"On n'est pas dans le futurisme, mais dans un drame bourgeois ou un thriller atmosphérique"
Et si notre esprit fonctionnait encore quelques instants après notre mort biologique ? 10 minutes et 38 secondes exactement. C'est ce qui arrive à Tequila Leila, prostituée brutalement assassinée dans une rue d'Istanbul. Du fond de la benne à ordures dans laquelle on l'a jetée, elle entreprend alors un voyage vertigineux au gré de ses souvenirs, d'Anatolie jusqu'aux quartiers les plus mal famés de la ville.
En retraçant le parcours de cette jeune fille de bonne famille dont le destin a basculé, Elif Shafak nous raconte aussi l'histoire de nombre de femmes dans la Turquie d'aujourd'hui. À l'affût des silences pour mieux redonner la parole aux « sans-voix », la romancière excelle une nouvelle fois dans le portrait de ces « indésirables », relégués aux marges de la société.
Un véritable hommage à l'amitié et à la différence.
Leila croupit au fond d'une benne, assassinée et, pendant 10 minutes et 38 secondes, se remémore sa vie.
Il est questions de secrets de familles, de blessures d'enfance, de préjugés, du poids des traditions mais aussi de bienveillance et de solidarité.
Elif Shafak nous conte Istanbul avec ses couleurs, ses odeurs, son vacarme, ses bas-fond, sa culture et son énergie.
En toile de fond sont abordés la corruption, l'autoritarisme d'Etat, le patriarcat, le condition de la femme et le manque de liberté.
La plume est élégante et poétique.
Un roman délicat et émouvant.
La prostituée Tequila Leila est retrouvée assassinée, son corps jeté dans une poubelle d’Istanbul. Comment cette femme a-t-elle pu finir si tragiquement sur les trottoirs de la ville ? Pendant les dix minutes qui suivent sa mort, soit le laps de temps pendant lequel des scientifiques ont constaté que l’activité cérébrale d’une personne décédée pouvait perdurer, Leila se remémore son parcours, depuis l’Anatolie jusqu’aux bas quartiers stambouliotes, là où après avoir rompu avec sa famille, elle a fini, dans son malheur, par trouver la solidarité et l’indéfectible amitié d’autres parias. Ils sont cinq : cinq amis qui vont tout faire pour lui éviter l’ultime infamie, celle du Cimetière des Abandonnés, à Kylios.
Une triste photographie figure à la fin du roman : un champ de mauvaise terre caillouteuse, boursouflé de vagues renflements agglutinés dans le plus grand désordre et piquetés de grossières étiquettes simplement numérotées. C’est dans cet équivalent très sommaire de nos carrés des indigents en France, que sont entassés après leur mort les indésirables de la société d’Istanbul, rejetés par leurs familles elles-mêmes. S’y côtoient misérables et marginaux, prostituées et travestis, délinquants et criminels, révolutionnaires « morts » en garde à vue, insurgés kurdes, bébés abandonnés… : tous mis au rebut à l’issue d’une existence de réprouvés. Cette histoire, fictive mais représentative, retrace le parcours de l’une de ces personnes abandonnées, prostituée tuée dans l’indifférence générale et simplement transférée, sans enquête judiciaire, de la poubelle où elle a été jetée à cet officiel terrain vague qui tient plus du dépotoir que du cimetière.
Leila n’est autre qu’une fille ordinaire, grandie dans une famille ordinaire, en Anatolie. Née en 1947, elle vit sous l’autorité d'un père pris d'une austère ferveur religieuse. Victime injustement sacrifiée à l’honneur familial, elle quitte la maison sans espoir de retour. Désormais proie facile puisqu’une femme seule osant prétendre à l’indépendance est déjà considérée « perdue » dans les années soixante en Turquie, sans ressources ni protection, elle rejoint bientôt la frange la plus méprisée de la société, que ni personne, ni la police, ne protégeront jamais des maltraitances, ni même des crimes.
L’histoire elle-même serre le coeur, pourtant aucune tristesse, aucun pathos, ne viennent charger une narration alerte, imprégnée de la chaleur humaine que partagent Leila et ses amis, déchus eux aussi. Après le frappant défilement d'une vie pendant le bref moment séparant l’arrêt cardiaque et la mort cérébrale, le récit se poursuit en compagnie des cinq amis de Leila, dans une folle équipée aussi hilarante dans ses macabres rebondissements que touchante dans sa fidélité à la disparue. Impossible de ne pas se prendre d’affection pour ces cinq autres personnages, - en tête desquels l’inénarrable trans Nalan -, désarmants de vulnérabilité, de sincérité et de dignité dans leur infrangible solidarité de pestiférés.
