe Pratx, le temps de naviguer sur son site internet, visualiser les photos qui figurent dessus et qui permettent de bien cerner ce qui a parfois pu être au départ d'un texte.
Puis sont arrivés des textes que j'ai pris de plein fouet.
Sur le mépris des riches pour les pauvres, les humbles.
Sur le mépris de l'Homme pour sa planète.
Sur les émeutes sanglantes de mai 2021 et les exactions de commandos civils à Cali, une des villes importantes du pays et "Paroles des morts" qui rend hommage à certaines victimes de cette folie humaine.
Quelle triste espèce nous formons sur cette Terre.
Allez, pour revenir sur terre, quelques derniers textes, des dernières chansons.
Un grand merci à l'auteur de m'avoir transmis ses textes, pour cette belle découverte.
Je ne regarderai plus la Lune de la même façon, cet astre HUMBLE qu'on détecte à peine quand elle parait après le grand show du coucher du Soleil, ce grand acteur.
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