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Apnée, le dernier livre de René-Nicolas Ehni, offre la clef d'une oeuvre débutée dans les années soixante. Le livre s'ouvre par un retour au pays natal, le Sundgau, en Alsace. C'est là que l'écrivain a passé son enfance, sur une terre défigurée par deux guerres mondiales, hantée par la mort et située à la frontière de la France et de l'Allemagne. La langue de René Ehni porte la trace de ces recouvrements successifs et chatoyants entre le français, l'allemand et l'alsacien. C'est là aussi qu'il trouve ses origines dans une double ascendance catholique et juive. Sont évoqués, entre autres thèmes : ses ascendants juifs alsaciens, la région de Belfort ponctuée de monuments aux morts, l'apprentissage enfant du français, ses débuts littéraires à Paris à la fin des années soixante, le lien à son éditeur, sa participation aux mouvements régionalistes dans les années soixante-dix, ses années d'amitié avec Maurice Béjart, sa lecture du Pater Noster, les rites et les prières des morts, les saints patrons alsaciens. A l'occasion de ce retour aux sources, l'auteur revisite aussi son oeuvre depuis ses premiers succès des années soixante et soixante-dix : La gloire du vaurien (1964 ou 68), Babylone vous y étiez, nue parmi les bananiers (1971), Pintades (1974). Ces succès précoces qui firent de lui la coqueluche de Saint-Germain des Prés. Mais surtout René Ehni se retourne tout naturellement vers la figure de son éditeur et ami, Christian Bourgois, pour éclairer plus profondément encore le sens d'une vie consacrée aux livres fondamentaux, ceux qui interrogent la vie et lui donnent un sens.
Ce livre est aussi un tombeau à l'ami mort, que l'auteur a pour obligation d'accompagner jusqu'au lieu où repose ses cendres et où commence sa vie dans l'au de-là. Le texte est court, mené tambour battant par un auteur septuagénaire qui reconsidère le chemin parcouru (Paris, l'Alsace, Rome, l'Europe centrale, le Mont Athos, la Crète où il a installé sa famille). Ce qui domine dans ces pages - qui ne relatent pas chronologiquement l'histoire d'une vie mais rassemblent une série d'évocations fulgurantes - c'est la passion de l'écriture, la religion de l'amitié, la quête du divin. De là, une série de conversions qui rattachent René Ehni à la fois aux religions juive, catholique et orthodoxe. L'oeuvre comme la vie conduisent de l'obscurité vers la lumière. C'est le sens que René Enhi donne à sa vie, lui qui a vécu enfant puis jeune soldat au contact direct de la mort, que ce soit durant la Seconde guerre mondiale en Alsace ou lors de la Guerre d'Algérie. Pour l'auteur, écrire est l'aventure d'une vie qui est dominée par le voyage, la foi et l'amitié. Le livre rappelle que les vivants ont pour obligation d'accompagner les morts au moment de leur passage dans l'au-delà.
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