Inspirée d’une histoire vraie, cette BD apporte des conseils et des solutions pour sortir de l'isolement
Lirais-je un jour "La Distinction" de Pierre Bourdieu ? Je n'en suis pas sûre.
Mais en tout cas, cette adaptation, ou plutôt cette évocation, comme je l'ai lu dans une autre critique, m'a beaucoup intéressée.
"Dans ce qui est désormais un classique, Pierre Bourdieu décryptait les liens entre goûts et classes sociales. T. Rivière en propose une relecture contemporaine en explicitant avec humour des concepts fondamentaux. Un prof, des jeunes et des couples s'interrogent, s'observent et discutent de ce qui fait leurs choix et le libre arbitre."
De quelle classe sociale venons-nous ? Quels sont nos goûts ? Sommes-nous réellement libres d'aimer telle ou telle chose ? Avons-nous, pour un QI égal, les mêmes chances au niveau scolaire ?
Dans cette bande dessinée, au graphisme épuré, un jeune professeur de sociologie chamboule les certitudes de ses élèves. Chacun réfléchira ainsi, plus ou moins malgré lui, à cette notion de déterminisme social et de libre arbitre. Et certains iront même jusqu'à faire quelques expérimentations.
Ce fut vraiment une lecture instructive, même si certaines citations tirées directement du livre m'ont parues un brin nébuleuses. Je ne me suis pas arrêtée à cela, et j'ai eu grand plaisir à lire ce roman graphique.
Il me semble que Tiphaine Rivière a su en tirer l'essentiel pour que ce soit accessible au plus grand nombre, tout en étant informatif, et en permettant une réflexion personnelle.
Une BD très étonnante par son graphisme qu'on aime ou pas mais surtout par la tentative qui me semble réussie de donner une version contemporaine inspirée très librement des théories du prestigieux sociologue (et philosophe) Pierre Bourdieu.Ce dernier fut mon prof à Lille en 64/65, nous étions ses cobayes pour le livre Les héritiers. Ses cours contenaient en germe toutes ses idées , il n'était pas très accessible et la lecture des Héritiers nous a aidée. La Distinction, gros pavé, publié en 1979 est difficile à digérer; cette BD vient à point pour saisir les concepts de Bourdieu: l'habitus, le déterminisme social du jugement de goût; c'est bien plus subtil que la seule détermination économique.
Le jeune prof (transfuge de classe, comme Bourdieu) décide de faire lire La Distinction à ses élèves qui viennent de milieux différents; pour les préparer, il les invite à observer leurs parents et à comparer leurs réactions. C'est caricatural mais drôle et efficace.
J'ai pris un coup de jeune avec cet album, j'ai retrouvé mes interrogations, ma honte etc.
Rivière s’inspire (librement) de « La Distinction » un ouvrage majeur de Pierre Bourdieu qui a pour sous-titre : « Critique sociale du jugement » et qui, au travers des thématiques sur le beau, le gout, les pratiques culturelles, …, va décliner son analyse des classes sociales, de leurs différenciations et de leur reproduction.
Rivière prend le parti de mettre en situation un jeune prof (lui-même « transfuge de classe » puisque son père est agriculteur ») qui essaye de transmettre et d’éveiller ses jeunes élèves (aux origines sociales diverses) aux analyses de Bourdieu à partir d’observations qu’il a lui-même réalisé auprès de proches pour illustrer les « habitus », pratiques et comportements, … Il utilise des concepts comme « capital économique » et « capital culturel », … et montre que « Dans le grand jeu des classes sociales, les classes dominantes élaborent des stratégies de conservation. Elles veulent plus ou moins consciemment conserver le fonctionnement actuel de la société qui est à leur avantage » p 258. Et il décline et différencie les classes : classe dominante, les (petits) Bourgois, les dominés (le prolétariat), …
Un passage illustre la domination du capital culturel avec un père (petit bourgeois) qui échange sur la relation de sa fille avec une jeune garçon (dont le père est manutentionnaire) et qui exprime une certaine libéralité en montrant qu’il ne cherche pas à empêcher cette relation et qu’il est même prêt à aider le jeune garçon financièrement pour ses études … mais qui précise que … de toute façon sa fille partant l’année prochaine dans une école des Beaux-Arts, et à l’étranger, va découvrir d’autres garçons, laissant peu d’avenir à cette histoire d’amour …
Un des points forts de cette BD est de montrer certains jeunes adolescents de cette classe qui vont lire « La distinction » et observer leur famille, leurs amis, et eux-mêmes … au point qu’une jeune fille va dire à ses copains : « Hey, je ne sais pas vous, mais moi, depuis les cours de Kékette (nota : c’est le surnom du jeune prof donné par les élèves …) il n’y a plus rien de naturel quand je fais un truc. Même marcher, manger : je me sens bizarre ! » p 283
Autre illustration : la réceptivité des jeunes adolescents qui secouent leurs parents (particulièrement les petits bourgeois) qui décident « pour répondre sereinement aux attaques d’Elo (leur fille), il faut qu’on ait un coup d’avance » et donc ils achètent deux « La distinction » pour étudier en parallèle l’ouvrage et échanger entre eux pour être capables de faire face.
Si j’ai eu un peu de mal à entrer dans la BD (probablement par une attente, notamment de souvenirs d’étudiant) elle me parait finalement un bon moyen d’éveiller conscience et intérêt … et preuve de son efficacité, de donner envie de lire (ou relire) « La distinction » !
Cette bande dessinée, comme l’une des précédentes Carnets de thèse, est un récit autobiographique dans lequel l’imagination comble l’absence de mots, où la réalité est décortiquée par les rêveries de l’autrice. Tiphaine Rivière traite la grossesse du point de vue de Cléo principalement (Cyril, le futur père, n’est jamais trop loin) et évoque dans toute sa complexité l’appropriation de ce moment, de cet état. Elle traite autant l’aspect physique qu’émotionnel. Elle montre le tiraillement de son personnage, double de papier, entre deux attitudes : « ne pas s’en faire » et « faire attention ». Cléo est entourée d’attentions, d’ordres, de conseils. Elle doit donc au milieu de toutes ces recommandations trouver sa propre voie. Cette intimité, ce rapport à soi au moment où le corps change, permettent de questionner le rapport aux autres et le regard de ceux-ci sur elle-même. La bande dessinée est belle dans sa complexité, dans ses nuances, dans ses doutes, dans ces envies. C’est un vrai parcours qu’on découvre et l’autrice ne tombe jamais dans les clichés, dans les raccourcis. Elle parle du désir, de la sexualité, des fausses couches en réunissant les vécus d’autres personnages. C’est une petite communauté qui se forme autour de Cléo, lui rappelant son caractère unique, état aussi effrayant que rassurant.
Dans sa narration, la présence du titre, de ce cœur qui bat, de ce rouge intense marque et donne du rythme. Cette marée rouge, ce torrent bouleverse et montre la chair du personnage. Cela évoque autant l’amour que le drame, le coeur que les règles. Il y a dans ce cœur toute la féminité de Cléo, toutes les nuances émotionnelles et sensibles de ce personnage. Cela nous emporte et l’autrice rappelle à quel point on peut oublier le corps et ses réactions. Cette bande dessinée redonne une place au corps, à ses particularités et sa capacité à les exprimer. Reste la question d’être entendu et cette question tient tout le déploiement de l’histoire.
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