"On n'est pas dans le futurisme, mais dans un drame bourgeois ou un thriller atmosphérique"
« La rafle du Vel d'Hiv, qui fit près de 13 000 victimes, dont 4 000 enfants, les 16 et 17 juillet 1942, est l'un des épisodes les plus terribles de la collaboration de Vichy avec l'occupant nazi. En 1967, à l'occasion de la sortie du livre de Claude Lévy et Paul Tillard, La Grande Rafle du Vel d'Hiv, Cabu, jeune dessinateur de presse, met tout son talent pour illustrer cette tragédie. Ces dessins restituent de manière poignante cette page sombre de notre histoire. Cabu est mort le 7 janvier 2015 sous les balles de l'islamisme, dans les locaux de Charlie Hebdo à Paris. Il a dessiné le pire du XXe siècle et a été lui-même la victime du pire du XXIe siècle. Ce destin confère à ses dessins une charge émotionnelle particulière, et pour tout dire vertigineuse. »
UNE ŒUVRE COUP DE POING : LES DESSINS DE LA RAFLE DU VEL D’HIV PAR CABU EN 1967.
Cette année c’était le triste anniversaire de l’été 42 qui pour la France - donc non seulement à Paris mais aussi dans de nombreuses régions- avait marqué le début des grandes déportations. Le Mémorial de la Shoah voulait donner à la commémoration toute l'ampleur qu'elle nécessitait. Un petit miracle s’est alors produit : Laurent Joly, spécialiste de cette période, et Véronique Cabut sont venus proposer au musée d’organiser une exposition avec les dessins que Cabu avait effectués en 1967 pour illustrer la parution des bonnes feuilles du premier ouvrage à être consacré aux journées du 16 et 17 juillet 1942 : « La Grande Rafle du Vel d’Hiv’ » de Claude Lévy et Paul Tillard, dans l’hebdomadaire : « Le Nouveau Candide ». Ce sont ces 17 dessins, jamais exposés depuis leur parution et « contextualisés » par Laurent Joly, que l’on peut découvrir au Mémorial de la Shoah de Paris (depuis le 1er juillet jusqu’au 7 novembre) et dans un livre paru aux éditions Tallandier.
CABU DESSINATEUR DE PRESSE
Quand l’hebdomadaire d’obédience gaulliste fait appel à lui en 1967, Cabu a déjà une carrière établie en tant que bédéaste et dessinateur de presse. Il a publié ses premiers dessins dans « Hara-Kiri » depuis le n°3 jusqu’en 1960 et lorsque ce dernier est interdit par la censure en 1961 pour cause d’ «outrage aux bonnes mœurs », Cabu développe un côté moins satirique en rejoignant l’équipe de « Pilote » et en créant le personnage du Grand Duduche. Il poursuivra sa collaboration au journal satirique à chaque fois qu’il renaîtra de ses cendres et couvrira également pour « Le Figaro » le procès Ben Barka en 1966. Dès ses débuts on voit donc qu’il manie aussi bien la satire que l’émotion et la tendresse.
LE LIVRE CHOC A L’ORIGINE DU PROJET
Le livre de Lévy et Tillard retrace, 25 ans après les faits, grâce à des documents et surtout des témoignages, le déroulement de la rafle des Juifs de Paris et de banlieue : plus de 13 000 personnes, adultes et enfants, sont arrêtées les 16 et 17 juillet 1942. C’est un choc pour beaucoup puisque comme l’indique Laurent Joly « Jusque-là, la vision de la rafle du Vel d’Hiv est extrêmement parcellaire, quand elle n’est pas erronée » : nombre de Français pensent alors qu’elle était le fait de la Gestapo et des autorités allemandes. Mais les deux auteurs anciens résistants déportés démontrent dans leur ouvrage qu’il n’en est rien : le gouvernement de Vichy et la police française ont tout orchestré dans cette funeste entreprise d’épuration, qui mena la plupart des déportés à la mort. Préfacé par Joseph Kessel, il imprime l’expression « Rafle du Vel d’Hiv’ » dans la mémoire collective et impressionna l’opinion par ses récits émouvants portés par la plume de Tillard romancier talentueux primé à de nombreuses reprises.
