"On n'est pas dans le futurisme, mais dans un drame bourgeois ou un thriller atmosphérique"
Le surnom de «?reine des glaces?» colle à la peau de Christa Cristofersson, une ingénieure renommée de la Silicon Valley. Au-dedans, pourtant, elle vibre intensément. Mais l'émotivité est un luxe qu'elle ne peut se permettre.
Elle dirige une entreprise de biotechnologies, maudit le jour où elle a rencontré son ex-mari, tente d'élever du mieux possible ses jumeaux, se bagarre avec son vieux bougon de père qui tempête contre notre monde de technologies déshumanisantes et, de temps en temps, elle rend visite à sa mère qui végète dans un hôpital psychiatrique.
Au hasard d'un test génétique, Christa découvre que toute sa mythologie familiale repose sur une erreur. Sa mère ne l'a pas abandonnée à la naissance pour une quête de plaisirs superficiels, mais a en réalité sombré à cause d'une maladie jamais diagnostiquée : une dégénérescence neurologique qui la prive de l'accès à ses émotions.
Christa est porteuse du même gène altéré et, potentiellement, de la même maladie incurable. Seule la présence à ses côtés d'un compagnon qui la connaîtrait intimement au point de pouvoir stimuler ses souvenirs et ses circuits émotionnels pourrait retarder l'échéance.
Christa ne croit pas en l'existence de l'âme soeur, mais elle croit en la science, alors, cette âme-soeur, elle va la créer.
Avec Au-dedans, Yannick Grannec affronte une des plus grandes préoccupations contemporaines. S'il ne convient pas de la nommer ici, on peut suggérer que l'ombre de Mary Shelley plane sur ce roman visionnaire.
Et si cette maladie "d'alzeime des émotions" existait et si un bot reprenait le rôle de l'humain jusqu'à en devenir presque votre conseiller conscientisant. Et si finalement, toute la science prenait une place plus tangible dans notre vraie histoire de vie ? Frankestentein y trouverait certainement sa place. Livre décapant pas si loin et tout de même pas pour demain. Difficile à lire, je m'y suis noyée parfois avec des tournures trop longues ou trop éloignées de mes habitudes de lecture. J'ai adoré cette mise à nu de ce qui pourrait sur certain aspect être nous. C'est pas non plus THE livre...mais c'est contemporain. Je ne connaissais pas cette auteure.
J'avais lu précédemment cet auteur et ça m'avait bien plu. Alors quand j'ai vu paraitre ce livre je me suis lancée.
Christa Cristofersson est la reine de l'intelligence artificielle. Son entreprise fait un carton. Mère célibataire elle élève ses enfants et s'accorde quelques aventures amoureuses après s'être séparé de son mari. Mais la maladie la guette. Elle décide alors de prendre les choses en main.
Je n'ai pas du tout aimé ce livre bien trop technique. De plus je n'ai pas trouvé l'âme de l'histoire. Le vocabulaire trop spécifique s'est avéré un vrai obstacle. ce qui me rassure c'est que je ne suis pas la seule. Les termes sont parfois tellement compliqués qu'au final on ne comprend pas le message. Ce livre n'est clairement pas un livre "grand public".
Bref parce que j'avais dépensé 21 € je me suis forcée à le lire jusqu'au bout ce qui m'a pris un temps infini contrairement à l'habitude pour un livre de 300 pages.
Frankenstein à l’heure de Chat GPT
Dans son nouveau roman, Yannick Grannec imagine une scientifique atteinte d’une maladie qui lui fait perdre ses émotions, bien décidée à se battre. En se créant un assistant bourré d’intelligence artificielle, elle va tenter de conjurer le sort. Brillant !
Christa Cristofersson a un CV qui fait bien des envieux. Diplômée du MIT, cette ingénieure a créé WeCare, une société de biotechnologie qui attire les capitaux. Tout irait pour le mieux si, après un test génétique, elle n’avait découvert que Frida, sa mère, pensionnaire d'un centre médicalisé de Los Angeles, était atteinte d'une affection rare, la maladie de Damasio. Cette affection – inventée par l’autrice – supprime progressivement les émotions jusqu’à une absence totale d’affect pour qui que ce soit. La probabilité étant forte qu'à son tour, elle en soit affectée, elle décide de consulter Jonas Jerkins, dit JJ, un neurologue qui lui suggère de s’entourer. Pour elle qui s’est séparée de Tancrède et qui élève désormais seule ses jumeaux Cosmo et Sinclair, le défi est de taille. Surnommée «la reine des glaces» pour sa froideur, il va lui falloir se remettre totalement en question.
Le tout sans affoler Milton, son père, qui vit sur son bateau en baie de Sausalito avec sa compagne Joan, ni ses enfants et encore moins ses associés. Car il en va de la survie de l’entreprise.
Christa est une battante. Elle va chercher des réponses à ses questions existentielles: « Cette menace d'une terrible maladie n'avait pas entravé sa formidable pulsion de vie et elle lui avait déjà exposé son plan de bataille: elle cherchait à comprendre et à inventorier son système émotionnel pour le stimuler, JJ ne voyait pas exactement en quoi cette stratégie l’aiderait à lutter contre une neurodégénérescence, mais s’il existait ne serait-ce qu'un atome de solution dans l’infinie botte de foin de l'univers, Christa le trouverait.»
