Inspirée d’une histoire vraie, cette BD apporte des conseils et des solutions pour sortir de l'isolement
La prise de la Bastille est l'un des évènements les plus célèbres de tous les temps. On nous récite son histoire telle qu'elle fut écrite par les notables, depuis l'Hôtel de ville, du point de vue de ceux qui n'y étaient pas. 14 Juillet raconte l'histoire de ceux qui y étaient. Un livre ardent et épiphanique, où notre fête nationale retrouve sa grandeur tumultueuse.
Même si on s'y perd parfois un peu dans ce tourbillon de noms, l'impression d'être à côté des insurgés est très réussie.
J'ai écouté « 14 juillet » aux éditions Le livre qui parle (2017). 1 CD mp3 (durée : 4h23mn ) lu par Marc Hamon.
Le ton grave et lent choisi pour la lecture de ce livre sur un événement majeur de l'Histoire de France convient tout à fait.
La prise de la Bastille vu du côté du peuple. Un véritable cri de révolte. On s'y croirait. Bravo à Eric Vuillard pour cette performance littéraire !
200 pages flamboyantes qui retracent la lente montée d'une Révolution larvée.
28 avril 1789, la "folie Titon" (manufacture de papiers-peint) est mise à sac après qu'on eu annoncé aux ouvriers une baisse de leur salaire.
Le peuple de Paris rumine, se morfond, grogne et envahit les rues pour "renverser la Bastille" .
La journée du 14 juillet comme un point d'orgue.
Le défi littéraire est immense. Comment relater au plus juste cette journée symbolique, grâvée dans les mémoires de France ? Comment ne pas "écrire petit" face à l'immensité de la tâche ?
Eric Vuillard signe là une "pépite". Il prend le lecteur par la main et lui présente Pierre, Jean, Mercier, Meunier, Godailler, Lesaulnier et... tant d'autres.De jeunes gars du peuple, débarqués de leur province avec leur accent et leur énergie , à la recherche d'une vie meileure et d'un avenir heureux.
C'est là la très grande force du roman. Nous sommes embarqués aux côtés de ces anonymes aux vies simples qui vont converger vers la Bastille car... Paris veut tout renverser, faire table rase.
Un court roman qui vous laissera axphyxié et heureux d'avoir croisé quelques brefs instants la vie d'anonymes.
Un très, très grand moment de lecture !
Mirabeau, Danton, Robespierre, Saint-Just, Desmoulins... dès que l'on évoque la Révolution de 1789, ce sont ces noms-là, ces personnages-là qui nous viennent à l'esprit. Mais les autres ? Tous les autres ? Le peuple de Paris qui ce 14 juillet 1789 s'est soulevé et a défié toutes les lois de "droit divin" ? Qui les connaît ? Qui s'en souvient ? Dans quelles limbes de l 'Histoire sont-ils tombés ? Eric Vuillard, dans ce récit formidable, les fait renaître. Pour quelques jours, pour quelques instants, souvent ceux qui précèdent leur mort, ils occupent le rôle et la place qui furent les leurs. Oui, Eric Vuillard nomme quelques figures de cette foule anonyme qui a pris la Bastille. Dans le tableau vivant qu'il brosse tumultueusement, les évènements s'enchaînent ou se superposent avec cette même confusion qu'ont dû ressentir Louis, Lisette, Guillaume, Michel, Stanislas, Manon, Suzanne, Louise, Marie, Jeanne...
De l'ouverture des états généraux en avril jusqu'à ce jour d'émeute de juillet, chacun agit en une constellation d'actes minuscules, de ces détails qui déterminent les destins individuels et collectifs. Le tableau s'anime par les mots, par leur force et nous sommes immergés dans cette atmosphère qui sent la poudre et le sang. A leur tour, les personnages que l'Histoire a figés en leur posture rentrent dans l'ombre et ce sont les "gens de peu" qui apparaissent en pleine lumière. Leurs idéaux sont prosaïques, ordinaires et admirables d'humanité : du pain, du travail, la dignité.
