"On n'est pas dans le futurisme, mais dans un drame bourgeois ou un thriller atmosphérique"
Je vais reprendre ma critique de "La cité des marges" mais je vais changer la fin car, cette fois-ci, tous les ingrédients ont fait de cette comédie noire un roman passionnant.
Des personnages attachants et haut en couleurs, des dialogues acérés, la chaleur de Brooklyn, des deuils insurmontables, des âmes perdus et beaucoup de fantômes.
Les acteurs de l'intrigue vivent à proximité, se connaissent parfois de loin et dont les histoires vont se percuter et même drôlement se percuter.
C'est bien écrit, c'est sombre, c'est triste et c'est émouvant.
J'ai adoré.
Ce roman est un véritable road movie, il a d’ailleurs un côté Thelma et Louise : déjanté, un brin loufoque, parfois bien trash pour dire l’amitié, la sororité mais aussi la violence.
L’histoire pourrait se résumer à : « Un premier vieux essaie de se la (Rena) faire, un deuxième vieux titre sur sa fille et un troisième vieux pervers termine le travail. C’est une espèce de conte totalement tordu. »
Trois femmes, trois générations réunies dans cet opus assez jubilatoire. Rena donc, veuve d’un mafieux, finit par écraser un cendrier sur la tête d’Enzio, son voisin qui espérait bien prendre du bon temps avec elle (en regardant un film porno !). Elle le laisse pour mort et lui emprunte sa Chevrolet Impala de 1962. Oui mais, touche pas à mon engin … il se lance à sa poursuite !
Suite à ce geste malheureux, Rena espère se mettre à couvert chez Adrienne, sa fille, qui lui claque la porte au nez. Elle trouve finalement refuge chez Wolfstein, voisine d’en face et une ancienne actrice porno où la rejoint Lucia, sa petite fille qui n’en peut plus de sa mère.
Vous ajoutez à cela un ancien amant de Wolfstein, éconduit une fois délesté de 15.000 dollars, un mafieux qui poursuit l’amant (lui même pas très net) d’Adrienne et le spectacle peut commencer.
Les situations sont parfois cocasses, les dialogues enlevés et drôles, le tout d’un rythme effréné. Pas de pause dans ce road movie : on passe d’un personnage à un autre, reprenant la course poursuite là où on l’avait laissée avec un autre protagoniste.
C’est parfois un peu gros, mais ça marche : les méchants très méchants, les mecs obnubilés par leur bagnole, des crimes bien sanglants, une adolescente difficile, de l’alcool et des histoires olé olé pour mettre tout le monde à l’aise. Au-delà de ces clichés très machistes, c’est une ode à l’amitié que célèbre ici William Boyle, comme pour mieux saisir le contraste entre cette phallocratie ambiante et le courage et la beauté de ces femmes.
Une jolie découverte !
William Boyle nous entraîne à nouveau au cœur de Brooklyn et nous offre un superbe roman noir empli d’humanité. Dans ce quartier en perpétuel mouvement, des mafieux sévissent, les jeunes rêvent d’ailleurs sans pouvoir s’échapper et des tragédies sociales se jouent en silence. C’est là que prend naissance l’intrigue de ce roman à la fin des années 90. Deux adolescents désœuvrés jettent des cailloux du haut d’un pont et atteignent de manière fatale une jeune automobiliste. Un geste irréfléchi lourd de conséquences.
Dans ce récit, il y a plusieurs histoires, ce qui permet à l’auteur de mêler très habilement les codes du roman noir à une étude de caractères subtile. Il se focalise sur la vie de ses personnages avec beaucoup de sensibilité, tisse des liens entre eux jusqu’à ce que leurs destins se rapprochent irrémédiablement pour finir par se croiser quelques années après le drame.
