"On n'est pas dans le futurisme, mais dans un drame bourgeois ou un thriller atmosphérique"
Quatre frères et sœurs nigérians élevés jusque là dans une certaine aisance, à l’abri du besoin sont soudain projetés dans un univers de misère. Les voilà chez leur grand-mère et chacun tente de survivre dans un monde sans pitié. La vie sera encore plus difficile pour les filles.
Une écriture directe et sans fard, Tola Rotimi Abraham, nous entraine au sein de la société nigériane où la corruption semble être la normalité. Les femmes peinent à y trouver une place sans que les hommes profitent d’elles.
Le livre est dans la mouvance actuelle des auteurs africains : dénonciation de la corruption, de la misère, le combat des femmes, l’accès à l’éducation. Il est assez froid et il n’y a pas cet élan de sympathie que l’on pourrait ressentir pour ces quatre enfants que l’on voit grandir dans les difficultés. Un style d’écriture sans doute lié aux études de journalisme de l’auteur.
La fin un peu trop abrupte à mon goût laisse le lecteur sur sa faim.
Dans son premier roman, Black Sunday, la nigériane Tola Rotimi Abraham donne la parole aux quatre membres d'une fratrie abandonnée par des parents indifférents dans un Lagos sans pitié pour ceux qui n'ont pas d'argent. En alternance chacun d'eux se raconte avec simplicité, sans pathos. Des jumelles adolescentes, puis jeunes femmes, se démènent pour assurer leur subsistance et celle de leurs petits frères. On les suit des années 1995 à 2015 dans une ville qui ne fait pas de cadeau.
L'auteure dresse un constat froid, lucide, mais non dépourvu d'humour, de la société nigériane. Le carcan des traditions, l'indifférence du pouvoir, la corruption à tous les niveaux, l’hypocrisie de la religion, le machisme primaire de tous les hommes, l'inculture des femmes, régissent un quotidien où tout semble aller à vau l’eau.
Les femmes, à la merci de toutes sortes de prédateurs, sont celles qui souffrent le plus. Ce sont des femmes objets, hyper-sexualisées et conditionnées depuis toujours à travailler durement pour les hommes. Elles cherchent un soutien dans des congrégations religieuses plus ou moins fumeuses qui fleurissent dans ce pays. Les hommes n'y sont pas derniers à les écraser de leur autorité auto-proclamée.
J'ai plaint les personnages de ce roman, mais sans jamais vraiment m'y attacher. Ils me resteront cependant longtemps en mémoire. Je suis sortie assez démoralisée de ce récit africain dans lequel la morale serait-elle «Seuls les tricheurs arrivent à s'en sortir» ?
https://ffloladilettante.wordpress.com/2021/10/24/black-sunday-de-tola-rotimi-abraham/
Je rentre d’un voyage livresque à Lagos au Nigeria, avec des frissons, la chair de poule en fait. J’y ai côtoyé le chagrin des enfants abandonnés, la pauvreté, la peur, les abus sexuels, l’égoïsme, la manipulation des hommes d’Eglise, la corruption, les châtiments corporels des élèves. Mais aussi les légendes Yoruba. Et j’ai beaucoup appris sur un pays dont j’ignorais tout.
C’est toujours utile d’ouvrir un livre, et parfois primordial d’ouvrir les yeux sur la misère de ceux dont le destin n’intéresse à priori pas grand-monde ici.
L’autrice soulève une vraie question : les tricheurs gagnent-ils toujours à la fin ?
C’est l’histoire de quatre enfants (des jumelles et leurs deux petits frères) issus de la classe moyenne nigériane, pour qui la vie plutôt agréable va se transformer en un éclair en une survie, une lutte de chaque instant suite au départ-abandon de leurs parents. « Si la tristesse te retourne la tête quand tu es vieux, que peut-elle faire à un petit garçon ? »
Dans cette histoire hallucinante pour nous occidentaux mais somme toute assez banale au Nigeria, Tola Rotimi Abraham a choisi de donner à tour de rôle la parole à chacun des enfants. Ils donneront leur point de vue sur leurs expériences, leur ressenti, leur tentative de reconstruction entre 1996 et 2015.
« Notre cerveau était resté bloqué en mode survie, et cela nous poursuivrait toute notre vie ».
Comment une cellule familiale stable peut-elle exploser aussi facilement ? L’autrice nous livre froidement la réponse : une mère qui perd son emploi auprès du ministre suite au limogeage de celui-ci, un père beau-parleur sans le sou qui échoue dans toutes ses entreprises. Elle ajoute à ça un cruel égoïsme parental apparent –expliqué par de nombreuses blessures mais non pardonnable – et une lettre d’adieu déposée un matin sur la table du salon… et le tour est joué ! Les enfants se retrouvent sans rien, propulsés chez une grand-mère pauvre : la route toute tracée vers une vie agréable vient de laisser place à un chemin caillouteux, dangereux, plein de brigands…
Devant la pauvreté financière et affective qui les submerge, mieux vaut encore être né garçon. Andrew et Peter vont souffrir de maltraitance scolaire, d’humiliations et de coups, de colère, de manque d’affection.
