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L'idée d'une étude sur les enfants abandonnés au Moyen Âge a quelque chose, à première vue, de marginal et de périphérique. De paradoxal, même, puisque, apparemment, la diffusion du christianisme aurait dû mettre fin à l'«exposition» des enfants, qui fait partie de la litanie classique des dépravations romaines. Pourtant, à suivre John Boswell dans son enquête presque policière, on s'aperçoit que ce thème, si présent dans l'imaginaire occidental, repose sur une réalité fondamentale aux sociétés prémodernes. Par sa massivité, d'abord, puisque, au XVIII? siècle encore, les rares données sûres indiquent jusqu'à trente pour cent d'abandons connus par rapport aux seules naissances enregistrées. Par l'ampleur aussi des problèmes sur lesquels débouche le phénomène : les arcanes de la vie familiale et les mille raisons d'abandonner ses enfants ; les tâtonnements de la démographie sans statistiques ; l'immensité des sources littéraires et théologiques et, pour finir - autre surprise de cette plongée pionnière -, l'effet pervers du développement des institutions de charité chrétiennes, hospices et Enfants trouvés. Car, de la fin de l'Empire romain jusqu'au XIII? siècle, on s'aperçoit que l'abandon des enfants a été un régulateur pathétique, mais doux, du développement démographique et des mécanismes secrets de la famille européenne. À partir de là, le règlement par l'Église de la vie domestique en a fait, en dispensant les inconnus de leur bon coeur, une technique de mise au rebut et un instrument tragique d'exclusion sans recours.
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