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Florent Bloch est un galeriste parisien de renom, manchot, insouciant, qui a mis son passé d'ancien combattant de la Grande Guerre sous le tapis. La guerre vient le rattraper le 16 juillet 1942, avec la promesse de mener sa famille vers un avenir incertain. Mais une vieille camaraderie issue de 14-18 va venir les sauver in extremis de la « Rafle ». Il s'agit d'anciens « nettoyeurs de tranchées », qui composaient une escouade de tueurs en uniformes, sans scrupules, sous les ordres du jeune lieutenant Bloch.
Les survivants de l'escouade vont tenter d'exfiltrer Florent Bloch au moyen de faux papiers et d'un visa de complaisance, en Espagne via la ligne de démarcation, puis vers un continent présumé en paix. Ce serait faire abstraction de la Gestapo française - dite « la Carlingue » - qui va se mettre en chasse, car elle croit le galeriste manchot porteur d'un secret, avec à la clef un trésor, qui attise toutes les convoitises. Un périple sanglant va jalonner son « road-trip » : il sera traqué par des tueurs nazis en zone libre puis à Barcelone, à Valence et à Séville.
C'est à proximité de la capitale andalouse qu'une légende née dans la boue du « no man's land » en 1916, pleine de surnaturel, que l'on croyait morte et enterrée, va s'inviter pour mettre un terme final à la course-poursuite.
Dès le début de ce récit, sans avoir relu la quatrième de couverture, j'ai été grandement étonné par le ton ironique, sans concession, pour traiter de sujets et d'une période monstrueuse et dramatique, la Rafle du Vel d'Hiv en ouverture...
Florent Bloch en grande tenue de zouave, manchot, galériste parisien élégant et un peu barré, accueille vertement les policiers français venus l'arrêter avec sa famille chez lui. Le ton est donné, il ne plie pas, il analyse frontalement ce qui est en train d'arriver, il se permet d'être méprisant et de faire de l'humour.
On pense : " il est fou, il est suicidaire ; à cause de sa forfanterie, il met sa femme et sa fille encore plus en danger. À moins que ce ne soit le dernier acte de panache du condamné..."
Et puis... la stupeur : on a cru lire une histoire mais l'auteur a choisi de nous en raconter une toute autre, incroyable, un road-trip nerveux, effréné afin d'échapper aux tueurs mandatés par la Carlingue, nom donné à la Gestapo française. Organisée, celle-ci a des ramifications multiples dans toute la France en zone occupée mais aussi en zone libre et à l'étranger.
Grâce à trois amis qui furent, sous ses ordres, nettoyeurs dans les tranchées de la première guerre mondiale, je nomme Aspi le chasseur, Bordier du Génie et Matteotti de la Légion étrangère, la famille est pour le moment sauvée. Direction le village auvergnat de Bordier où le récit se teinte de légendes, où les monstres réapparaissent, où les ogres se réveillent.
Les sbires de la Carlingue les pistent, il faut repartir vite, fuir, décider d'une destination, obtenir des papiers, des autorisations de circuler et des visas. Il faut de l'argent, des véhicules, des points de chute jusqu'à rejoindre... l'Espagne. C'est alors que Bordier révèle un secret incroyable à son camarade Florent....
La course poursuite reprend, les morts s'accumulent, la tragédie frappe encore et encore et cependant, Philippe Fenollosa par son ton très singulier fait de gravité et d'humour forcené, usant parfaitement des ruptures de styles, de retournements dramatiques à peine imaginables, réussit à faire peser sur nos épaules le poids de l'inéluctabilité du destin, de l'absurdité des guerres tout en nous faisant frémir, sourire, pleurer. Nous aussi, à l'instar du héros, avons soudain envie de crier que ça suffit, que nous ne sommes pas des moutons à l'abattoir.
Il faut se méfier de ceux qui semblent inoffensifs, légers, faibles. Ne jamais réveiller l'eau qui dort, le volcan soit disant éteint, les ombres maléfiques prétendument enfermées dans les livres de conte ou piégées dans nos cauchemars...
Un roman historique épique, passionnant sous cette forme de long voyage de Paris jusqu'au Portugal via Barcelone, Valencia et Séville, dans une Espagne franquiste au sortir de trois ans de guerre civile, où les juifs ne sont pourtant pas inquiétés malgré le pacte entre le Caudillo et Hitler.
Ce héros hors du commun paraissant de prime abord si peu dangereux, de tous les protagonistes de ce sauvetage désespéré.
Peut-on imaginer que seulement vingt ans séparent les deux guerres mondiales ?! Peut-on, par simple effort d'empathie, se mettre un peu à la place de celles et ceux qui ont affronté ces deux épreuves ?
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