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Péguy le mécontemporain (Alain Finkielkraut, 1991), Péguy l'insurgé (Jean Bastaire, 1975), Péguy l'inchrétien (id., 1991), « Péguy philosophe » (Emmanuel Mounier, 1930) : autant d'essais sur Péguy, autant de visages différents. Péguy l'inclassable, assurément (Géraldi Leroy, 2014). Toujours actuel et éclairant à travers les changements de notre société !
Les Cahiers de la Quinzaine restent le modèle indépassable d'une grande revue d'idées : « Je révèle ici un secret de ma gérance, écrivait Péguy : tous les cahiers sont faits pour mécontenter un tiers au moins de la clientèle. Mécontenter, c'est-à-dire heurter, remuer, faire travailler. » Paul Decottignies nous donne accès à l'ensemble d'une oeuvre très vaste et variée, souvent invoquée mais mal connue. Il nous révèle un esprit visionnaire et un maître de liberté, mais aussi un écrivain brillant autant qu'insolent.
« Pour la première fois dans l'histoire du monde l'argent est le maître du curé comme il est le maître du philosophe. [...] Et il est le maître de l'État comme il est le maître de l'école. Et il est le maître du public comme il est le maître du privé. » À l'aube du XXe siècle, quel philosophe, quel écrivain a mieux senti que Péguy ce qui allait se jouer ?
Et sur lui pourtant que d'idées fausses ! Péguy le catholique : mais il se maria civilement, ne fit pas baptiser ses enfants et la presse catholique l'avait en horreur ! Péguy le conservateur : mais il fut socialiste toute sa vie, et avec quelle ardeur ! Péguy l'intellectuel : mais, resté profondément provincial, il vomissait l'intelligentsia parisienne. À qui le comparer sinon à un Pasolini, pétri lui aussi de paradoxes, poly-graphe et militant, scandaleux et assoiffé de vérité !
« Un petit homme brusque et pressé, toujours pressé [...], le regard tendu de bas en haut, comme un taureau [...], le souffle court et le parler égal, pressé et saccadé [...]. C'était un homme à congestions. » C'est ainsi que le décrit Romain Rolland. La vie de Péguy semble faite tout entière d'étapes successives et contra-dictoires : « L'homme qui veut demeurer fidèle à la vérité doit se faire incessamment infidèle à toutes les inces-santes, successives, infatigables renaissantes erreurs. ».
Découvrir Péguy dans sa profonde fidélité comme dans ses impatiences, tel est l'objet de cet Ainsi parlait Péguy. Nul auteur pour lequel l'approche originale de cette collection se révèle aussi efficace. Faire découvrir « Péguy l'hérétique » (titre de sa préface), telle est ici la réussite de Paul Decottignies.
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