« L’odeur du chagrin me collait à la peau ».
Mais pour leurs grandes sœurs Bibike et Ariyike, les choses prennent un tour encore plus affreux. Fini l’école ! Au boulot ! (petit boulot bien sûr). Elles n’auront de cesse que de gagner leur indépendance financière, chacune à sa manière, afin de nourrir la famille et de permettre des études aux garçons.
Mais la gente masculine rôde comme une bête féroce autour de tout ce qui ressemble à une fille. Le sexe est imposé, partout, dans TOUS les milieux, tout le temps. Une seule façon pour elles de s’en sortir, le monnayer plutôt que de le subir gratuitement.
« Toutes les femmes sont la propriété d’un homme, certaines de plusieurs……..J’avais attendu trop longtemps pour choisir mon propriétaire, j’avais tergiversé par ignorance, alors j’avais été choisie » (Bibike)
« Je ne peux pas oublier ce sentiment, l’impression d’être un vieux chiffon sale qu’on peut utiliser et jeter « (Ariyike)
Beaucoup se tournent vers l’Eglise néo-pentecôtiste, le christianisme « born again », les prétendus sauveurs, les révérends hautement charismatiques, prêcheurs éloquents qui se révèlent vite des manipulateurs, pervers, hypocrites, certains même de beaux escrocs. Le sens de l’entreprise est souvent plus présent que l’Esprit Saint …
Pourquoi alors ? Mais parce qu’elle promet la prospérité, la réussite, le bien-être matériel et spirituel… et plus si affinités !
L’autrice a choisi de mettre l’Eglise au cœur de son roman. Au cœur de la détresse, de la dépendance, de la maltraitance.
Un beau premier roman avec son intrigue, écrit dans un style direct, telle la dureté qui ne fait pas mille palabres et ne s’encombre pas de sentiments.
Je soulève une dernière question : à quand le permis de mettre des enfants au monde ?
« L’égoïsme est normal, il est humain. »
Avec une intimité étonnante et une douloureuse sagesse, Tola Rotimi Abraham dresse le tranchant portrait combiné d'une fratrie, d'une ville et d'une culture, toutes semblant inexorablement au bord de l'autodestruction.
Les jumelles Bibike et Ariyike, leurs petits frères Andrew et Peter sont forcés de se frayer un destin dans la chaotique Lagos, hantés par les fantômes de leurs parents qui les ont abandonnés. le récit alterne ces quatre voix en épisodes dispersés, de 1996 à 2015, sans rechercher un linéaire lisible. Les ellipses sont très réussies car elles laissent toute la place aux lecteurs pour reconstruire les trouées temporelles. Les années invisibles semblent avoir une présence, tant pis si des éclaircissements nets peuvent manquer pour suivre les évolutions des personnages. Chaque chapitre est comme l'instantané d'un journal intime, soulignant l'inconsistance du destin et combien la tragédie court, toujours.
C'est la voix des filles qui portent le plus. Et ce qu'elles disent est terrible sur la condition féminine au Nigeria et sans doute plus largement en Afrique subsaharienne. Des proies, soumises à une hypersexualisation permanente et précoce, à des agressions sexuelles quasi inévitables. Toutes destinées à être possédées, les plus belles auront le choix du propriétaire. le recours à la gémellité prend ici tout son sens car, en découplant Bibike et Ariyike, qui ont pourtant les mêmes aspirations à la sécurité, il permet à l'auteure de proposer deux chemins différents. Chacune trouvera sa propre résilience, sa propre résistance pour accéder à l'indépendance. Leurs frères d'ailleurs sont tout aussi victimes du patriarcat car la virilité toxique est sublimée par les institutions ( école, mariage, église ) et ils devront trouver eux aussi à en contourner les pièges.
Au-delà des personnages, c'est toute la société nigériane et le fonctionnement du pays qui est dans le viseur de l'auteure. La critique de la corruption généralisée et de la fatuité des élites est acerbe, la dénonciation de la l'hypocrisie de la religion ( quelle qu'elle soit, ici essentiellement le christinianisme pentecôtiste ) tout aussi violente, se déployant dans des scènes à la crudité saisissante. Sans fard, d'autant plus que la plume de Tola Rotimi Abraham, à la fois puissante et singulière avec ces touches d'oralité yoruba, se prête parfaitement à la tragédie, avec une touche d'humour froid très pertinente.
J'ai refermé glacée ce détonnant premier roman, à défaut d'être totalement touchée par le sort des personnages.
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