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Du café des Arts à l'Olympia, des faubourgs de Paris au «pays du Soleil-Levant», de la chansonnette à Colette, de la gouaille à Dieu, elle a poussé la ritournelle, occupé les planches, multiplié les bons mots et les succès. Sourire coquin, regard câlin, parlé, traînant comme un air de Bruant, Odette Laure est devenue une des figures familières, presque amicales, de notre petit écran. À quatre-vingt ans, cette mamie pétroleuse pose le micro, regarde derrière le rideau, se plante en coulisses et raconte sa vie. Celle d'une enfant d'un Paris disparu qui a traversé le siècle avec l'art de la pirouette. Née à Belleville dans le «café liquoriste des Arts, salons pour noces et banquets» que tiennent ses parents, elle s'est élevée - dans tous les sens du terme - au milieu des clients. Du haut de sa petite taille, elle s'attache au peuple laborieux de la capitale : les artisans talentueux, les joueurs de belote, les marlous comme les filles de petite vertu. Autant de personnages truculents qui seront son premier public. Après l'école des soeurs, lorsque vient le moment de faire sérieux dans la vie, elle décide de chanter. «C'est pas un boulot pour les gens de la famille» rétorquent ses géniteurs. Heureusement un radio-crochet fait en cachette et un premier prix changent son destin. Le music-hall ouvre ses portes, Édith Piaf, Suzy Solidor et Arletty leur coeur. Tour de chant, tour du monde, succès et cinéma avec les grands, de Jean Gabin à Dirk Bogarde. Mais un jour, soudainement, tout s'arrête. Reconversion, révélation, élévation. Et la roue qui tourne revient à la case chance : théâtre, télé, triomphe, c'est reparti ! En somme, une existence bien remplie, avec ses plaisirs et ses tromperies, ses tracas et ses travers, ses espoirs et ses désillusions. Elle chantait : Lucrèce Borgia, mais ses amours l'ont trahie. Elle fredonnait : Zizi la torpille c'est moi, mais son humour a des larmes dans la voix. Elle susurrait : «J'sais pas c'qui se passe, dans ma p'tite tête, des fois j'ai des drôles d'idées.» Des idées sur la vie, la mort, le paradis, son ange gardien, tous ceux qu'elle a connus. Elle concluait : «À l'enterrement d'mes illusions, qu'est-ce qu'il y a eu comme monde.» Un monde auquel, aujourd'hui, elle s'adresse avec humour et tendresse.
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