Résumé:
Que sait-on précisément des moments de pause et de décompression durant la guerre de 14-18 ? Des soldats photographes amateurs ont immortalisé des clichés du repos, loin des combats. Constitués en albums, ils montrent la face cachée d'une guerre célèbre pour sa violence totale. Ils évoquent des... Voir plus
Que sait-on précisément des moments de pause et de décompression durant la guerre de 14-18 ? Des soldats photographes amateurs ont immortalisé des clichés du repos, loin des combats. Constitués en albums, ils montrent la face cachée d'une guerre célèbre pour sa violence totale. Ils évoquent des moments collectifs dédiés à la lessive et la toilette, à la musique ou aux repas, qui disent une immense soif de paix et de normalité. Tous fonctionnent comme autant de rituels qui soudent les individus en les agrégeant les uns aux autres.
Pour qui cherche à comprendre le caractère exceptionnel de l'endurance à la violence extrême, omettre la banalité du repos parce qu'elle n'est pas sensationnelle conduirait à un contresens historique. La résistance, le courage et le sacrifice ne sont possibles que parce qu'ont existé, dans les interstices de la brutalité totale, des espaces de moindre relief et de relâchement, repas collectifs, divertissements puérils et parties de pêche entre hommes. Cette dimension, seuls les clichés d'amateurs en délivrent une image. Ils restituent alors la complétude des «bonshommes» de 14-18, dont les expériences intenses ne se limitèrent pas à l'insoutenable. Constitués comme des albums de famille aux codes visuels spécifiques, ces recueils témoignent combien le rire, le plaisir et le jeu fondèrent l'identité combattante autant que la mort.
Agrégée d'histoire et docteure de l'Institut universitaire européen de Florence, Joëlle Beurier enseigne à l'université de Reims. Spécialiste des images de la Grande Guerre, et plus particulièrement des photographies de presse, elle a publié Images et violence. Quand Le Miroir racontait la Grande Guerre (Nouveau Monde éditions, 2007). Ses recherches se poursuivent sur le photojournalisme moderne dans une perspective transnationale.
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