Elle se tourne vers son père et vers un amant, acteur de métier, qui pourrait lui expliquer comment il fait pour interpréter les émotions, comment il simule la peur, la tristesse, la douleur ou la colère. Elle consulte également toute la littérature sur le sujet, pour tenter de comprendre où se situe le siège de nos émotions, ce qu'elles mettent en branle dans notre cerveau. Un savoir scientifique qui l’entraîne vers un projet un peu fou, se créer un compagnon bourré d’intelligence artificielle. Andrew sera chargé d’entretenir ses émotions, de les stimuler, notamment en lui rappelant ses beaux souvenirs. De 2019 à 2099, le roman retrace cette quête entamée sous l’ère Trump et qui s’achève dans un monde transhumaniste. Voilà de quoi relancer le débat sur les limites des robots et sur les apprentis sorciers débordés par leur création.
Yannick Grannec, qui en est déjà à son quatrième roman, aime explorer des univers bien différents. Après La Déesse des petites victoires couronné par le Prix de Libraires en 2013, Le bal mécanique (2016) et Les simples (2019). Passant du moyen Âge au confins du XXIe siècle, la voici dans l’anticipation, revisitant Frankenstein à l’heure de Chat GPT. Fascinant et brillant !
https://urlz.fr/ozpo
Lorsque nous faisons la connaissance de Christa en 2019, elle a quarante-quatre ans, divorcée, deux adolescents – crispants - à la maison, un assistant virtuel à la Siri nommé Andrew qu'elle a entièrement codé. Elle dirige une start-up de la Silicon Valley, spécialisée dans les biotechnologies, qui investit d ans l'intelligence artificielle et plus particulièrement dans un système prédictif de captation des données biologiques. Et elle vient juste d'apprendre qu'elle est atteinte d'une maladie neurodégénérative - de pure invention - qui, lorsqu'elle s'exprimera, la privera de tout accès à ses émotions, la rendant insensible à tout ce qui l'entoure. Elle se lance à la recherche d'une thérapie lui permettant de rester elle-même.
Durant tout son roman, Yannick Grannec explore avec brio notre rapport aux émotions et sentiments, ainsi que la place qu'on leur donne dans nos sociétés de plus en connectées, auscultation d'autant plus intéressante que son héroïne est surnommée la « Reine des glaces » tellement elle s'est bâtie une carapace pour réussir dans un monde d'hommes, se méfiant de toute émotivité extravertie alors qu'intérieurement, elle bouillonne d'amour pour ses enfants ou de colère vis-à-vis de son ex-mari.
« Comment aurait-il pu faire comprendre à Christa la complexité de la question des affects en quelques mots ? Comment, sans en dénaturer la beauté, résumer ce grand ballet neurochimique ? Les sentiments donnaient au-dedans d'un être une représentation secrète ; les émotions, elles, s'offraient à la vue de tous en une chorégraphie continue de variations physiologiques et expressives, soumises à la musique des hormones et au tempo des viscères. Oui, aurait-il pu s'exalter, les affects étaient un spectacle si magnifiquement rodé ! Ça frétillait comme du Mozart, ça se déchainait comme du Wagner, ça pleurait comme du Mahler, et parfois … Et bien, parfois, ça merdait au niveau du cerveau. le cortex-chef d'orchestre prenait une pause syndicale ou la diva limbique avait ses vapeurs. »
La deuxième partie bascule dans une superbe ellipse temporelle qui projette la quête scientifique et intime de Christa en 2099, prenant un tour inattendu dont il ne faut rien dire de plus si ce n'est que l'I.A. a pris une place démesurée. J'ai particulièrement apprécié les références et résonances avec le Frankenstein de Mary Shelley autour de la question de l'acquisition ou pas d'une conscience par l'I.A. qui pourrait ou pas aimer au-delà de l'empathie artificielle pour laquelle elle serait programmée.
La lecture est intense, très exigeante avec ses passages très érudits sur la science et les biotechnologies ( la bibliographie finale est impressionnante ). Il m'a été impossible de gloutonner le livre comme à mon habitude et ai eu besoin de nombreuses pauses pour digérer son propos. Mon manque de culture scientifique n'a cependant pas été un frein pour apprécier ce texte foisonnant et déstabilisant. Je n'ai sans doute pas tout compris, mais je me suis sentie intellectuellement stimulée et ça fait du bien de lire une roman audacieux misant sur l'intelligence de ses lecteurs en proposant une réflexion aussi poussée ( et avec beaucoup d'humour ) sur la transformation de notre monde et son devenir, réflexion portée par un écriture de grande qualité qui aide à s'immerger ...
... jusqu'au dernier chapitre, juste sublime dans ce qu'il dit de déchirant sur le souvenir et la mémoire ainsi que sur l'émerveillement émotionnel qui serait encore possible dans une monde de plus en plus virtuel faisant doutant de la réalité de l'humanité de certains et ne plus douter de celle qu'auraient acquises d'autres sous-estimés.
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