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And the winner is... enfin ze winner, on se demande bien ce qu'Emmanuel Wynne, fringant, féroce et frénétiquement glamour héritier d'une dynastie capitaliste française vieillie en fût de chêne et mûrie dans le respect des valeurs mais businessman décomplexé, ayant tâté de tout ce qui rapporte, du sexe au jeu, peut avoir gagné à se retrouver dans une geôle bétonnée, nu comme un ver, amarré à une chaîne, nourri à ras le ciment de rogatons graisseux, abruti à plein temps par un poste de télé débitant du X, de la pop ou des jeux et surtout, surtout, matonné à mort par un quidam rigolard masqué de carton, aux allures d'extraterrestre roswellien. Bientôt on l'astreint à un entretien d'embauche en boucle pour une société conceptrice de tours en sucre, on lui fait ensuite remplir des boîtes de sucre à cadences de plus en plus soutenues. Le week-end, on le distrait. Bref, Wynne est mis en scène dans ce qui apparaît de plus en plus comme une parodie cynique et absurde de la vie du prolétaire moderne, de ceux dont il a tiré le meilleur parti. De fait, « Il ne se passait jamais rien. Il n'y avait jamais aucune surprise, bonne ou mauvaise. Le lendemain s'agglutinait à la veille pour former, jour après jour, une énorme boule d'ennui et de frustration. » N'était Garance, de tatouages couverte, qui surgit et transfigure ce quotidien carcéral avant de s'évanouir. Alors le comble du désespoir est atteint. Retour à la case cafard. Pour toujours ? Pour encore quelques boîtes de sucre ? Y a-t-il une morale à la fable de ce premier roman, qui tient de Saw et de L'Homme révolté, du torture-porn et de Pierre Bourdieu ? Peut-être celle-ci : il faut que tout change afin que rien ne change.
" J'estimais les dimensions de ma prison à sept mètres de large sur un peu plus de long et trois mètres sous plafond. Environ cent quarante-sept mètres cubes. Cinquante mètres carrés. Une cave ou un bunker enfoui sous le terrain d'un cinglé se préparant à l'apocalypse. De quoi aménager un souple de rêve pour une petite famille parisienne. ( ...)
Je pouvais être n'importe où sur terre. "
Emmanuel Wynne, la quatrième fortune de France a été enlevé par un mec déguisé en Roswell. Il se retrouve nu et enchaîné dans une pièce sombre, froide et insalubre. Privé de sa liberté et de sa dignité, son calvaire commence
" Son intention était claire. Il voulait me briser. Exploiter le froid, la fatigue, la faim, pour faire de moi son chien. "
Cet enlèvement est on ne peut plus étrange, pas de demande de rançon malgré la fortune du kidnappé. Le ravisseur évoque "une expérience"
" À chaque nouvelle conjecture, je sombrais un peu plus dans la folie."
" Une expérience " que je vous invite à découvrir car je suis sûre que vous en rêvez tous. Pas d'être enfermé et privé vous aussi de votre liberté et de votre confort, mais de laisser votre place aux grosses fortunes pour qu'elles comprennent enfin comme c'est indécent de nous balancer à la face leurs salaires monstrueux. Comment c'est de bosser 10 h par jour pour un salaire de misère, leur faire connaître le dur labeur des salariés exploités et malmenés. Les priver de leur confort et tous leurs avantages ne serait-ce qu'une semaine. Oui, mettre en marche la révolte de la classe moyenne.
À travers ce roman noir cynique, on découvre une véritable satyre sociale, une vision absurde et caustique de l'entreprise. Une plume féroce, admirable, réaliste, sans concession. Une fable moderne du monde actuel, qui fera grincer les dents longues et fantasmer les petites gens. Si seulement cela était possible de réveiller les consciences afin que justement tout change.
Afin que rien ne change, une plume grinçante, un scénario inventif, un récit qui sonne vrai et m'a captivé jusqu'au final.
Une très belle découverte de la rentrée littéraire.
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