Au fil de la lecture, les émotions se bousculent, se chevauchent au rythme rapide de la narration. J'ai été emportée par la fougue de l'élan, par l'impétuosité des acteurs de cette journée turbulente. Mais le récit s'attarde aussi sur les individus, détaillant leur rôle, leur rendant une identité et une existence. Il y a quelque chose de profondément émouvant dans cette démarche qui nous fait ressentir, comme jamais lors des cours d'histoire, les enjeux humains de la prise de la Bastille. Un magnifique ouvrage !
Sur la jaquette de "14 Juillet", Eric Vuillard fait sortir de l'ombre un personnage secondaire, à peine discernable, du célèbre tableau de Delacroix " La Liberté guidant le peuple ". C’est l'un des héros anonymes des barricades de 1830. L'intention de son récit est déjà là. L'auteur veut redonner leur identité aux assiégeants de la Bastille. Il a retrouvé leurs noms, parfois leurs professions ou leurs origines. L'Histoire officielle les a délaissés au profit des parlementaires qui ont négocié en vain la reddition de la forteresse-prison symbole de l'arbitraire royal. Les vrais vainqueurs se trouvent dans cette "multitude tumultueuse" hétéroclite et bigarrée formée de gardes-françaises, de bourgeois et d'une grande majorité de «gens de métier» issus des faubourgs. Mal armés, affamés, inexpérimentés, sans chef, ils ne suivent que leur cœur. Ils se battent pour l'égalité et la liberté. Vuillard nous fait partager sa sympathie pour ces hommes et ces femmes du peuple, mal fagotés, jurant, vociférant et insultant leurs adversaires. Il les décrit en usant un vocabulaire familier mêlé d'argot. En quelques mots l'auteur narre leurs actions, des plus cocasses aux plus tragiques : Béziers le cordonnier joue les funambules sur une planche au-dessus du fossé pour saisir un message des assiégés, Sagault le batteur d'or agonise longuement dans sa vieille blouse d'artisan au pied de la muraille, Humbert l'horloger gravit en premier toutes les marches et se retrouve tout seul en haut des remparts face à un Garde Suisse. Eric Vuillard organise son récit à la manière d'un cinéaste. Après quelques plans larges rassemblant de nombreux figurants, il zoome sur des personnages en pleine action. Son talent de romancier lui permet de combler les lacunes des récits des patriotes trouvés dans les archives, d'établir un lien entre eux, d'attribuer une psychologie vraisemblable aux protagonistes et d'imaginer avec beaucoup d'humanité leurs rêves et leurs espoirs. Pour moi, le 14 juillet 1789 était la date fondatrice de la Révolution Française, mais l'insurrection demeurait abstraite d'autant que la Bastille avait été rasée. L'auteur, en me faisant vivre de l'intérieur la victoire des émeutiers parisiens, me donne l'impression d'avoir été un des leurs.
Nous sommes en avril 1789, Jean-Baptiste Réveillon, roi du papier peint, a une idée lumineuse :
« Il emploie plus de trois cents personnes dans sa fabrique, rue de Montreuil. Dans un moment de décontraction et de franc-parler stupéfiant, il affirme que les ouvriers peuvent bien vivre avec quinze sol par jour au lieu de vingt, que certains ont déjà la montre dans le gousset et seront bientôt pus riches que lui Réveillon est le roi du papier peint, il en exporte dans le monde entier, mais la concurrence est vive ; il voudrait que sa main-d’œuvre lui coûte moins cher. »
Ce fut le début. La petite folie du sieur Réveillon sera détruite
« Le soir, on parvient à forcer l’entrée de la folie Titon. C’est la revanche de la sueur sur la treille, la revanche du tringlot sur les anges joufflus. La voilà la folie, la folie Titon, là où le travail se change en or, là où la vie rincée mute en sucrerie, là où tout le turbin des hommes, quotidien, pénible, là où toute la saleté, les maladies, l’aboi, les enfants morts, les dents pourries, les cheveux filasses, les durillons, les inquiétudes de toute l’âme, le mutisme effrayant de l’humanité, tous les monotonies, les routines mortifiantes, les puces, les gales, les mains rôties sur les chaudières, les yeux qui suivent dans l’ombre, les peines, les écorchures, le nique de l’insomnie, le niaque de la crevure , se changent en miel, en chants, en tableautins. »
Tout au long du livre Eric Vuillard prend fait et cause pour les insoumis, les pauvres, les travailleurs, les petites gens, ceux qui sont juste un cran au-dessus, mais si peu. Il prend soin de les nommer, de nous parler de leurs vies. Ces petites gens qui croulent sous le travail, les dettes, se soûlent de mauvais vin, il les magnifie, il leur enlève leur anonymat, à l’inverse d’un Michelet qui ne parle que des grands hommes.