Si les activités douteuses des escrocs, les règlements de comptes, les crimes perpétrés par les gangsters entretiennent la noirceur de l’intrigue, c’est surtout la manière dont William Boyle explore l’âme, les fêlures et les zones d’ombre de ses personnages qui retient l’attention, la manière dont il se concentre sur leur vie. Une vie qui donne et reprend sans état d’âme, qui façonne les destins. Celui de la jeune Amélia qui se rêvait écrivain et meurt dans cet accident tragique, celui de Bobby, le coupable, rongé par le remords et toujours englué dans les ennuis, du père, Jack, inconsolable, dévasté par le chagrin et la colère. Cet homme, qui porte le récit sur ses épaules, redresseur de torts à ses heures, anéanti par les deuils successifs, devient encore plus émouvant lorsqu’il trouve dans un atelier d’écriture animé par la jeune Lily une manière d’exorciser sa douleur, lorsqu’une étincelle paternelle se rallume en lui et lui redonne goût à la vie.
William Boyle excelle à écrire la complexité de l’humain. Son empathie pour ses personnages est palpable, comme s’il y avait une petite part de lui dans chacun d’eux, un peu de la vie de Jack, un peu des passions de Lily pour la littérature ou de Francesca pour le cinéma. Il pose un regard d’une grande bienveillance sur ceux que la vie n’a pas épargnés, se penche aussi sur ceux qui ne sont pas toujours fréquentables.
Au fil du roman, il décline les thèmes qu’il affectionne, les trajectoires de vie qui s’entrechoquent, le hasard qui donne des tournures inattendues à la vie, l’amour, le sens de la famille, celle qu’on se choisit, qu’on recompose et le chemin si difficile qui mène au pardon, à la résilience. La littérature, le la musique et le cinéma sont omniprésents, donnent du sens au monde, à la vie. Quel autre remède que l’art pour adoucir les chagrins ?
En poursuivant son exploration quasiment cinématographique de Brooklyn, du quartier où il a grandi, il donne au récit une atmosphère particulière, enveloppante et mélancolique et on lui emboîte le pas sans hésiter.
William Boyle écrit à hauteur d’homme. En fabuleux conteur d’histoires, il fait surgir de la lumière et de l’amour au beau milieu de la noirceur. Éteindre la lune est un roman profondément humain, à la fois émouvant et tendre, sombre et lumineux. Une très belle réussite !
-Shoot the moonlight out - William Boyle - Traduit par Simon Baril - Éditions Gallmeister
Bobby, 14 ans, et son pote Zeke s'ennuient ferme en cet été 1996. Pour s'occuper, ils s'installent sur le pont Verrazano du haut duquel ils balancent du ketchup, des ballons remplis d'eau ou encore des balles de tennis sur les voitures qui roulent en contrebas.
Leurs exploits n'ayant pas d'impact sur la circulation, ils décident de passer à la vitesse supérieure en lançant des pierres. L'une d'entre elles frappe à la tempe une jeune conductrice prénommée Amelia, la tuant sur le coup.
Ce qui devait être une bonne blague vire au drame.
Quelques années après la perte de son épouse, Jack, le père de la morte, une aspirante-écrivaine, est de nouveau endeuillé. Professionnellement, Jack est un redresseur de torts et un défenseur de toutes les victimes : d'inceste, de viol, d'escroquerie... Et pour rendre justice à ses « clients », il considère que tous les moyens sont bons, y compris les plus radicaux.
Cinq ans plus tard, toujours seul et accablé par la douleur, il se rend dans un atelier d'écriture animé par Lily, une jeune femme qui lui rappelle Amelia.
L'amitié et l'amour des mots vont lui redonner le goût de vivre.
Trop beau pour être vrai se dit le lecteur face au récit qui balance entre la mièvrerie et la violence qui règne à Brooklyn, personnage à part entière du roman, avec sa misère, ses mafieux et ses dealers.
D'autant plus que William Boyle, originaire de cet arrondissement de New York, convoque d'autres personnages tout aussi fracassés que Jack et Amelia.
Un peu trop feelgood pour moi !
http://papivore.net/litterature-anglophone/critique-eteindre-la-lune-william-boyle-gallmeister/
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