"On n'est pas dans le futurisme, mais dans un drame bourgeois ou un thriller atmosphérique"
Entre terre et ciel, très haut dans les alpages, juste en dessous des nuages, vivent des héros créés et dessinés par F'murr. Athanase, berger pensif et rêveur, réunit autour de lui des brebis dotées d'un quotient intellectuel élevé, un bélier adulé nommé Romuald, un chien heureux de sa condition de gardien, une jolie bergère court-vêtue et une quantité d'autres personnages en visite sur les sommets. L'amateur de BD reconnaîtra parmi eux des dessinateurs, des critiques, des journalistes, des éditeurs tous croqués par F'murr avec humour et mis en scène en quelques planches dans des situations absurdes et drôles.
Car la série Le Génie des Alpages est un chef d'oeuvre du non-sens, dessiné d'un trait original, léger, plein de charme. L'auteur fait preuve d'une imagination débordante assez rare dans la BD moderne. Cette transition réussie entre la nostalgie des années 50 et la BD contemporaine a rencontré un très grand succès dès ses débuts, en 73, dans les pages de PILOTE.
F’murr, avant « le Génie des Alpages », a publié des gags dans le magazine Pilote, dès 1973. Les planches non retenues ont été regroupées dans un album intitulé « Au loup ! ». A partir du conte de Charles Perrault, « le Petit Chaperon Rouge », F’murr nous propose une suite de variations sur un même thème. Il passe à la moulinette de son humour extravagant les différents épisodes ainsi que les principaux personnages, obtenant ainsi un grand désordre, particulièrement jubilatoire. Et si le loup n’était pas le seul sur l’affaire ? Si le petit Chaperon rouge était plus perverse que le fauve ? Si la mère-grand était en réalité une sorcière ? Que se passerait-il ? Et si, par un improbable télescopage, les personnages d’autres fictions venaient à intervenir dans notre conte ? Que faire d’Alice (celle qui se prend pour une merveille), du Corbeau et du Renard, de Barbe-bleue, voire d’Hamlet dans un tel contexte ? Intenable, me direz-vous ! Tellement intenable que les personnages en viennent à créer un syndicat pour demander des comptes à leur auteur. Et celui, complètement déboussolé, de demander des conseils à Jean de la Fontaine.
Vous l’avez compris : F’murr s’est lâché, transformant l’histoire de notre enfance, en une bande dessinée pour adolescents. La gamine fume comme un pompier. Le loup est dépressif. Le corbeau est totalement stupide. Perrault est plus que dépassé par le petit théâtre de nos angoisses, qu’il a imprudemment créé. Et que dire de cet ange qui passe dans le ciel et n’atterrit que pour critiquer la scène à laquelle il assiste ?
Presque tous les mécanismes de l’humour sont présents. Bien entendu, il y a les jeux de langage dont F’murr est si friand : calembours, contrepèteries, allitérations, litotes. Mais surtout, c’est la relation que F’murr crée avec son lecteur, en lui présentant une vision de plus en plus décalée du monde féérique. Il accentue la violence latente du conte initial, ses contradictions, ses alternatives (en hiver, il faut craindre l’ours blanc et non le loup), sa logique interne, etc. Si bien que ce petit recueil de gags en noir et blanc (dans une version ultérieure, ils seront colorisés), est un écho de l’humour absurde du théâtre d’Eugène Ionesco, des « Exercices de style » de Raymond Queneau, des écrits d’Oulipo (dans le genre Georges Perec) sans oublier les portées métaphysiques d’un Luigi Pirandello. Vous l’avez compris, c’est bien moins innocent qu’il n’y paraît.
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