Cabu lit donc « La Grande rafle du Vel d’Hiv » et en sera durablement ébranlé. Il découvre l’horreur de l’événement avec, sous-jacents, le tri des « fichiers juifs » de recensement, la mobilisation de 4 500 policiers, le parcage des familles, la séparation des enfants… dans ce lieu qui avait été pour lui synonyme de jours heureux. Il choisit anecdotes et scènes marquantes pour réveiller son lecteur et également faire œuvre de pédagogie. Grâce à sa mémoire photographique, il reconstitue de façon ébouriffante un lieu détruit dix ans auparavant où ce natif de Chalon en champagne ne s’est rendu que deux fois seulement durant son enfance et son adolescence.
DU GRAND ART
Grâce à la virtuosité de Cabu que nous sommes émus et emportés. En effet, nous retrouvons les différentes facettes de son talent : le trait oscillant entre tendresse et empathie pour les victimes (il privilégie d’ailleurs la représentation des enfants) et satire des forces de l’ordre puisqu’il fait le choix militant de ne présenter que des policiers français mais aussi de la France silencieuse : toutes les scènes se déroulent sans témoins extérieurs comme si les gens se désintéressaient par avance du sort réservé aux prisonniers…
Il faut d’ailleurs signaler que les reproductions des œuvres dans Le catalogue d’exposition bénéficient d’une très belle qualité d’impression. D’un format BD, Il reprend les explications historiques fournies par Laurent Joly, les photos des personnes dont nous est racontée l’histoire en regard des illustrations courant sur une page voire une page et demie. Il bénéficie également d’un façonnage soigné : vernis sélectif sur la couverture, papier à l’épais grammage, c’est vraiment un bel objet qu’ont réalisé les éditions Taillandier pour un prix somme toute modique (18€).
Cette grande qualité d’impression nous permet d’admirer pleinement le sens de la composition et du détail de ce grand caricaturiste qui est surtout un immense dessinateur.
Cadrages variés, plongée pour montrer la fatalité écrasante ou au contraire contre-plongée pour souligner la force brutale. Individualisation de tous les personnages même ceux du troisième plan comme son maître Dubout, expressivité des traits et des regards et magnifiques jeux sur la symbolique de l’ombre et de la lumière d’une du Rembrandt qu’il admirait tant tout en flirtant parfois avec l’Expressionisme.
Hormis « le départ des autobus », il n'y a pas de photos de la Rafle du Vel d’Hiv. Mais le stylo isographe habité de Cabu comble ce vide. Habilement mis en valeur, ses dessins font office de « coup de poing dans la gueule » et nous rappellent une histoire pas si lointaine en nous questionnant sur la notion de « désobéissance civile ».
Parallèlement aux débuts de l’exposition au mémorial était inauguré un nouveau lieu de mémoire : l’ancienne gare de Pithiviers d’où partirent six convois vers les camps de la mort transformée en musée. Pour que les jeunes générations n’oublient pas ou découvrent cet épisode noir de l’Histoire de France, je recommande l’achat de ce superbe catalogue d’exposition à tous les CDI de collèges et lycées de France et de Navarre et je rêve de voir cette exposition tourner dans les écoles…
Chronique augmentée et compte-rendu de l’exposition sur le blog :
www.bulles2dupondt.fr
En 1967, Cabu illustre quatre articles du magazine Nouveau Candide, hebdomadaire de droite cherchant à faire du « buzz », comme on dirait maintenant, lors de la publication des travaux de Claude Lévy et Paul Tillard sur La Grande Rafle du Vel D’Hiv. Jean Cabut, âgé de 29 ans, dit Cabu, a créé quinze dessins et un inédit, reproduit ici.
Comme de nombreux français, Cabu découvre, grâce aux travaux de Lévy et Tillard, le récit de cette opération orchestrée par la police française qui a arrêté 12 884 juifs, hommes, enfants et enfants en moins de deux jours, les 16 et 17 juillet 1942.
Au préalable de ce document, le résumé de cette opération est précisé avec l’évacuation de vélodrome d’Hiver vers les camps d’internement de Pithiviers et de Beaune-la-Rollande. Puis, vient la déportation vers le camp d’Auschwitz, d’abord des adultes puis les premiers convois d’enfants qui partiront de Drancy. Dès le 16 août 1942, un premier convoi s’ébranle avec à son bord 583 enfants dont 526 nés en France, mêles avec 417 adultes qu’ils ne connaissaient pas.
la suite ici
https://vagabondageautourdesoi.com/2022/07/08/cabu/
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