80 ans après, il est toujours essentiel de faire comprendre cet événement aux plus jeunes
Béla Tarr déclarait en 1987 : " Je déteste les histoires, puisque les histoires font croire qu'il s'est passé quelque chose. Or il ne se passe rien : on fuit une situation pour une autre. De nos jours, il n'y a que des situations, toutes les histoires sont dépassées. Il ne reste que le temps. La seule chose qui soit réelle, c'est probablement le temps. " Ces propos, qui sont programmatiques de l'oeuvre du cinéaste, éclairent ce qui l'a amené - à l'orée des années 80 - à abandonner l'approche sociocritique qui fondait ses premiers films dont les histoires humaines étaient tissées des espoirs déçus du communisme.
Avec la " trilogie démoniaque " (Damnation, Sátántangó, Les Harmonies Werckmeister), Béla Tarr entame une collaboration avec le romancier László Krasznahorkai. Il ne cessera, dès lors, de filmer les laissés pour compte qui parcourent les plaines boueuses de la Hongrie postcommuniste et s'égarent dans des bars vétustes, manipulés par de petits escrocs. Il élit un formalisme cinématographique strict et singulier : pellicule noir et blanc, travellings latéraux, longs plans au steadycam accompagnant ceux qui errent, filoutent, épient ou, simplement, attendent.
Enfermés dans des situations de désintégration de plus en plus radicales, hommes et animaux ont surtout pour lien la pluie, le vent et la boue qui rythment le quotidien. De la colère et de la révolte des premiers films aux oeuvres récentes empreintes de désillusion, cet ouvrage propose de questionner l'oeuvre d'un cinéaste majeur et pourtant trop méconnu. Une oeuvre où se manifeste, dans un formalisme radical à la beauté noire, le déclin inflexible des existences et le passage implacable du temps.
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