"On n'est pas dans le futurisme, mais dans un drame bourgeois ou un thriller atmosphérique"
Ancien cascadeur équestre aujourd'hui à la tête d'un élevage de chevaux, Jack mène une vie libre et marginale, entièrement vouée à sa passion, mais constamment sur la corde raide : pourchassé par les huissiers, saura-t-il préserver encore longtemps son mode de vie bohème et précaire, d'autant que son ex-femme lui expédie sans crier gare leur fille adolescente et rebelle, qu'il ne connaît qu'à peine ? Il se lance alors dans un road-trip à travers la France, dans l'espoir de trouver une solution auprès de ses diverses relations. L'apparition d'un associé providentiel le tirera peut-être d'affaires.
Tous les personnages de cette histoire se retrouvent coincés entre leurs aspirations personnelles - amoureuses, familiales ou professionnelles-, et une réalité contrariante où les contraintes de toutes sortes, en particulier économiques pour Jack, viennent brider la liberté à laquelle ils sont si attachés. Si Jack, sa presque compagne Célie et sa fille si typiquement adolescente paraissent touchants et désarmants dans leur désarroi et leurs tentatives parfois maladroites pour rester à flot, on ne peut pas en dire autant de la génération des grands-parents, que leur égocentrisme teinté d'immaturité rend assez peu sympathiques.
Ce livre s'avère agréable grâce à son style fluide, ses personnages et ses situations évoqués de manière vivante et crédible. Je m'attendais toutefois à ce que les chevaux soient bien davantage au centre du récit, et surtout l'occasion de quelques jolis passages lyriques ou éthologiques susceptibles d'illustrer la passion de Jack. Ils sont finalement plus ici le symbole d'une liberté que l’objet d’un véritable attachement. J’ai même été surprise par la scène où Jack tue son cheval Cody lors d’une séance de dressage :
"Il refusait d’avancer. J’avais pris la chambrière, j’avais tapé. Cody ruait. À chaque ruade, je tapais, convaincu de le faire céder. Mais il ne cédait pas. Il avait peur de cet objet insolite auquel il était attaché. La crainte tendait son corps comme une pelote d’acier. Les salières se creusaient au-dessus de ses yeux. De l’eau coulait sous son ventre goutte à goutte, sur ses joues, en laissant une odeur de sel. Je tapais. Je tapais au même rythme que le sang qui battait dans mes tempes en faisant un bruit assourdissant. Je ne sentais plus mes muscles. Cody ruait. Même épuisé, il ruait dans l’air. Ses jarrets claquaient comme des coups de feu. Une grande flaque mouillait la terre sous son ventre. Soudain, son corps s’était mis à trembler violemment. Il s’était immobilisé, pétrifié, comme s’il allait perdre sa substance. Ses muqueuses avaient blanchi, ses yeux avaient laissé filer la terreur. Il avait continué à ruisseler malgré la paille dont je l’avais frictionné. Des litres et des litres d’eau. Il s’était couché en tendant la tête vers moi. Étalé sur le côté, il avait émis un petit hennissement juste avant de mourir."
Amour et respect des chevaux, vraiment ?
Ce moment de lecture, aussi plaisant soit-il, m'a donc globalement laissée sur ma faim, encore attisée par un dénouement très ouvert et sans véritable conclusion, peut-être un peu trop positif pour paraître vraiment réaliste : une petite déception qui me fait ranger ce livre sur l'étagère des romans agréables mais pas suffisamment marquants pour vraiment sortir du lot.
