"On n'est pas dans le futurisme, mais dans un drame bourgeois ou un thriller atmosphérique"
Revoilà le GIE que j'avais rencontré dans sa première enquête, Dans l'ombre du jaguar, composé de Katherine Krall entomologiste, Jim Henderson ancien des forces spéciales reconverti dans l'écologie et Jivajos chaman amazonien rencontré lors du premier tome. Tout cela sous la coupe du Prince de Monaco. De nouveau, ils seront en lutte avec des hommes puissants prêts à tout pour arriver à leurs fins. De nouveau, ils lutteront contre des intérêts pharmaceutiques internationaux et les appétits gargantuesques des pays pour les richesses soupçonnées ou avérées du sous-sol groenlandais. Très belle enquête au froid avec des descriptions des lieux et des gens qui y habitent. Décrire le blanc, la neige, la glace et le froid n'est pas un art aisé, mais les deux auteurs y parviennent sans mal ; le fait que les décors sont plus monochromes que lorsque le GIE était en Amazonie allège considérablement mes réserves du premier tome. Presque plus, à part une certaine mollesse au mitan du roman avant une reprise attendue et qui tient toutes ses promesses en un final haletant.
Je me suis régalé, même si je dois admettre une déception cruelle : dans mon premier billet j'avais créé une certaine intimité avec le Prince de Monaco allant même jusqu'à l'inviter et l'appeler Albert... Mais adieu Albert et bonjour Jean-Charles, car le Prince de Monaco du roman se prénomme Jean-Charles -tant qu'à changer, j'aurais pris un petit nom plus sexy, tiens Yves par exemple- et il est né en 1971. Rien à voir avec Albert. Tant pis, adieu mon invitation et mon futur séjour tous frais payés à Monaco -oui, j'avais aussi demandé ça, on ne sait jamais...
Trêve de plaisanterie -quoique...-, revenons au roman : tous les ingrédients sont là pour faire plaisir au lecteur : aventure, action, amour -et ce crétin de Jean-Charles qui préfère une journaliste allemande à Katherine, non mais-, plongée dans un monde blanc, silencieux et beau, chamanisme -un brin d'irréalité ou de sur-réalité donc-, trahisons, secrets, rebondissements, jeux politiques, géo-politiques, intérêts stratégiques, gros sous, recherches scientifiques, écologie, enjeux pour la vie sur et de la planète, ... et j'en passe. Tout cela en 300 pages fort rythmées en courts chapitres et en une langue classique et accessible forme un roman populaire qui pourrait séduire quantité de lecteurs. Les personnages principaux sont un peu prévisibles mais ils nous font visiter et connaître des contrées dont on parle peu et nous obligent à nous poser des questions sur le sens de la vie, sur la course au progrès et à la jeunesse si ce n'est éternelle au moins de plus en plus longue. Ils se structurent peu à peu au fil des deux romans et je ne doute pas qu'ils reviendront pour de nouvelles aventures encore plus forts et plus construits. Je les retrouverai bien volontiers, ça me consolera de ma désillusion de ne pas rencontrer Albert -mais sait-on jamais, ...
Un polar qui met en avant la protection de la nature et des sociétés ne pouvait que m'intéresser. Mais bien sûr, taquin comme je suis, j'ai repéré quelques incohérences. Si Katherine Krall et Jim Henderson veulent protéger les cultures des peuples et la nature dans laquelle ils vivent, ils n'hésitent pas pour ce faire à user des moyens les plus coûteux et surtout les plus polluants : jets privés, avions de ligne, hélicoptères, 4x4, ... Ils sillonnent la planète de long en large et en travers, de l'Amazonie à Monaco, en passant par l'Irlande et New York, ... le bilan carbone de leur aventure est catastrophique et s'il ne tue pas directement les Waimiri, il n'aide pas à leur bien vivre.
Mais fini de chipoter et parlons du roman lui-même. S'il n'évite pas des longueurs, des détails inutiles, des répétitions, comme si les auteurs voulaient nous décrire par le menu tous les faits et gestes de leurs personnages, il est bourré d'informations sur les diverses contrées visitées, parfois au risque d'être bavard et de perdre le lecteur qui ne retiendra pas tout (évidemment, je parle pour moi, un lecteur plus averti et avec meilleure mémoire retiendra peut-être l'avalanche d'informations). On peut avoir l'impression par moment que les romanciers veulent absolument recaser soit leur savoir personnel soit la somme de leur documentation -eh bien oui, tant de travail, ça mérite d'être su. Non pas que ce soit inintéressant, mais comme je l'écrivais plus haut, c'est un peu "too much". Passées ces réserves, c'est un roman d'aventures mouvementé, tonique, actuel, qui reprend à son compte les codes du genre. Les personnages sont sympathiques, assez complexes pour avoir eu d'autres vies avant de se mettre à défendre la planète (notamment Jim, ancien mercenaire, militaire, ...). Dans leur lutte, ils se révèleront, se lieront d'amitié avec le fils de Yaméo, le chaman, Jivajos, lui-même chaman qui pourrait bien devenir un personnage récurrent (mais je n'en dis pas plus... suspense). Le jaguar est aussi très présent, animal totem de Yaméo et Jivajos, celui qui se montre dans leurs rêves et dans ceux de Katherine lorsqu'il veut les alerter sur un danger, ce polar laisse donc une belle part aux croyances chamaniques à une dose de ce qu'on pourrait appeler d'irréalité, bien vue, elle donne plus de force encore en ancrant davantage le roman dans la jungle amazonienne et la vie des peuples autochtones.
On croise même le Prince de Monaco dans un second rôle déterminant ; c'est gonflé de placer dans une fiction d'aventures un personnage réel et vivant ; certes, il est du bon côté et éminemment sympathique, tout bon pour son image. De fait, il l'est peut-être en vrai, je ne peux pas dire le contraire, il n'a pas l'honneur de me connaître (ou l'inverse peut-être ?), mais s'il veut venir à la maison, ma porte lui est ouverte (ou l'inverse peut-être là-aussi ? Bien sûr, volontiers, merci Albert -vous permettez que je vous appelle Albert, je ne suis pas très à l'aise avec les titres et tous les tralalas princiers ?- ; euh, vous prenez en charge les billets d'avion ? Et si c'est pas trop demander, un petit coup de pouce pour mon blog à Monaco, c'est possible ?).
Toujours est-il que l'ensemble se lit bien et vite parce qu'on est accroché du début à la fin. Rebondissements, morts, tortures -quelques lignes un peu dures, mais rien de rédhibitoire. Un polar qui a reçu le Prix Géo 2012 du voyage extraordinaire et qui est réédité chez Odin dans une version enrichie. Une suite est écrite et sortie depuis novembre 2016, mais ça, je vous en parlerai l'an prochain...
Un beau moment de voyages et de découvertes intercontinentales on ne s'ennuie pas un instant à l'ombre de ce jaguar là !
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