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« À première vue, la dépression ne semble pas favorable à la créativité puisqu'elle entraîne ralentissement des fonctions psychiques, apathie, désintérêt, troubles de concentration, inhibition, etc. Mais les liens entre la créativité et le spectre bipolaire ne peuvent se ramener à quelques considérations aussi simples et réductrices. Il suffit de considérer le nombre impressionnant d'oeuvres conçues dans une extrême fébrilité, parfois sous influence et avec une rapidité phénoménale par des maniaques, ou au contraire conçue par des dépressifs tout aussi notoires, des dépressifs unipolaires par exemple, pour être ramené à une vision plus nuancée. [...] Puis il faut prendre conscience que chaque pôle a ses facteurs favorables qui permettent de contrebalancer les effets négatifs de l'autre pôle. La dépression par exemple, de même que la normothymie, permet aux artistes de corriger les excès de la phase maniaque, d'où un gain considérable de la valeur de l'oeuvre par le recul, la distance, la réflexion, l'autocritique, la pondération des idées, l'apport de compléments, tous facteurs qui engendrent un meilleur équilibre, une plus grande profondeur, une amélioration des structures, qui sont souvent les premières à faire les frais de la fébrilité maniaque, ainsi que la possibilité et la décision éventuelle, due au doute, de recourir à un « oeil extérieur » ou tout au moins à des comparaisons très profitables. Les événements de la vie sont très importants dans le développement des troubles bipolaires. Il est avéré que l'existence des créateurs est souvent mouvementée, rythmée par des souffrances notamment dans l'enfance, des voyages et l'instabilité. Beaucoup ont eu des parents manifestant des troubles de l'humeur et connu la dépendance des drogues. Cependant la souffrance psychique générée par cette maladie ne devrait plus occulter de nos jours chez ceux qui en sont victimes l'immense richesse que peut apporter à la personnalité ce qu'on a pris l'habitude d'appeler le côté "soleil" de cette affection. Car les bipolaires ne sont pas que victimes de leur maladie, ils ne font pas qu'en souffrir : quelles que soient chez eux les interactions entre la créativité et la maladie, il est reconnu aujourd'hui qu'ils possèdent souvent à un degré supérieur aux autres les dons merveilleux de sensibilité, d'originalité, d'inventivité, d'inspiration et d'imagination. Les 204 personnalités mentionnées dans ce livre en sont l'irréfutable preuve. » Comment la bipolarité et ses troubles se sont-ils manifestés dans la vie et l'oeuvre de grands écrivains ? A posteriori et à l'aune des avancées médicales sur cette maladie, comment relire les écrits et les trajectoires de ces femmes et hommes ? Combinant immersion dans les textes littéraires et enquête sur le quotidien souvent tourmenté de créatrices et créateurs aux prises avec cette pathologie - sans omettre toute la portée filiale de celle-ci -, François Buhler compose un essai biobliographique aussi accessible qu'intelligent, aussi éclairant que passionnant.
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