Exilée en Angleterre après avoir fait les frais en Turquie de sa libre expression littéraire, Elif Shafak continue de dénoncer l'hypocrisie d'une société turque qui n'en finit plus de renforcer sa violence autoritariste. Les femmes en sont les premières victimes, puisque, face aux rigueurs religieuses croissantes, beaucoup d'entre elles se retrouvent plus que jamais marginalisées et vilipendées lorsqu’elles prétendent à leur indépendance. Lucide, mais non dépourvu de drôlerie malgré la gravité de son sujet, ce livre qui se lit d'un trait exprime autant de révolte que d'attachement à une Istanbul que l'on découvre sous un jour sans fard. Nouveau coup de coeur pour cet auteur qui fait partie de mes favoris.
Elif Shafak est une auteure turque dont j'affectionne tout particulièrement les romans. Elle part ici de l'hypothèse que pendant 10 minutes et 38 secondes après la mort notre esprit fonctionne encore.
C'est ce qui arrive à son héroïne, Tequila Leila, dont le corps gît au fond d'une benne à ordures où son assassin vient de la jeter.
Leila revoit son enfance en Anatolie, sa fuite à Istanbul, son travail dans un bordel et surtout ses amies qui, comme elle, sont de grandes blessées de la vie.
Elif Shafak donne la parole à ceux que la bonne société rejette jusque dans la mort : « Ce n'était pas juste de reléguer Leila au cimetière des Abandonnés alors qu'elle n'était pas abandonnée du tout. Leila avait des amis. Les amis de toute une vie, loyaux, aimants. Elle ne possédait peut-être pas grand chose d'autre, mais des amis, si, sans l'ombre d'un doute. »
La société turque est dépeinte de façon très réaliste et sans complaisance, comme toujours dans les romans de cette auteure.
La ville d'Istanbul y est également un personnage à part entière : « Istanbul était une ville liquide. Rien ici de permanent. Rien qui semble établi. Tout avait dû commencer des milliers d'années auparavant, quand les lames de glace fondirent, que les eaux montèrent, et que toutes les formes de vie connues furent détruites. Les pessimistes avaient été les premiers à fuir les lieux, sans doute ; et les optimistes à choisir d'attendre pour voir comment les choses allaient tourner.(…) Quand les déluges commencèrent, les eaux jaillirent de toutes parts, noyant tout sur leur passage -animaux, plantes, humains. Ainsi furent formés la mer Noire, la Corne d'Or, le Bosphore, la mer de Marmara. Tandis que les flots se répandaient, ensemble ils créèrent un îlot de terre sèche, sur lequel serait un jour construite une puissante métropole. »
Un excellent roman à découvrir !
Istanbul, au fond d'une benne à ordure, gît le corps sans vie de Tequila Leila, une prostituée, sauvagement assassinée. Alors que son coeur s'est arrêté de battre, son esprit va pendant 10 minutes et 38 secondes se remémorer certains faits marquants de sa vie. de son enfance à Van, où elle a été abusée par un oncle, à sa fuite à Istanbul, où elle trouvera refuge dans une maison close, cette âme amochée par la vie saura se construire une famille de coeur, des « rejetés » de la vie, comme elle. Dans cette ville étirée entre l'Europe et l'Asie, Élif Shafak dresse le portraits des parias de la société, des exclus, de ceux qu'on ne préfère pas voir. Ces oubliés, sans « famille » sont enterrés dans le cimetière des abandonnés. Ses amis vont tout faire pour honorer l'âme de Tequila Leila. Ce roman, c'est un petit diamant : des personnages attachants sur fond d'une ville magnifique, millefeuille de cultures, le tout agrémenté d'une plume envoûtante. Un véritable coup de coeur
Elle est en train de mourir, physiquement, mais son esprit vagabonde toujours dans les méandres de son passé. Pendant 10 minutes et 38 secondes, Leila revit les moments clé de son existence. Ses flashbacks se déclenchent par le souvenir d’une odeur, d’une ísaveur. Et c’est ainsi que nous allons découvrir qui fut cette femme, prostituée, maintenant au fond d’un container, au bout de sa vie.
« Leila commençait à comprendre que les sentiments de tendresse doivent toujours rester cachés, qu’ils ne peuvent être révélés que derrière une porte close et ne jamais être évoqués ensuite. »
Ce livre s’organise en trois grandes parties.
L’esprit : A ce stade, pendant que la vie quitte progressivement le corps de Leila, son esprit lui renvoie ses derniers messages. Savoir ce qu’elle a vécu, comment elle a vécu, étouffée par la tradition et la soumission. Recherche de la liberté, en quête d’évasion, qu’elle finira par trouver en fuyant à Istanbul. Une nouvelle vie. Un nouveau tournant… Et puis on fait connaissance avec ses cinq amis, aux noms si spéciaux : Nalan, Sabotage, Jameelah, Zaynab, Humeyra. Ils sont tous un peu écorchés, ils auront tous un rôle essentiel aux côtés de leur amie commune.
