Inspirée d’une histoire vraie, cette BD apporte des conseils et des solutions pour sortir de l'isolement
À Managua, l'inspecteur Dolores Morales, flanqué du fantôme sarcastique de son ami Lord Dixon, ne se reconnaît plus dans sa ville plantée d'arbres de vie gigantesques en métal de couleur et censés attirer l'énergie cosmique, comme le croit la femme du président. Les étudiants non plus ne sont pas d'accord quand on veut en placer dans tous les lycées et les universités, et ils le crient dans la rue. Tout dégénère et le pouvoir arme des milices. L'inspecteur remarque l'activité étrange du «Masque» qui signe des révélations étonnantes sur Twitter, et, recherché par le chef des services secrets, il trouve refuge chez un curé hors norme.
Le président a construit son pouvoir sur les fake news, tant il est vrai que, si on le répète suffisamment, un mensonge devient la réalité. Tout un groupe de gens allant de l'ex-femme de ménage spécialiste des réseaux sociaux au clochard du Marché oriental en passant par la sacristaine de l'église vont s'unir dans une enquête surprenante.
Ce roman, qui s'avère être un reportage du réel mêlé au pouvoir de la fiction et à l'humour du désespoir, sera publié et vendu au Nicaragua jusqu'au moment où un cadre du gouvernement se rendra compte qu'il constitue un témoignage implacable sur le massacre de 300 étudiants désarmés. L'auteur Sergio Ramírez a été condamné à l'exil et déchu de sa nationalité.
Grâce au roman de Sergio Ramirez, paru chez les Editions Métailié, je visite un pays encore vierge en ce qui concerne mon champ de lecture : le Nicaragua. J'avoue que c'est l'un des pays de l'Amérique latine que j'avais du mal à placer sur une carte, imbriqué entre le Honduras au nord et le Costa Rica au Sud, en Amérique centrale. Et, pareillement, pour l'auteur du roman, Sergio Ramírez : c'est une première rencontre avec cet homme qui porte plusieurs autres casquettes que celle d'écrivain. Celles de Journaliste et homme d'état. Actif dans la vie politique de son pays, il vit en Espagne après été l'objet d'un mandat d'arrêt au Nicaragua pour s'être simplement opposé au régime de son pays qu'il a qualifié de dictatorial. Il a été déchu de sa nationalité depuis et c'est la corruption de son ancien pays qu'il s'attache à décrire, entre réalisme, sarcasmes et amertume, dans ce roman aussi bouillonnant et animé que la société qu'il explore à travers les péripéties de ses personnages.
Ce titre vient à la suite des deux autres titres publiés précédemment chez Métailié, Il pleut sur Managua et Retour à Managua, et prend pour personnage principal l'inspecteur Dolores Morales. Quelques pages précèdent l'histoire et récapitulent, selon le modèle d'une page Wikipédia mais totalement fictive, la vie et les exploits de l'inspecteur lors des deux tomes précédents. Ces pages ne sont, en effet, pas inutiles pour le lecteur, qui comme moi, prendrait l'histoire à ce tome-là, elles résument l'histoire du pays, constituées de dictatures, de révolutions, qui se succèdent et qui n'en finissent pas si l'on considère la situation actuelle de l'auteur. Ces précisions préliminaires sont essentielles à la compréhension du texte, notamment en ce qui concerne la situation de Morales et son complice en début d'histoire.
Car il faut d'abord comprendre la raison pour laquelle Morales l'estropié et Rambo son complice, autrement renommé Serafin, se retrouvent en tout début de récit en bien fâcheuse posture, expulsés au Honduras, tentant de revenir dans la capitale du Nicaragua. On lit en alternance le récit du commissaire Anastasio Prado, dit Tongolele, dont la mère a de fortes accointances avec le pouvoir, et qui a réussi à imposer ses arbres magiques, aussi énergivores qu'inutiles, dans les établissements scolaires et universitaires, ce qui donne lieu à des manifestations pacifiques de la part des étudiants. Et au milieu de tout cela, un mystérieux individu qui se fait appeler le Masque poste sur Twitter toutes les petites manipulations en sous-main des forces de police et autres attachés au gouvernement. Il n'en faut pas plus qu'une dizaine de pages pour tomber sur le premier mort, tué par balle, d'une série sans fin : même si le taux de criminalité reste inférieur à ceux de ses voisins, le pays reste le plus pauvre d'Amérique Centrale, son instabilité politique en relation aux troubles sociaux et ses difficultés économiques favorisent la criminalité latente. Sergio Perez s'appuie sur tous ces éléments pour illustrer la violence et la corruption qui minent son pays et l'empêchent de sortir hors de l'eau. Un monde poisseux où les paramilitaires mènent la danse au rythme des rafales des armes à feu de tout calibre, celui d'une société qui a perdu tout sens moral et tout repère : c'est exactement ce point là qui a été le maître mot de ma lecture, un peu chaotique parfois, perdue entre les surnoms et les identités de chacun, leur fonction actuelle et passée, leur place et non-place dans une société où tout est dévoyé.
Perdue entre le chaos des uns et des autres, Sergio Ramirez mène son récit à souffle coupé, quand bien même l'histoire se divise en chapitres, tout s'enchaîne dans un élan intarissable, et de façon exponentielle, jusqu'à l'acmé, l'explosion finale, la révolution des étudiants contre l'ordre en place dans une capitale en ébullition, qui laisse voir le pacifisme des manifestations réprimées furieusement par les forces armées. Morales d'un côté qui ne cherche qu'à revoir Fanny, sa compagne, dont son opposition aux forces au pouvoir, une sorte de double de Sergio Ramirez, l'ont jeté dans l'opprobre et l'illégalité, Tongolele de l'autre qui cherche à davantage asseoir son autorité, ses appétences de pouvoir en essayant d'accomplir ce qu'il pense que le gouvernement attend de lui : réprimer les opposants, et se servir, au passage, dans la soupe. Mais la société nicaraguayenne étant ce qu'elle est, et le gouvernement composé de fruits pourris jusqu'au trognon, les véreux n'attendent qu'une chose, prendre la place de Tongolele. Aucune place pour l'ordre et la loi dans ce texte, où même les hommes d'églises font les frais des accès délirants d'omnipotence des uns et des autres.
Malgré la gravité de la situation nicaraguayenne, l'auteur a souvent le bon mot d'où nait le rire ou le sourire, à commencer par Dolorès, je le disais plus haut. Les échanges sont bien souvent justement drôles, cela dédramatise la violence de la vie (...)
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