Roman captivant, j'ai apprécié de découvrir le monde des éleveurs de chevaux; l'éleveur est attachant mais j'ai moins apprécié les autres personnages; l'écriture est ive et moderne
Remarquable, agissant, magnétique, « Un cheval dans la tête » déploie l’animalier en royauté. « Il avait neigé dans la nuit. » Deviner la beauté en empreintes hivernales. Le ciselé qui octroie la magnificence. L’entrée dans une histoire vivifiante qui ne lâche pas un seul instant le lecteur. Sylvie Krier écrit dans cette aube inspirante, dans ce repli qui élève et encense l’authentique, l’essence même du jour. Ce récit où s’entrecroisent les hommes, la nature, les chevaux est une ode au régionalisme, au rude des épreuves, aux cœurs meurtris et à la persévérance. Construite en habiles chorégraphies, l’ambiance est un paysage changeant dans le rythme des quatre saisons. Une plongée dans ce verbal qui devine l’essentiel à puiser dans un puits de renom. Il y a la teneur de Franck Bouysse, de Giono, de Bosco. Ce récit dont la glaise est ce palpitant sincère et véritable. Pas de fioritures, pas de trop-plein, seul, passe ici l’évènementiel âpre et rude, courageux et alloué aux chevaux, la plus belle métaphore. Apprivoiser ce temps de douleurs et s’autoriser l’espoir d’une docilité de vie en advenir. Nous sommes en plongée directe dans une histoire affranchie. Jack élève des chevaux. Cabossé, vivant au jour le jour, ses volontés sont des outils, sa marginalité est un étau qui se resserre insidieusement. On aime son amour incommensurable pour ses chevaux. Un anthropomorphisme rayonne. Il est l’étalon imprévisible. Les voix en chant chorale s’élèvent tour à tour dans ce récit à tiroirs où chacun des protagonistes s’expriment. La vie de Jack est compliquée, loin d’être un long fleuve tranquille. Il a ce peu qui fragilise et ce grand de vivre la glorification de son travail. Sa fille Louise est une jeune fille quasi abandonnée. Elle ne connaît de tendresse que ce vide affectif. Sa maman reporter, éloignée dans les affres des guerres dont elle fige les images aux quatre coins du monde. Ballotée, telles des bottes de paille, Louise se rebelle et va revivre chez Jack son père dans un antre où le spartiate, la pauvreté, la décadence des Cyniques sèment le trouble et la peur. « Plus de fuel. Plus de nourriture pour nous. Guère plus pour les chevaux. » L’histoire enfle, devient ce liant sont les hommes puisent force et ténacité. Tous, ici, dans ce récit sont des miroirs. Chacun ne peut rien seul. Ce sont des morceaux de vies assemblés qui forment le regain de ce grand livre. Les chevaux sont des paraboles puissantes. L’habitus est le pictural d’une ruralité mise à rude épreuve. On aime les regards, les folies salvatrices de ces êtres. Elles domptent l’imprévisible, chevaux éclatants de foi et de vigueur. Le récit se gorge d’une narration brillante « J’avais souvent réfléchi à cette barrière impalpable qui maintient le respect entre l’homme et l’animal, et, par là, annihile le danger, ainsi qu’à l’infime transgression de ce respect qui donne au dressage toute sa densité. Nous avons conscience d’approcher chaque fois d’un peu plus près certaines limites ténues. » Sylvie Krier a cette capacité de relier ce qui sépare. De croire en l’animal, dans une thérapie qui se mérite. « Un cheval dans la tête » est une sacrée leçon de vie. Le flamenco d’une délivrance lumineuse. Publié par Serge Safran Editeur.
Un très beau premier roman âpre et tendu, à l’atmosphère prenante.
Jack, ancien cascadeur, élève des chevaux aidé par Chayton, un gars bizarre imprégné de philosophie et de culture indiennes. Il croule sous les dettes malgré l’aide et les conseils appuyés de son frère Mickey. Il a une relation épisodique avec Célie qui ne veut pas de vie de couple et sa fille Louise, fruit de ses amours de jeunesse avec Snip, qui est partie photographier les zones de combat dans le monde, débarque sans crier gare.
On change de narrateur à chaque chapitre ce qui donne une multitude de points de vue.
Les relations entre les différents protagonistes sont compliquées, ils sont tous un peu déglingués par la vie, une certaine colère imprègne tout. Les émotions ressenties par les personnages et les personnages eux-mêmes dégagent une grande force brute, force qu’ils tirent de la nature inhospitalière où presque rien ne pousse et des chevaux qui ne se laissent pas facilement dompter.
Ce qui rend la lecture de ce roman particulièrement attrayante, c’est un univers de western sans cowboys dans lequel les chevaux jouent un rôle important d’ancrage à la terre, à la réalité, à la vie sans filtre. C’est aussi un sentiment de liberté malgré les nombreuses difficultés, but suprême de chaque personnage.
Cependant, un petit détail a gêné ma lecture : ces espèces de petits résumés annonciateurs, sous forme d’une énumération d’éléments qu’on retrouve à chaque début de chapitre. La fluidité de la lecture en est interrompue, le charme du style est rompu.
Mais ce roman reste une belle découverte et je remercie Notre Temps et les éditions Serge Safran de m’avoir offert cet agréable moment de lecture.
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