80 ans après, il est toujours essentiel de faire comprendre cet événement aux plus jeunes
C'est lorsqu'Abel Ferrara vient présenter Bad Lieutenant au Festival de Cannes en 1992 qu'il acquiert sa notoriété sulfureuse de provocateur. On peut situer l'oeuvre de ce cinéaste culte au carrefour du cinéma d'auteur, de la production industrielle et de la contre-culture underground. Il débute à New York à la fin des années 70 dans le cinéma de genre, part à Hollywood réaliser des séries télé, puis alterne des films en tant que réalisateur indépendant et productions de studio depuis les années 90. Abel Ferrara poursuit aujourd'hui le programme que Rossellini s'était fixé : rendre compte du mal dans le monde contemporain. Il explore les puissances du cinéma dans la lignée de cinéastes comme Cassavetes, Pasolini ou Fassbinder. Qui pourrait mieux remettre à l'ordre du jour les vieilles questions de la croyance, de la justice ou de l'amour, sinon ses personnages de criminel mélancolique, policier paranoïaque ou vampire drogué, interprétés par des icônes tels Harvey Keitel, Christopher Walken, Willem Dafoe, Madonna, Juliette Binoche ou encore Asia Argento ? A travers des films comme King of New York, Snake Eyes, Body Snatchers, Nos funérailles ou Mary, il travaille le récit cinématographique comme un pamphlet sur la société américaine dans ses côtés les plus obscurs. Il filme comment la politique, l'économie, la maladie mentale affectent le corps-même des individus, drogués, alcooliques, en proie à la fureur, à la douleur, en quête d'un projet sublime qui les tue. Plutôt tout détruire que se résigner, plutôt mourir que se réconcilier. Entre hurlement enragé et amour fou, l'oeuvre de Ferrara porte la marque des plus grands qui ouvre sur une vision critique du monde.
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