Le corps : Son esprit s’est éteint. Son corps sans vie est découvert et emmené à la morgue. Ses amis sont dévastés, la tristesse et son manque les submergent. Mais ils sont bien là. Ils sont sa famille, absente et dans le déni. Leur amitié est plus forte et ne cessera jamais de se renforcer. Jusqu’au bout et même au-delà… Ils sont prêts à tout, même dans l’extrême, pour Leila…
L’âme : Un seul mot peut résumer cette dernière partie : liberté…
Je suis devenue la sixième amie de Leila. Je me suis attachée à cette bande de copains, j’ai eu l’impression de les comprendre, de les écouter. Cette histoire est une vraie leçon d’amitié, de volonté, de courage et de renaissance. Ce roman a ce petit quelque chose qui m’a changée, qui instruit sur le mode de vie du pays, qui m’a touchée, j’ai eu du mal à partir, à le refermer. Mais je vais le garder très précieusement….
« Le chagrin est une hirondelle, dit-il. Un jour vous vous réveillez et vous vous dites, ça y est il s’est envolé, mais il n’a fait qu’émigrer dans un autre endroit, il se réchauffe les plumes. Tôt ou tard il revient se percher de nouveau dans votre cœur. »
https://littelecture.wordpress.com/2020/03/14/10-minutes-et-38-secondes-dans-ce-monde-etrange-de-elif-shafak/
J'ai découvert Elif Shafak par ce livre et j'irai en découvrir d'autres par la suite bien que celui-ci m'ait à moitié convaincu.
J'ai adoré l’histoire et son contexte qui en sont que plus qu'originaux : imaginer que notre esprit ne meure pas tout de suite, que l’on ait le temps de repasser quelques instants de notre vie avant le décès total. La première partie, les histoires entremêlés et les faits historiques sont intéressants. On y découvre, Leila une femme forte et libre, qui a fait en sorte de réaliser ses ambitions, quitte à rompre tout contact avec sa famille, a aimé, et maintient sa souveraineté sur sa vie.
La seconde partie m’a moins accrochée ; bien qu’elle n’en soit pas moins intéressante : on y découvrir l’histoire du corps après l’esprit. Comment son groupe d’amis est prêt à tout pour lui offrir une vraie sépulture, alors que sa famille la rejette y compris décédée.
Leïla, prostituée vivant à Istanbul, meurt assassinée. Son esprit fonctionne encore 10 minutes et 38 secondes dans son corps.
Chaque chapitre de la première partie correspond à un instant précis de ce laps de temps avec pour leitmotiv une sensation vécue par la protagoniste au cours de sa vie.
Dans la partie 1, L’ESPRIT, on apprend à connaître les cinq amis chers de Leïla avec ces flashbacks sensoriels. Ces personnes sont très actives dans la partie 2, LE CORPS. J’ai beaucoup aimé cette auteur qui met en lumière les marginaux.
Un livre sur la mort est forcément intéressant dans notre société qui l’occulte. Et je crois en la persistance de l’âme...
Très belle première partie. On apprend à connaître Leïla au travers de ces flashbacks, on perd malheureusement le charme dans les parties suivantes qui sont plus narratives. Dommage que partie 3, l’ÂME, soit assez courte. Ce livre, ode à la femme , à l’amitié, à la marginalité à Istanbul la belle et à nos si courtes vies mérite grandement d’être lu
Née d’une mère analphabète qu’on lui a présentée comme sa tante, Leyla a grandi dans le mensonge. Celle qu’elle appelle mère étant la première femme de son père. Son père qui pense que sa malchance est due à un châtiment divin décide de se consacrer à la religion, voulant faire de sa fille disciple privilégiée. Pour fuir le destin que lui réserve sa famille, Leyla rejoint Istanbul et devient Tequila Leila. Employée dans un bordel durant des années, c’est son histoire qu’elle retrace à sa mort. Chaque minute qui la sépare de son dernier souffle est marquée par un souvenir, une rencontre.
Souvenir de son enfance, de ce qui l'a poussé à Istanbul et ses rencontres avec 5 personnes, ces 5 personnes qui se soucieront d'elle, de son esprit et de son corps à sa mort. 5 personnes qui, elles aussi, ont atterri à Istanbul pour fuir un destin qui ne leur correspondaient pas et se perdre dans une ville qui accueille et qui cache ceux qui ne collent pas au milieu dans
lequel ils sont nés.
L'histoire de Leila est accompagnée de celle d'Istanbul ou semélangent les extrêmes communistes révolutionnaires, nationalistes, religieux. Une ville qui accueille beaucoup mais qui n’en ai pas pour autant douce et bienveillante. J’ai aimé l’histoire, et la place donnée à Istanbul, les personnages sympathiques et la manière dont leur histoire et leur rencontre sont décrites. Enfin j’ai apprécié la fluidité du texte sans pour autant être complètement emportée. Le style était peut-être trop lisse, il me manquait un peu d’image, de peps, quelque chose de plus oriental pour intensifier ce roman se déroulant à Istanbul
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