« Michelet sépare le peuple, l’immense masse noire qui avance depuis le faubourg Saint-Antoine, de son représentant, qui devient le véritable protagoniste de l’Histoire. »
« Qu’est-ce qu’une foule ? Personne ne veut le dire. Une mauvaise liste, dressée plus tard, permet déjà d’affirmer ceci. Ce jour-là à la Bastille, il y a Adam né en Côte-d’Or, il y a Aumassip, marchand de bestiaux, né à Saint-Front-de-Périgueux, il y a Béchamp, cordonnier, Bersin, ouvrier du tabac, Bertheliez, journalier venu du Jura, Besou dont on ne sait rien, Bizon, charpentier, Mammès Blanchot, dont ne sais rien non plus, à part ce joli nom qu’il a et qui semble un mélange d’Egypte et de purin. »
L’auteur raconte l’exubérance, telle une liane de la ville de Paris dont chaque carte est obsolète avant sa parution. Paris qui est à la fois une dame du monde et une gueuse, une royaliste et une révolutionnaire, bref, une ville très vivante.
« Les rues se prolongent, les vieilles maisons sont démolies, et la ville continue de ‘étaler sans cesse, lascive, concupiscente. »
Eric Vuillard, est également cinéaste et cela se sent dans son écriture très visuelle. J’ai vu avancer, grossir la foule armée de peu, j’ai vu tomber les premiers corps, j’ai senti la peur, la grosse trouille mais aussi la folie qui s’est emparée de tous ces anonymes. J’ai vu les survivants chercher les corps, pleurer les femmes
La force de ce livre, outre l’écriture ? faire réfléchir… Toute ressemblance avec les évènements actuels pourrait ne pas être fortuit, comme l’enrichissement brutal, pas toujours légal et ou décent, la morgue des « puissants »…
Eric Vuillard nous le dit :
« On devrait, lorsque le cœur nous soulève, lorsque l’ordre nous envenime, que le désarroi nous suffoque, forcer les portes de nos Elysées dérisoires, là où les derniers liens achèvent de pourrir et chouraver les maroquins, chatouiller les huissiers, mordre les pieds de chaise, et chercher, la nuit, sous les cuirasses, la lumière comme un souvenir. »
Coup de cœur
S’appuyant sur les archives, Éric Vuillard a réussi un livre aussi important que nécessaire sur ce fameux 14 Juillet 1789 qui a tant marqué notre histoire, démontrant que les événements ayant permis la prise de la Bastille avaient commencé quelques mois plus tôt.
La Folie Titon, cette maison de plaisance, avait connu la gloire avec le premier décollage d’une montgolfière emportant deux hommes dans sa nacelle. L’enveloppe de papier venait de la manufacture Réveillon, boulevard Saint-Antoine, à Paris.
Le 23 avril 1789, J.-B. Réveillon réclame une baisse des salaires à l’assemblée électorale de son district… « Or, le peuple avait faim. » Des émeutes ont lieu à Besançon, Dax, Meaux, Pontoise, Cambrai… mobilisant femmes, enfants, chômeurs.
Paris, 600 000 habitants, compte 80 000 sans emploi et sans ressources. « L’après-midi du 27 avril, une foule percola de Saint-Marcel, réclamant le pain à deux sous et criant : Mort aux riches ! » La maison d’Henriot, fabricant de salpêtre, est saccagée. Le lendemain, la foule s’amasse devant la folie Titon et s’y engouffre.
