Le bruit saccadé de la machine à écrire le réveilla et il vit, comme d'habitude, les draps pâles du lit de sa femme de l'autre côté de la table de nuit. Qui avait décidé qu'il y aurait des lits jumeaux ? Après dix-huit ans, il n'aurait pu le dire avec certitude. D'ailleurs, les événements de cette époque-là étaient confus et, pour des raisons qu'il n'essayait pas de démêler, il préférait les chasser de sa mémoire.
C'était probablement elle. Et il n'avait pas protesté. Il ne protestait jamais. En définitive, il ne leur était pas arrivé une seule fois de dormir ensemble.
Émile Virieu, un homme solitaire au possible, passe la plus grande partie de ses journées dans son bureau vitré, tel un poisson dans son aquarium, il aime être isolé des autres employés de l'imprimerie parisienne où il est correcteur. Il fuit le contact avec les autres, souffrirait-il d'une forme d'autisme ? C'est la question que je me suis posée, mais à l'époque où le roman a été écrit, on devait peu en entendre parler.
Il épouse Jeanne, secrétaire dans la même imprimerie. Elle quittera son travail pour rester à l'appartement et faire des traductions.
Le couple voit juste la sœur d'Émile, son mari et leurs enfants de temps en temps mais un drame surviendra dans cette famille et perturbera la vie d'Émile, réglée comme du papier à musique.
La tension ira crescendo après l'installation d'un jeune couple dans l'appartement voisin mais je préfère ne rien révéler à ce sujet.
J'ai beaucoup aimé me plonger dans ce roman de 1971 où la société est très différente de la nôtre.
Émile est un homme déroutant, sous des allures calmes, on découvre qu'il peut être aisément déstabilisé. Une fois qu'un grain de sable se sera insinué dans les rouages de ses journées répétitives, tout va se mettre à dérailler et la situation va devenir ingérable pour cet homme si passif en apparence.
J'ai été fascinée par l'accumulation de détails qui, mis bout à bout, vont faire exploser une vie en apparence paisible, mais extrêmement tourmentée en réalité.
C'est un véritable plaisir d'avoir découvert ce roman, fort différent des Maigret puisqu'il ne s'agit pas ici d'une enquête policière.
Je compte lire d'autres ''romans durs'' de Simenon pour me faire une idée plus précise sur ce genre.
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