Le style d’Éric Vuillard nous emporte dans ce débordement qui lance vraiment la Révolution française : « Le produit dérobé du travail doit être gaspillé, sa délicatesse meurtrie, puisqu’il faut que tout brille et que tout disparaisse. » Les gendarmes arrivent, tirent et font plus de 300 morts, autant de blessés, certains sont pendus, d’autres marqués au fer rouge puis envoyés aux galères… Après le 10 août 1792, c’est la journée la plus meurtrière de la Révolution.
Pendant ce temps, « le délectable et le gourmand prennent la direction de Versailles, le fade et le maigre celle des faubourgs… Tout Versailles joue… Le royaume frise la banqueroute. » 1 500 personnes sont chargées de la bouche du roi, les ministres des finances se succèdent à une cadence effrénée. On spécule en Bourse et le peuple a faim.
L’auteur insiste sur la multitude des petits métiers : porteur d’eau, marchand de ferraille ou de peaux de lapin, cocher, tailleur de pierre, tonnelier, loueuse de chaises, vendeuse de harengs ou de betteraves, papetier, serrurier, tapissier, imprimeur, vannier, brouetteur… Il n’oublie pas non plus de citer un maximum de noms, ceux qu’il a pu trouver dans les archives.
Le 11 juillet, Necker est remercié. Camille Desmoulins prononce son premier discours et il bégaye. La troupe charge mais les gardes-françaises se rallient aux émeutiers : « Paris est désormais au peuple. »
Le 13 juillet, à l’Hôtel de Ville, les bourgeois créent une milice armée alors qu’au même moment, le roi part à la chasse et que la reine cueille des capucines au Trianon, à 20 km de Paris. On cherche des armes. On dévalise le garde-meuble de la couronne et « la nuit du 13 juillet 1789 fut longue, très longue, une des plus longues de tous les temps. » La chaleur était écrasante après un hiver très froid.
« Le 14 juillet 1789, la Bastille est assiégée par Paris. » Le récit est dense, détaillé, au ras du peuple avec des morts, des blessés, des notables qui se ridiculisent et des gens modestes qui se comportent en héros.
Contrairement à ce que nos livres d’Histoire laissent supposer, la prise de cette forteresse demanda beaucoup de sacrifices et fit 98 victimes plus d’innombrables blessés. Sa destruction commença aussitôt : « Une immense allégresse s’empara de la ville. »
Chronique à retrouver sur : http://notre-jardin-des-livres.over-blog.com/
en ce moment, et après dix jours sans ouvrir un livre, je me sens pour la première fois depuis longtemps assez peu concernée (et enthousiasmée) par la rentrée littéraire...
Pourtant ça aurait été dommage de passer à côté de ce petit bijou romanesque qui redonne vie au petit peuple de Paris, aux "sans dents" qui ont été les premiers à manifester leur ras-le-bol et à déclencher l'immense vague qui a destitué la royauté.
Ça commence presque comme un inventaire à la morgue, des gens de rien alignés au sol, morts dans l'immense ruée qui a fait tomber la Bastille ; cordonnier ou rémouleur, saunier ou prostituée, ils crèvent de faim, et la surenchère de luxe et de dépenses de la cour à Versailles a jeté leurs voisins dans la rue, armés de gourdins et d'armes de pacotille.
Des "gens du caniveau", des silhouettes, de ceux qui ne figurent pas dans les livres d'histoire (d'ailleurs, l'absence de sources et de références permet de penser que ces personnages pourraient être imaginaires alors qu'ils ont, par la magie de la narration, une existence propre, réelle), Eric Vuillard tisse avec intelligence des parallèles avec notre époque (mélangeant expressions contemporaines et vocabulaire plus classique) et 1789.
La conclusion de ce (presque trop) court roman laisse songeur :
"Il faudrait de temps à autre, comme ça sans le prévoir, tout foutre par-dessus bord. Cela soulagerait. On devrait, lorsque le cœur nous soulève, lorsque l'ordre nous envenime, que le désarroi nous suffoque, forcer les portes de nos Elysées dérisoires, là où les derniers liens achèvent de pourrir, et chouraver les maroquins, chatouiller les huissiers, mordre les pieds de chaise, et chercher, la nuit, sous les cuirasses, la nuit comme un souvenir."
Un chouette roman que je recommande !
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